Le projet « Bruits de couloir » est une proposition d'écriture collaborative à partir des textos reçus et envoyés par les élèves. À partir de la récolte, de l'agencement et de la réinterprétation de ces échanges, des fictions propres au rythme de l'établissement voient le jour. Entre écriture privée et écriture publique, il s'agit de détourner des échanges à priori banals pour en révéler le potentiel narratif et universel. Le projet final prendra plusieurs formes : une édition (avec des croquis, des recherches et un texte écrit à partir de ces textos, à plusieurs mains), une proposition d'intervention pérenne au sein de l'établissement sous la forme de plaques gravées et placées à des endroits de rencontres, un atelier radiophonique à partir de ses scénettes voire un projet de court-métrage dans lequel l'échange écrit devient le lien de plusieurs histoires se déroulant à la fois de manière autonome et liée entre elles, et dans laquelle les élèves deviennent les acteurs de leurs propres récits.
Le projet Bruits de couloir est un projet d'écriture collaborative prenant ses origines dans une pratique courante d'écriture : l'envoi d'un message écrit via un téléphone portable. Ma pratique questionnant la place de l'écriture au sein des pratiques visuelles, à travers la production de documents tels que le scénario, la partition, le script... il s'agit ici de travailler une forme visuelle et plastique à travers un usage courant, que nous considérant souvent comme ne relevant pas du domaine de la création. En parallèle, je développe une réflexion sur la forme visuelle du langage, prenant souvent comme support de diffusion l'écran et ses dérivés (téléphone portable, prompteur, projection...) Dans le cadre du projet Bruits de couloir, il s'agit d'amener les élèves à considérer l'exercice d'écriture très présent dans le cadre éducatif comme un moyen d'expression créatif pouvant amener à des formes plastiques et visuelles (vidéo, son, édition). À travers ce projet, j'aimerais explorer les passages entre écriture privée et publique, et entre réalité et fiction. Déployés hors de leurs contexte d'émission et de réception, les textos et autres formes d'écritures contemporaines qui transitent peuvent revêtir des formes de poésie, et amener l'imaginaire à s'approprier le récit. Par ailleurs, j'explore également la dimension performative et sonore du langage au moyen de performance écrite et mise en scène par des acteurs devenant alors des porte-voix, des porte-parole à un texte. Qui porte la parole lorsqu'elle est extraite de son contexte ? Qui énonce et qui reçoit ? Je m’intéresse également au passage de l'oral à l'écrit, et à l'invention de système d'inscriptions propre à retransmettre la richesse de la langue parlée au travers de l'écrit. Les différents territoires d'implantation que j'ai choisi comporte ainsi chacun une ouverture vers des langues vernaculaire (le basque dans les Pyrénées Atlantiques, le provincial et le corse à Marseille et le patois du Nord). Comment écrire un accent, des expressions propres au territoire ? Comment ces formes parlées peuvent-elles apparaitre à l'écrit et enrichir le champ de l'écriture et de la littérature ? Enfin, je crois également en la valeur prescriptive du langage, et c'est en ce sens que le projet Bruits de couloir tend à se construire : depuis le privé au public, depuis l'écran de téléphone à une forme médiatisée, publique et depuis l'oral vers l'écrit. Ces transformations du langage (à travers des constructions hésitantes, des fautes d’orthographes...) construisent un rapport au langage quotidien, qui rythme nos échanges au monde. Amener la "petite" écriture vers la grande, c'est reconnaitre que l'acte d'écrire est un prémisse à un geste créateur de dialogue, d'échange mais aussi d'une forme visuelle et sonore plus complexe inventant un langage propre. Au travers de ces intentions, je suis profondément convaincue que malgré la prolifération des interfaces numériques et des écrans, notre rapport au texte et à l'écriture se transforme et ne s'appauvrit pas : le texte devient image, s'enrichit d'une dimension que l'écran vient lui ajouter. La démocratisation de l'apprentissage du code numérique, et la prolifération des langages numériques enrichissent notre rapport au monde. Nous apprenons à des machines, à des codes à écrire. Nous tentons de créer un territoire commun à travers le langage informatique. De la même façon, les messages que nous envoyons sont un reflet de nos rapports aux autres. Lire n'est alors plus un acte isolé, face au texte d'un auteur classique, mais peut devenir une forme de construction collective d'un imaginaire, d'un récit à compléter et à s'approprier. Ayant moi-même été élève, le projet Bruits de couloir s'appuie sur mes expériences lors de l'apparition des téléphones portables face au système éducatif. D'une perte prétendue de l'orthographe à une nouvelle forme d'écriture créative, il s'agit de faire prendre conscience au élève que la littérature est un territoire qu'ils pratiquent tout les jours sans forcément sans rendre compte. Que devient l'acte d'écriture lorsque qu'on écrit tous les jours pour retenir ? Peut-on écrire pour oublier, pour créer des histoires parallèles au réel que nous vivons chaque jour ? Enfin, à partir de ces considérations, que devient l'image qui a déjà été écrite ? Que nous dit un scénario d'une situation réelle, d'un film qui n'existe pas encore ? À partir du texte, il s'agit d'explorer ses résonances contemporaines à travers sa mise en image, en son et son déploiement au travers de différentes interfaces possédant chacune ses spécificités (livre, vidéo, son).
Pyrénées-Atlantiques
Par le(s) artiste(s)