Qu’est-ce qu’on fait là ?

À travers un travail d’écriture et de vidéo, je développe un langage singulier, que je met à l'épreuve de la communication. Je crée des formes hybrides entre l'écriture, le film, des photos et des chansons, pour composer des sortes de collages. Parfois une image remplace un mot et un mot une chanson, formant un ensemble de phrases qui bégayent.

Les textes de mes films sont portés par des acteurs amateurs, professionnels ou artistes, dans des mises en scène qui donnent forme aux moments d’hésitations, à l’erreur, aux faux raccords et au hors champ. Je travaille à l’intérieur de la structure du film, chaque brèche offrant un nouveau terrain d’expérimentation.

Fidèle aux mots d’Alexandre dans La maman et la putain* : « Parler avec les mots des autres c’est ce que je voudrais, ce doit être ça la liberté », je prélève de la matière textuelle dans mon entourage, mais aussi dans des livres et des films, mentionnant leurs auteurs ou m’accaparant leurs mots. Cette méthode d’appropriation relève d’une logique de réalisme qui ancre ma recherche dans des lieux et des époques précis avec des personnages qui ont leurs références propres.

Les multiples aspects du langage et de la cohésion sociale sont des sujets qui alimentent de plus en plus mon travail, à travers des expériences personnelles, des rencontres et aussi des projets collectifs.

Lors de ma résidence à Astérides, j’ai pu collaborer avec un groupe de marseillais rencontrés par hasard lors d’une ballade sur la place Sébastopol. Ils m’ont intégré à leur cercle et sont devenus au fil du temps des compagnons et les personnages d’une vidéo : Corinne, dans laquelle ils jouent leurs propres rôles. Ce projet indéterminé au départ c'est construit au fur et à mesure de l'expérience que j'ai vécu avec eux. Aussi cette rencontre m'a permis de m'intégrer et de découvrir Marseille à travers leurs yeux.

J’ai également développé une pratique d’écriture inspirée par des dérives solitaires dans la ville. J’ai utilisé ces textes pour réaliser des collages sonores à partir de musiques libres de droit collectées sur internet pour faire l’album : Mtnt je fais dla musique. La réalisation de ces chansons est manifeste d’une légèreté dans ma manière de travailler, que je revendique proche des techniques amateurs. Il est important pour moi de montrer qu'on peut réaliser des films ou un album avec ses propres moyens pour rivaliser (à micro échelle) avec les grosses productions médiatiques qui inondent notre quotidien.

Enfin, durant ma résidence de médiation au Frac Champagne-Ardenne, j’ai eu l’opportunité d’accompagner les étudiants de la CPES du lycée Colbert à Reims tout le long de l'année pour échanger sur leurs travaux. J'ai aussi invité un artiste avec qui nous élaborons actuellement une performance : Le lac des singles, où nous proposons un travail d'écriture et de plateau aux étudiants à partir d'un épisode de : "La villa des coeurs brisés" (émission de télé-réalité). Ce projet collectif avec 20 étudiants confirme mon intérêt pour le travail de groupe, le partage des savoirs et de l'action. Les étudiants ont pu s'approprier les textes que je leur ai présenté, se familiariser avec le travail de mise en scène et j'ai pu apprendre à encadrer un groupe tout en l'incitant à prendre la parole et à agir. Ceux qui n'ont pas souhaité jouer la performance nous aident à la réalisation du décors à travers des propositions originales et personnelles : dessins sur les néons de la salle d'exposition, décoration d'un aquarium, modélisation 3D, etc...

Ces trois projets recoupent des notions et des modalités de travail que j’aimerais développer lors de la résidence Création en Cours, à travers la réalisation d'un film collaboratif. Ce projet va se dérouler en 3 temps :

1/ atelier d'écriture multiforme,

2/ assemblage et création du scénario,

3/ réalisation.

Je souhaite faire participer les élèves et les enseignants de la classe au projet (et d'autres volontaires de l'établissement scolaire si possible) afin d'apporter d'avantage de diversité à notre film.

1/ J'envisage cet atelier d'écriture comme un temps horizontal, basé sur l’échange et la confiance et où la voix des élèves = celle d'un enseignant = celle d'un employé de l'école.

Pour démarrer le travail d'écriture, j'engagerai une série de discussions avec les participants sur leur quotidien. Ce seront des échanges individuels ou par petit groupes (selon préférence) durant lesquels je pourrais les aider à s'engager dans une direction de leur choix. Je leur montrerai aussi le projet que je réalise actuellement à Reims pour qu'ils puissent imaginer ce qu'il est possible de faire ensemble. J'aimerais aussi leur montrer le film 200% de Nicolas Boone et Olivier Bosson qui réunit 60 jeunes acteurs amateurs dans un long métrage.

L'idée de l'atelier d'écriture multiforme est de mettre en crise notre moyen d’expression par défaut : le langage parlé. On peut imaginer que tout le monde n’ait pas envie d’écrire ou ne sache pas écrire avec des mots. Dans cette atelier il est possible d'écrire en montrant des images, un dessin, des émoticônes, un sms, en exécutant des gestes ou une chorégraphie pour matérialiser nos idées. Une fois ce temps d'expérimentation terminé, je récolterai les travaux.

2/ Dans ma pratique je prélève des images ou des mots d'autres auteurs que j'assemble et que je mêle à ma propre écriture. Je vais procéder de la même manière ici, en intégrant les textes de chacun dans un nouveau récit qui sera fortement marqué par nos expériences sur les lieux. Je procéderai à un travail d'assemblage entre les divers objets récoltés que je compléterais de ma propre écriture, pour donner forme à un film dans lequel je mettrai en scène les auteurs. Je développerai seule ou avec un collègue, ce qui concerne la distribution, le story-board, le découpage technique et le plan de tournage.

3/ J'exposerai le projet de tournage aux participants et j'annoncerai les rôles de chacun. Le tournage devra être réalisé avec les moyens du bord et dans le temps qui nous est imparti, sachant que ce qui compte c'est de transmettre les différentes idées et énergies contenues dans les textes pour être fidèle à notre projet collaboratif.