Pourquoi pas vivre tout nus? se situe à la frontière entre le théâtre et la danse. C'est un spectacle-rituel pour lutter contre le gris et la tristesse de nos fausses vies. Un marathon de la joie.
Un groupe de huit êtres imaginaires, les « tout nus », viennent d'être bannis du public, un public un peu malade, empêché par la peur, l'angoisse, les interdits.
C'est la dernière danse des "tout nus", leur dernier spectacle, leur fantaisie avant d'être rejetés loin de nous, dans un autre pays, un autre monde, une autre vie. A travers jeux et danses, ils vont pouvoir punir celles et ceux qui les empêchent de vivre, faire venir la joie, terminer leurs jeux d'enfants interrompus depuis bien longtemps et ainsi vivre encore un peu, puissants et rieurs, et insuffler cela à celles et ceux qui les regardent.
Avec, Pourquoi pas vivre tout nus ? , je souhaite me servir du plateau pour rêver a une autre façon de vivre que la nôtre, gens du XXI ème siècle, très civilisés et pris dans un système parfois assujettissant.
Je me suis posée un certain nombre de questions à ce sujet : que serions-nous devenus, si, pour grandir, on ne nous avait pas appris à mentir sur nous-mêmes, sur nos désirs, nos émotions, si nous vivions dans une société qui ne distinguait pas le jeu de l'apprentissage des choses, si jouer et vivre était pareil, si moins de contraintes matérielles et sociales entouraient notre existence ?
Les « tout nus » sont des êtres théâtraux. Ils sont une réponse théâtrale et imaginaire aux questions que je me pose. Ils ne peuvent vivre que parce que le théâtre existe, que parce que ce lieu qu'est le plateau, est un lieu de fuite, une île un peu sauvage préservée des tempêtes du monde. Ici, toute vie peut trouver sa légitimité, même celles qui dérogent aux règles habituelles, ou qui pourraient être inadaptées au monde.
Les « tout nus » sont tout nus, parce qu'ils ont ôté le voile qui les séparait de la vie.
Ce spectacle est leur spectacle, leur dernière danse avant de partir définitivement, puisque la fable qu'on se raconte est que le public ne veut pas d'eux. On découvre les "tout nus" à cet instant de l'histoire: ils viennent d'être bannis.
Ils jouent, ils dansent dans un dernier geste d'amour et de vengeance, un geste ambivalent qui ne cache pas au public sa colère contre lui, mais qui ne peut pas s'empêcher non plus d'être un geste d'amour et d'humour. Les spectateurs sont tous des "tout nus" en puissance et c'est ce que l'expérience veut faire éprouver: ce lien de parenté entre les "tous nus" et le reste du monde.
Alors ils jouent a danser. Pour la dernière fois. Avant de partir, de disparaître. Avant d'être bannis. La danse est prise par le prisme du jeu. Comme tout rituel, le corps a une place essentielle. Il permet notamment de se débarrasser du bavardage que le langage peut impliquer, et avoir accès au sensible. Depuis longtemps, la danse est associée à la royauté, au soleil, comme si elle permettait de venir parler de la noblesse de l’âme, de ce qu’elle a de grand, voire même de divin. Il y a quelque chose qui me parle beaucoup là-dedans, dans ce combat pour la vie que je recherche, cette quête de légitimité d'existence pour ces « tout nus ». Si, ici, tu te mets à croire que tu es le plus grand roi du monde, ici, tu peux le devenir. Avec le temps, j'ai compris que ce qui me touchait le plus dans la danse ce n’était pas sa part la plus formatée mais comment les non professionnels s'emparent d'elle. Tout corps dansant développe une grâce quasi magique qu'on ne manquera pas de visiter.
Il y a une forme d'urgence à venir jouer pour ces « tout nus ». A tout moment, on peut venir les arrêter et leur dire : « allez maintenant ça suffit, vous partez, on ne veut plus de vous ». En cela, je n'ai pas quitté certaines scènes d'enfances, que j'ai vécues moi-même et qui sont assez universelles. Qui n'a pas souvenir d'un jeu un peu interdit auquel il jouait enfant ? D'une scène de dispute, au cours de laquelle une autorité familiale ou scolaire est venue l’arrêter de jouer ? Je cherche des états, des endroits d'autorisations et d'urgence qui sont cousins des jeux de chambre enfantins et secrets. Le plateau comme une chambre loin des adultes, un lieu reculé et préservé du trop de réalité, propre a notre société d'adultes. C'est parce que nous sommes un peu déçus de l'existence que nous avons besoin de jouer aux « tout-nus ». Avec les acteurs, je travaille notamment à reconstituer ces jeux auxquels ils jouaient enfants et à rejouer l'instant où un adulte les a surpris, refusant qu'ils aillent plus loin dans ce jeu. Ensuite, nous mettons en place de faux procès de ces mêmes gens. Mais à cet instant, le plateau a valeur d'un réel tribunal. Si, ici, tu as besoin que la scène soit un palais de justice, une salle d'audience, pour la victime que tu es, et les criminels que sont toutes les autorités qui se sont opposées à ta joie, la scène peut le devenir. Pour cela, je demande aux acteurs d’écrire, de partir d'une expérience intime et réelle, même si elle est ensuite travestie, augmentée par l’écriture. On joue a écrire comme on joue à danser.
Je considère ce spectacle comme un éloge du jeu. Le jeu comme une catharsis de la vie normale, normée. Une catharsis de ce qui a du pouvoir sur nous, de ce qui nous empêche. Un jeu que chacun connait ou a connu dans son enfance et que je souhaite à tout le monde d’expérimenter à nouveau. Je souhaite que tout soit jeu, et puisse être reçu ainsi par les spectateurs. Je souhaite que toutes les théâtralités soient possibles, du plus grand naturalisme à ce qu'on retient de la comedia del arte, en passant par la tragédie ou la danse contemporaine, du moment que cela est support d'une très grande joie, d'une réelle intensité. Les « tout nus » comme les plus grands acteurs du monde, capables de tous les théâtres, et donnant corps, puissance et légitimité a l'imaginaire. Il y a quelque chose de l'exercice de foi que je recherche avec ce rituel spectaculaire.
Je cherche à ce qu'une forme de réconciliation soit possible avec ce qui nous semble aller contre nous. Je cherche un phénomène d'émancipation par le jeu, comme un rituel païen pour mieux retourner dans la vie ensuite. Que le spectateur puisse à la fois s'identifier à ces tout-nus, mais aussi à ceux qui sont la source de leur tristesse.
Mon objectif, pour ce projet est d'en construire la production. Certains lieux sont pressentis pour cela: La comédie de Saint-Etienne, le CDN de Colmar, La Commune d'Aubervilliers.