Avec ce projet, je souhaite mettre en scène la création de mondes par des enfants qui organisent et transforment l’espace à partir d’un ensemble de matières. Nous allons inventer plusieurs univers, passant du minéral au végétal, adoptant des apparences animales ou divines à travers des mythes et des cérémonies imaginaires. Créer une odyssée en plusieurs fragments. Je suis scénographe plasticienne et mon métier et de concevoir des mondes, d’avoir un regard sur ce qui m’entoure pour le transformer. J’aimerais à travers ce travail, faire découvrir la scénographie aux enfants en passant par toutes les étapes de créations: étude, lecture, conception, esquisse, fabrication de certains éléments de décor, exercices corporels et performance. Le projet est de construire des espaces éphémères puis de venir les habiter, en s’inspirant de différents récits tel « les villes invisibles » d’Italo Calvino mais aussi « l’Iliade et l’ Odyssée » d’Homère ou encore « les métamorphoses » d’Ovide.
« Petite nature, l'odyssée » est un projet qui s’articule en trois temps: la découverte de la scénographie, le jeu dans les espaces créés et la trace de ces expériences.
la scénographie (créations plastiques et installation dans l’espace): Ce projet est une traversée de paysages contrastés qui se transforment manoeuvrés par les enfants. Les matières qui le composent sont d’une part issues de la nature: minérales et végétales. Ocre, silex, pierres précieuses, mais aussi fleurs, racines, feuillages. Elles viennent d’autre part de recycleries, de stock de décors ou de brocantes constituant ainsi un inventaire riche et atemporel avec lequel composer. Des mannequins, des plâtres anciens, des vases, des bouteilles, des podiums, des paillettes et autres bibelots en tous genres.
Ces différents éléments plantent le décor et servent de point de départ à nos histoires.
le jeu (danse et cirque) : Les enfants, créateurs de ces espaces, se métamorphosent à leur tour pour investir ces lieux peu à peu sous forme de personnages appartenant à divers horizons. Ils adoptent des apparences empruntées à plusieurs ethnies au grès des rencontres. Elles sont humaines, divines, animales, naturelles et racontent des histoires avec leurs langages propres. Le dialogue se réalise par différents moyens, la parole, la danse ou le dessin.
Pour cette partie je souhaite faire intervenir des artistes circassiennes avec qui j’ai l’habitude de travailler. Leurs rapports aux corps et la qualité des propositions physique qu’elles apportent seront utiles à la découverte sensible de ces espaces.
l’oeuvre (expérience et témoignage): L’aboutissement de cette aventure sera une scénographie modulable et l’écriture de performances visibles non pas sous la forme d’un spectacle, mais à travers des archives vidéos et la réalisation d’un livre témoignant de ces expériences. En effet, il me semble que le chemin parcouru est plus important que le résultat lui même. La création d’un spectacle est un travail très dense et trop ambitieux pour cette résidence. L’important est d’y prendre gout et de pouvoir l’essayer. Néanmoins le travail de mémoire autour de ce projet est essentiel, c’est pourquoi je propose la création d’un livre réalisé communément qui porte sur cette création.
Mon idée est de bouleverser les espaces dans lesquels nous nous trouverons à l’école pour en créer des nouveaux, que ce soit dans les salles de classe, sous le préau, dans la cour de récréation ou sur les terrains de sport.
Des tables, des bancs, des cordes, des tissus, des branches, des cerceaux ainsi que certains objets insolites récupérés dans des lieux de recyclage (la Réserve des Arts à Pantin) seront nos outils de travail.
À partir de consigne très simple, les enfants devront utiliser ces matériaux pour créer différents lieux et différentes situations. Ils auront pour mission de se construire une cabane, puis d’inventer un costume ou une coiffe à partir des mêmes matériaux. Puis à l’aide d’exercices corporels, ils pourront investir ces espaces et accessoires, par exemple dans l’élaboration d’un défilé ou l’incarnation d’une nouvelle tribu.
Le texte « Les villes invisibles » d’Italo Calvino servira de support pour ces constructions. Chaque page du livre est consacrée à un lieu différent qui porte chacun le nom d’une femme. Ces courts récits sont les descriptions des découvertes de l’explorateur Marco Polo rapportées à l’empereur Kublai Khan.
Nous répéterons le même protocole dans notre travail d’écriture. Chaque jour est une nouvelle page, un nouveau décor à installer, une nouvelle histoire qui nous traverse.
«Si vous voulez me croire, très bien. Je dirai maintenant comment est faite Octavie, ville-toile d’araignée. Il y a un précipice entre deux montagnes escarpées: la ville est au-dessus du vide, attachée aux deux crêtes par des cordes, des chaines et des passerelles. En dessous il n’y a rien pendant des centaines et des centaines de mètres: un nuage circule; plus bas on aperçoit le fond du ravin.
Telle est la base de la ville: un filet qui sert de lieu de passage et de support. Tout le reste au lieu de s’élever par-dessus est pendu en dessous: échelles de corde, hamacs, maisons en forme de sacs, terasses semblables à des nacelles, paniers suspendus à des ficelles, monte-charges, douche pour les jeux trapèzes et anneaux, téléphériques, vases de plantes aux feuillages qui pendent. »
/extraits de les Villes Invisibles d’Italo Calvino, 1972/
Par le(s) artiste(s)
Par les participants