«Passages» est une forme performative qui se situe entre la littérature et le cinéma. «Passages» est une recherche sur la possibilité de déployer la littérature en dehors du livre.
«Passages» s'intéresse aux multiples chemins indicibles, spatiaux et symboliques, que nous parcourons. «Passages» se présentera sous forme d'installation sonore, visuelle et littéraire. Comment faire de ces frontières les étapes d'un parcours initiatique qui permet de se connaître mieux, de s'appréhender différemment. Comment transformer ces frontières en passages, en possibles. Travailler cette transformation avec des jeunes gens en devenir permanent, est indispensable, pour leur donner la conscience de ces possibles, et pour me nourrir de leur enthousiasme.
Au cours de cette résidence, j'aimerais continuer cette exploration, et donner une forme à ce récit, avec les outils du cinéma, le son et l'image.
Chaque jour, j'entends à la radio et lis dans les journaux que des migrants se heurtent à nos frontières.
Beaucoup de frontières ont été franchies par mes ancêtres. Ils sont venus de Russie, à pied pour certains, en bateau pour d'autres, ou en train.
Je me suis trouvée obsédée par les frontières.
J'ai commencé à en voir partout, entre les gens, frontières invisibles.
J'ai l'intime conviction qu'il faut dépasser cette notion de frontières, la contourner, la transformer pour en faire un possible, la transformer en passages.
J'ai passé les deux dernières années à écrire un récit à partir de témoignages de deux femmes qui ont récemment fui leur pays, la Géorgie, pour trouver refuge en France. J'ai mis leur récit en perspectives de ceux de ma famille, dont l'exil a eu lieu au début du XXème siècle, et aux bouleversements que je constate au quotidien dans la ville dans laquelle je vis, Paris.
Je me suis confrontée au récit de ces deux femmes exilées de Géorgie. Je les ai enregistrées et j'ai retranscrit puis réécrit leur histoire. Je me suis trouvée face à ces récits d'exil, à la traversée des frontières (pour elles, cinq frontières successives) puis l'arrivée en France, et ensuite, à la façon dont elles ont dû raconter leur récit au tribunal, afin d'obtenir le statut de réfugiées, le Graal du demandeur d'asile. Une fois qu'elles ont traversé tant de frontières, elles se retrouvent à traverser d'autres frontières, invisibles, celles de nouveaux lieux, de nouveaux codes, autant de passages vers une vie meilleure.
J'ai travaillé ce récit à partir de documents, entretiens sonores, documents juridiques, historiques, mais aussi documents intimes, photographies, films de familles pour explorer ces histoires de migrations. Je les ai transformées pour qu'elles deviennent fictions, et constituent un récit.
Comment faire de ces frontières les étapes d'un parcours initiatique qui permet de se connaître mieux, de s'appréhender différemment. Comment transformer ces frontières en passages, en possibles. Travailler cette transformation avec des jeunes gens en devenir permanent, est indispensable, pour leur donner la conscience de ces possibles, et pour me nourrir de leur enthousiasme.
Au cours de cette résidence, j'aimerais continuer cette exploration, et donner une forme à ce récit, avec les outils du cinéma, le son et l'image.
Je travaille sur le quotidien, le banal, je cherche à élargir mon regard pour capter ce qui, tous les jours, vient nourrir les thématiques que j'explore. Par la subjectivité de ce regard, je crée des liens, des passages entre ce que j'observe. J'ai travaillé le texte de mon récit comme un montage de film.
Avec les élèves du territoire choisi, je travaillerai à créer un objet hybride, entre littérature et cinéma, sous la forme d'une installation. Cet objet pourra être vu comme un portrait de la classe, comme son manifeste. Mon envie est d'inscrire le cinéma et la littérature dans la vie quotidienne des élèves. Je serai sur place deux jours par semaine, ou bien une semaine par mois, selon ce que nous déciderons avec l'école, et je monterai la matière que nous constituerons ensemble. Ces temps seront l'occasion d'échanges. Je leur parlerai de mon travail, leur montrerai les images, leur ferai écouter les sons, lire les textes, leur montrerai les étapes de transformation de la matière, du document brut en document fictionnel.
Cela nous donnera une base pour penser une matière qui leur serait propre, des instants de leurs vies, des entretiens avec un membre de la famille ou une dame de la cantine, des images des espaces par lesquels ils passent, de leurs quartiers. Il s'agira de récolter une matière du quotidien, du banal, de porter une attention aux détails qui d'habitude ne nous interpellent pas. Nous allons ouvrir nos écoutilles, enquêter et porter attention à ce qui nous traverse et ce que nous traversons, aux passages qui se créent au-delà des frontières qui jalonnent nos vies, et nous poser la question de la représentation de cela. Je leur donnerai les outils pour récolter cette matière sonore et visuelle, les outils pour déclencher l'écriture et jouer à produire des textes. Nous construirons un espace commun composé de toutes les individualités, et produirons une œuvre qui articulera cette matière hétérogène. Je suis persuadée que les passages entre documentaire et fiction révèleront des espaces, des groupes d'individus, des récits.
La notion de passage nous permettra d'aborder plusieurs thématiques : passage de la ville à la campagne, d'une langue à une autre, d'un quartier à un autre, de l'enfance à l'âge adulte, du primaire au collège, du dedans au dehors (de la salle de classe à la cour de récréation), de chez soi à l'école… Comme un état des lieux traversés, au niveau géographique et symbolique.
Par le(s) artiste(s)