« Mer occulte » est un projet de recherche conçu autour des rapports sociaux et intimes qu'entretiennent les habitants de lieux plus ou moins éloignés de la mer avec celle-ci. Créé en étroite collaboration avec les élèves de l'école d'accueil, il se matérialisera par un recueil de fiction et une installation construite autour d'objets issus de ces récits. « Mer occulte » sera au cœur d'un jumelage éphémère et spontané entre la commune choisie et Regla, une ville de la baie de La Havane à Cuba, mon pays natal. Le rapport à la mer servira de prétexte pour amener les élèves vers une réflexion sur l'identité, la production culturelle, les frontières visibles et invisibles, l'échelle locale et l'échelle internationale.
Très intéressée par l’histoire locale, l’imaginaire préconçu et la mémoire collective héritée, je suis toujours à la recherche de rencontres avec les habitants des lieux où je vis. J’ai pour objectif principal d’apporter un point de vue singulier sur la vie locale autour de l’endroit de réalisation de mon projet. Lors de cette résidence dans le cadre de « Création en cours », je souhaite réaliser un « jumelage » imaginaire entre la commune qui m’accueillerait et Regla, ville située dans la baie de La Havane, à Cuba, mon pays natal. Cette volonté est née suite à ma lecture du livre La couleur de l'été de l’écrivain cubain exilé Reinaldo Arenas. Le roman se déroule lors du carnaval havanais, autour de personnalités cubaines réelles de différentes époques. Les personnages font face à l’oppression du tyran Fifo qui mène une politique de surveillance totale et à l’imminence d’un l’exil imposé à certains des écrivains. Entre poésie et argot cubain, la satire employée par l’auteur crée des situations extravagantes et permet d’aborder le sujet de la liberté d’expression. Comme dans la plupart de mes propositions plastiques, Cuba est un point de départ. Je souhaiterais que cette résidence soit l’occasion de nous confronter à l’idée de la mondialisation, et notamment de l’unicité du monde qu’elle implique. Ma démarche vise à traduire une autre réalité sociale, un autre écosystème artistique, à expérimenter d’autres rapports à la production. Je réalise ce travail de recherche depuis un an et demi. Je m’aide de l’écriture d’histoires de fiction et des sculptures liés à mon identité cubaine pour questionner les différents rapports que les habitants ont avec la liberté d’expression, très précaire à Cuba. Grace à une résidence artistique récente à l’Usine du mai à Thiers avec l’aide de l’ENSBA de Lyon et la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes, j’ai pu élargir mon travail d’écriture avec des personnages inspirés de rencontres faites pendant mon séjour. Je souhaite poursuivre cette expérience grâce à « Création en cours » en m’inspirant de vécus différents, dans une nouvelle commune éloignée de l’offre culturelle. Dans de nombreux endroits, les institutions publiques et les acteurs associatifs luttent pour créer une offre culturelle pouvant réunir la population autour d’intérêts communs. Il existe pourtant plus que jamais une urgence à créer une réelle conscience culturelle multiple, féconde et active auprès des personnes qui vivent dans ces communes. Ces préoccupations que je partage profondément renforcent un besoin d’aller rencontrer ces acteurs et ces habitants pour comprendre les enjeux politiques de développement culturel in situ. Les élèves de cycle 3 se trouvent à un âge charnière, où ils sortent d’une position réceptive pour devenir des acteurs de leur construction identitaire. Je souhaite confronter ma propre expérience multiculturelle à celle que ces enfants vivent, de près ou de loin, en leur proposant de s’emparer d’un questionnement personnel pour créer une œuvre ouverte à la fois sur leur environnement direct, le quartier, la ville et ses habitants, et sur le monde, sur les frontières tangibles et intangibles. Je propose de nommer le projet Mer occulte. Ce titre est un point de départ pour les échanges que j’aurai avec les élèves et les habitants en de la commune. Je crois à la théorie que la vie vient de l’eau et de l’eau de la mer plus précisément. Dans la culture cubaine la présence de l’eau fait relation avec plusieurs idées : l’inondation, la sensation d’enfermement dans une île, la religion de la santeria mais aussi cette joie d’avoir la mer autour de soi. Pouvons-nous penser que nos idées sont influencées par la présence ou non de l’eau dans notre vie ? Pouvons-nous imaginer une mer invisible ? Selon notre présence géographique dans le territoire français, avons-nous un rapport différent avec la mer ? L’eau de la mer influence-t-elle une vision différente de la liberté ? La mer peut-elle conditionner notre rapport à l’autre ? Ces questions clés me permettront d’initier une réflexion sur les différents rapports qu’entretiennent les élèves et les habitants avec la présence/absence de la mer dans leurs vies respectives. À ce stade de ma candidature, l’éventail des possibles géographiques laisse entrevoir une vaste diversité des réponses, suivant la distance du lieu attribué à la mer.
Rhône
Par le(s) artiste(s)