Les Temps de l'enfance

Dans mon travail j'aime étudier et reprendre à ma manière les imageries acidulées propres à l'enfance tout en les déformants étrangement. J'aime utiliser les codes d'un âge insouciant afin de créer des espaces immersifs qui font appel aux souvenirs du spectateur, à sa sensibilité pour fabriquer une atmosphère accueillante et dérangeante à la fois. Les imageries de ces périodes de la vie me fascinent étrangement et c'est une part de cette fascination que je cherche à transmettre à mon spectateur, un attrait pour ces "shoots" de sucre visuels avec lesquels on s'est tous construits, et que l'on regarde avec un oeil plus critique en vieillissant. J'ai envie de me pencher de manière plus précise sur ces imageries, de fouiller dans nos souvenirs, de replonger dans tout ce sucre. 

Cette résidence en milieu scolaire m'intéresse particulièrement pour l'échange avec les élèves et plus encore le travail de recherche à mener en collaboration avec eux. 

J'aimerais entamer une recherche sur l'imagerie des différents âges de l'enfance. C'est une étude qu'il me semble particulièrement intéressant de mener en collaboration directe avec des enfants. Réfléchir ensemble sur leur manière de se situer dans le temps, de se souvenir ou de se projeter dans un autre temps, un temps qui n'est plus ou pas encore le leurs, mais qui n'est plus le mien. 

Qu'est ce qu'un regard d'enfant sur la petite enfance qu'il à vécut? 

Qu'est ce qu'un regard d'enfant sur l'adolescence qui l'attend? 

Qu'est ce qu'un regard d'artiste sur les images qui l'on construit et qui nous construisent tous? 

J'aimerais amener les élèves qui, en troisième cycle, sont en pleine transition entre l'enfance et l'adolescence à se faire observateurs du processus qui est le leur. A être chercheurs en histoire proche.

Afin de mener cette recherche ils travailleraient dans un carnet personnel qu'ils alimenteraient à travers des activités de groupe durant les temps de transmission mais aussi de manière plus ouverte, chez eux, ou dans leur temps libres s'ils en ont envie. 

Le journal de recherche serait découpé en trois parties, symbolisées par des pages de couleurs différentes. La première serait dédiée à la période de la petite enfance, soit avant l'école primaire. Une période qu'ils peuvent documenter et étudier par le biais de leurs souvenirs, de l'observation d'éventuels petits frères ou soeurs, ainsi avec des documents fournis en classe. 

La deuxième développerait leur temps présent, leur passage à l'école primaire. C'est le moment de réfléchir sur qui ils sont aujourd'hui, ce qu'ils aiment ou détestent et surtout pourquoi. De faire un portrait de leur temps actuel. C'est aussi le moment de prendre un peu de recul, prendre le temps d'observer ces temps si étranges que nous vivons tous en ce moment. De se permettre de faire "pause" un instant afin de se souvenir de l'avant, de projeter un après tout en se demandant comment les événements les ont construits. 

Et enfin la troisième serait consacrée au futur, au collège qui les attend bientôt et à la vision fantasmé qu'ils en ont. A leurs attentes et leurs craintes, à une projection totale dans l'avenir. Cette période de transition entre primaire et collège est un grand pas et prend aussi beaucoup de place dans leur construction actuelle. On se souvient tous de ce temps où on était les plus grands de l'école mais où on allait bientôt redevenir les plus petits. 

Je sais que les élèves en cycle trois travaillent beaucoup sur les trois temps de la conjugaison : passée, présent et futur. Ce travail de carnet serait idéal pour travailler cet aspect du programme de manière ludique et concrète. 

Chaque partie comporte une phase de collecte d'informations, puis une phase d'exploitation de toutes ces collectes. Nous pourrons même y amorcer de premières réflexions sur des créations plastiques, commencer à réfléchir ensemble au projet final d'exposition. Une exposition qui ferait voyager le spectateur dans ces trois âges de l'enfance étudiés avec les élèves. Cette phase d'exploitation se ferait par le biais d'activités ensembles : nous pourrions choisir un emblème pour chaque période, une figure importante, un moyen de transport, mais aussi dessiner un motif figuratif ou non, traduire des impressions par des mots, des images, des collages...

Enfin j'aimerais faire travailler les enfants sur une exposition composée d'espaces immersifs. Des espaces qui plongeraient le spectateur dans ces différentes phases de l'enfance à travers le regard des enfants eux mêmes et à travers mon regard d'artiste. 

Après leur avoir demandé comment ils voyaient ces trois âges de l'enfance, j'aimerais faire réfléchir les élèves à la manière dont ils pourraient transmettre à leur tour au spectateur, ce qui est une part majeure du travail d'artiste à mon sens. Par des discussions, nous pourrions aborder une recherche sur l'ambiance à travers des décors, des objets, des motifs, des lumières. Aborder la notion de muséographie. Comment montre t-on une oeuvre d'art? Comment un accrochage peut influencer la manière dont le spectateur perçoit l'oeuvre? 

A travers ce processus de travail, les enfants aborderaient une vraie démarche artistique en passant de l'observation et de la réflexion sur le monde qui les entoure, à une phase de recherche plastique à partir de leurs observations, pour aboutir à la construction d'une oeuvre d'art totale. Il s'agit d'étudier ensemble pour proposer une expérience au spectateur. Mais aussi de réfléchir avec les enfants à leur projection dans le temps, créer des passerelles entre les lieux et les époques, se souvenir de comment on a grandi pour se sentir capable de grandir encore. Tenter de prendre du recul sur le temps qui passe. 

A travers cette résidence de recherche j'espère enrichir mon rapport à l'enfance dans ma pratique, le comprendre mieux pour l'aborder de manière plus fine. Le questionner et réfléchir sa place dans mon travail. Prendre le temps d'y consacrer mes recherches plastiques, trouver avec les enfants de nouvelles pistes à explorer.