L’univers de Kimsar est ouvert sur les musiques du monde et la musique ancienne. Flûtiste baroque et docteure en anthropologie, chanteuse folk depuis l’enfance, Kimsar est passionnée par la transmission et la communication avec le public. C’est donc un besoin pressant de proximité qui la pousse à explorer dans ce nouveau projet une plus grande liberté technique sur scène, à l’aide du boucleur RC-600, de dispositifs sans fil, et d’une véritable scénographie du son.
L’objectif est de construire un concert en solo, où l’artiste explore les récentes avancées technologiques aussi bien en hardware (amélioration et camouflage des pédales, micros HF, cellules et déclencheurs MIDI) qu’en software (programmation, effets sonores appliqués à la voix et la flûte). Dans la lignée d’Émilie Simon, Camille ou St. Vincent, Kimsar souhaite mobiliser son expérience du théâtre, des musique improvisées et de la technique au service d’une création ressentie comme libre et immédiate.
Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement : mon professeur de flûte disait aussi "si ça a l’air difficile, c’est que c’est raté." Or trop souvent, les outils techniques de la musique font barrière avec le public. L’artiste redevient inaccessible, emmuré-e derrière ses claviers, attaché-e par des câbles, statufié-e derrière son micro. À une époque où l’accès à la musique se démocratise, la virtuosité technique est un moyen de resacraliser la performance. Pourtant, on peut aussi voir ces outils au contraire comme un moyen de simplifier la représentation et de se rapprocher du public. More is less : plus de technologie intelligente permet de donner l’impression qu’il y en a moins. Il me semble qu’aujourd’hui, la maturation récente de certaines techniques permet cela. Grâce à cette résidence, je voudrais donc développer un concert scénographié en solo où les apports techniques sont invisibilisés et se fondent dans le geste artistique. Je souhaite partager cette démarche dans le cadre des Création en Cours pour plusieurs raisons. D’abord, je pense important de montrer aux élèves qu’art et technologie, scène et numérique ne s’opposent pas. Ensuite, d’ouvrir la "boîte noire" de la technologie, faite de choses simples qu’eux-elles aussi peuvent s’approprier en toute légitimité. Enfin, et ce n’est pas contradictoire, je veux leur montrer qu’on peut créer de la magie, de l’enchantement, de la poésie, en inventant des dispositifs ingénieux.
Cet idéal me tient fort à cœur et j’ai aujourd’hui les moyens de le mettre en œuvre. J’ai d’abord créé en 2020 un concert scénographié sous forme de "Séminaire Imaginaire" et une adaptation scénique de la nouvelle "L’Homme Semence" qui allaient dans ce sens. J’ai sorti un premier album qui a reçu l’aide à l’autoproduction de la Sacem en 2021. Je développe de plus en plus dans mes compositions le traitement sonore (effets sur la flûte et la voix), les modes de jeux innovants (sons de papier, jeu avec la tête de flûte, flutebox) et l’implication du public (textes personnalisés, gospels). J’aimerais aller beaucoup plus loin, en ajoutant des capteurs et interrupteurs aux accessoires de scène (avion en papier, chaise, setlist) ; en ajoutant plus d’effets à la flûte, instrument sous-exploré ; en camouflant des pédales pour me déplacer librement… Dans cet objectif, je me suis formée à la MAO en 2020, j’ai acquis une guitare électrique très légère, et un boucleur RC-600 plus performant que mon précédent. J’ai besoin d’outils supplémentaires, que le budget alloué pour cette résidence permettrait d’acquérir ou de louer : un micro casque, un relais HF, des interrupteurs qui peuvent être fabriqués en fablab. Avant tout, j’ai besoin de temps pour développer tout cela : c’est-à-dire de plusieurs mois consacrés à la pure recherche créative. Cette recherche est ludique, aussi je me réjouis de la partager avec les élèves.
Enfin, je veux transmettre la notion de proximité que je cherche à développer dans ma pratique. Je l’ai cultivée à travers l’action culturelle, lors de mon Master Culture à Sciences Po Paris, au sein de l’association ethnomusiKa puis du Festival d’Aix ; puis avec des ateliers de musique hebdomadaires à Marseille pour Arts & Développement et des concerts pour des personnes en situation de handicap ; plus tôt, avec l’ensemble baroque Passaggi avec qui j’ai joué aussi bien à Aubervilliers qu’en Inde grâce à l’Alliance française. Pendant ma thèse sur la musique de l’Himalaya, j’ai collecté des chants auprès des femmes du village de Kimsar, et co-créé un répertoire avec des musiciens soufis. En 2020 j’ai co-créé avec 10 musiciens de Méditerranée sous la direction de Fabrizio Cassol. J’aime la rencontre, le contact, la complicité. Ce sont aussi ces valeurs que je veux transmettre lors de la résidence : la curiosité des matériaux artistiques – musiques du monde, percussions corporelles, collecte de sons, détournement d’instruments, effets sonores… Je souhaite transmettre aux enfants une partie du répertoire qui m’inspire, ainsi que leur proposer de créer avec quelques "trucs" simples qu’ils s’approprieront durablement.
Cette résidence est donc une étape vers l’invisibilisation de la médiation technologique sur scène. Elle donnera lieu à terme à un nouveau spectacle, et irriguera mes spectacles existants. Ce processus pourra être documenté par des enregistrements, voire un podcast ; et dans l'idéal, donner lieu à des temps de représentation avec les élèves.