L'Heure Fauve est une pièce chorégraphique à la croisée entre danse et performance. Après deux créations, Circé Poyet s'intéresse dans cette troisième à la figure de la Nymphe dans le poème de Mallarmé L'Après-Midi d'un Faune, mis en musique par Claude Debussy et chorégraphié par Vaslav Nijinsky.
Il est ici question de porter au plateau une histoire des Nymphes, de leurs mondes, de leurs rapports au Faune, au masculin, au féminin, aux normes, aux représentations, à elles-mêmes.
En souhaitant rester proche de la métrique du poème qui comporte 110 vers, la chorégraphe propose une pièce s'articulant autour de 110 mouvements.
Il est proposé aux élèves de créer un laboratoire de 50 gestes qu'ils mettront en danse avec la chorégraphe sur l'œuvre musicale de Debussy. Tout au long du processus de recherche, ils tiendront un journal photo de création.
A l'issue de la résidence, ils installeront alors certaines de leurs photographies (33) dans l'établissement avec leur professeur.
I/ Création :
L’Heure Fauve est une pièce chorégraphique qui s’intéresse au personnage de la nymphe dans le contexte de la création artistique, plus précisément au sein de L’Après midi d’un Faune, poème de Mallarmé, mis en musique par Debussy et chorégraphié par Nijinsky en 1912.
D'abord, un constat : sans les Nymphes, le Faune n’existerait pas autant. On a fait de la nymphe un second rôle, un être-prétexte, un corps-décor, en oubliant que sa présence même attire le Faune et par conséquent, fait naitre l’œuvre. Mais elle est relayée au second plan, on l’aperçoit mais elle n’intéresse guère face à la puissance incarnée par le Faune.
Pièce pour quatre danseuses, L’Heure Fauve propose de faire parler, mouvoir ces nymphes. Incarner leurs histoires, leurs mondes, leurs rapports au Faune, au masculin, au féminin, aux normes, aux arts, aux représentations, à elles-mêmes.
Œuvre emblématique et plurielle, nous connaissons L’Après-midi d’un Faune par sa représentation d’une masculinité assumée voire grandiose incarnée par la figure du Faune, qui se sert de la présence des nymphes comme on use un décor. Rentre alors en jeu ici l'envie de mettre en chorégraphie l'échappée des Nymphes du décor et des représentations figées qu'on leur a imposé.
Cette pièce se veut également en lien avec celle créée par Nijinsky, notamment dans son rapport au poème de Mallarmé. Déjà dans son titre, L’Heure Fauve, expression empruntée au poème. Surtout, la forme chorégraphique de cette création reste fidèle à la métrique du texte : L’Après-Midi d’un Faune est un poème de 110 vers. La pièce s’articule donc autour de 110 mouvements, 110 gestes, effectués par les danseuses au plateau, comme un ancrage chorégraphique d’où elles pourront parfois s’éloigner mais toujours y revenir, tel un laboratoire de mouvements pour donner à voir au monde leurs natures plurielles. Ces 110 gestes et mouvements seront tirés d’imaginaires multiples, liés de prime abord aux codes et normes fantasmés que l’on attribue aux genres, aux catégories sociales, aux divers codes de séductions. Ils seront également tirés des habitudes et rituels corporels que nous avons toutes et tous pour nous faire du bien, nous rassurer, nous donner confiance afin d’amener sur scène des gestuelles logiquement non-chorégraphiées.
Ces nymphes deviennent alors l’allégorie de ces figures minoritaires qui, trop souvent invisibilisées par des puissances imposées, rétablissent alors leurs propres histoires.
II/ Transmission
Il faut un début...
Pour mettre en œuvre ces 30% de temps consacrés au volet transmission, je proposerais aux élèves de créer leur histoire chorégraphique et poétique. Tout comme mon travail dans ma recherche en création, je les inviterai à ce que l'on crée ensemble un laboratoire de gestes et de mouvements. Leur nombre pourra tout à fait évoluer, réduire ou s'agrandir.
Les enfants commenceront d'abord par une séance d'éveil corporel, de prise de conscience de leur corps dans l'espace et avec les autres. Ensuite, il leur sera proposé de réfléchir sur les gestes qu'ils effectuent quotidiennement. Ils les mimeront probablement et c'est de cette matière là qu'émergeront les premiers mouvements. Puis, la recherche évoluera en leur proposant de réfléchir sur ce qu'ils pourraient définir comme "gestes de filles" ou "gestes de garçons". Les élèves pourront chercher d'où proviennent ces gestes, de quels imaginaires (histoires, films, musiques...). Je désire également que les enfants s'interrogent sur la notion de transmission des gestes : "Y a t-il un geste que l'on m'a appris, dans ma famille ou avec mes ami.e.s ?", "Les gestes sont-ils différents selon qui les exécutent ?" , "Le corps peut-il se souvenir de gestes oubliés?". Pour ce faire, nous observerons les gens autour de nous, nous questionnerons nos proches, ouvrirons nos regards aux détails.
En développant leurs imaginaires et en détournant le réel, nous nous amuserons à déconstruire ces codes et à faire de ces gestes de véritables mouvements dansés. Alors, une nouvelle matière chorégraphique apparaîtra et viendra s'inscrire dans la création chorégraphique des élèves. Ces temps de créations seront ponctués de plusieurs échanges entre les enfants et moi afin de leur permettre d'exprimer leur point de vue, d'éveiller leur parti pris artistique.
...puis une suite...
De ces mouvements, à priori éloignés du mouvement dansé, naîtra une courte pièce de danse sur la pièce musicale de Claude Debussy Prélude à l'Après-Midi d'un Faune. La durée de la pièce sera modulée en fonction du projet et de ses évolutions.
En plus de prise de conscience corporel et d'éveil à la création chorégraphique, il sera proposer aux élèves, grâce à leurs travaux dansés, de traverser l’œuvre musicale Prélude à l’Après-midi d’un Faune de Debussy par leurs corps, leurs mouvements, leurs nouveaux codes, leurs imaginaires.
Cette création sera présentée comme un spectacle auprès des membres de l'équipe éducative de l'école, des élèves, des parents et des habitants de la commune et ce sont les enfants eux-mêmes qui présenteront l'introduction au spectacle.
... et des surprises.
Au début de la résidence, des appareils photos "jetables" (Fujifilm recyclés ET recyclables) seront distribués aux enfants. Avec ce médium, ils pourront photographier, comme on tient un journal, ce qui entourera leur travail de création : une répétition, un moment d'ensemble, un geste, un paysage qui fera résonner en eux ce sur quoi nous travaillerons. Lorsque je quitterais l'école à l'issue de la résidence, je récupèrerais les appareils et me chargerais de faire développer les photos argentiques. Chaque semaine, les élèves recevront alors une lettre. A l'intérieur, 11 photos. Après trois semaines, ils en auront donc 33. Ces 33 photos pourront alors être installées, telle une exposition in situ, dans l'école avec leur/s professeur/s. Nous aurons en amont collaborer ensemble pour définir l'espace d'exposition (un préau, un couloir, une salle).
Le travail des élèves résonnera donc également après la résidence, leur réalisation artistique sera valorisée. Elle viendra, outre un instant suspendu dans leur temps scolaire, s'inscrire, en plus de leur corps, dans leur lieu, dans leur quotidien.
III/ Inscription et prolongement
Création en cours s'articule totalement avec le projet en trois axes que je porte avec la Cie les Erres : création, représentation, transmission. A chacune des créations de la compagnie, des ateliers pour des publics amateurs et/ou éloignés ont été mené, que ce soit en centre social, en lycée professionnel ou auprès d'adultes amateurs. L'inscription sur des territoires ruraux ou périurbains est aussi cher à mon travail : j'ai moi-même été scolarisée en haute montagne et en classe unique, l'accès aux pratiques artistiques y était délicat.
Le prolongement imaginé de cette expérience est de pouvoir inscrire certains actes artistiques des enfants dans le format scénique de la pièce. Il peut alors être tout à fait envisageable de projeter les photos qu'auront pris les enfants (sous réserve d'autorisations) , d'incarner l'imaginaire artistique qu'ils auront su développer en inscrivant certains de leurs gestes dans l'écriture de la pièce.