I Am Gold est une installation immersive mêlant arts vivants, travail photographique et arts plastiques autour du l'histoire de la Guyane, des populations qui l'habitent et de sa forêt. Sur fond de passé colonial, toujours entretenu par l'exploitation des richesses de la terre, ce projet aborde les questions de la transmission et de la préservation de notre environnement. Installations photographies, témoignages vidéos, empreintes organiques, prises de sons et performances sont autant de matières que je souhaite explorer pour mettre en exergue le rayonnement de la richesse humaine et végétale de ce territoire. Pour cette résidence plusieurs objectifs de transmission sont en jeu : faire prendre conscience aux enfants des ressources de leur territoire et de la richesse de leur culture en valorisant leurs parcours et en soulignant l'importance de la préservation de leur patrimoine historique et culturel ; les placer au sein même du processus artistique, de la conception d'un projet à sa réalisation avec pour finalité la mise en place d'une exposition au sein même de leur école.
Pour ce projet, je souhaite développer plusieurs axes de recherches qui viendront se superposer dans leurs formes finales pour donner corps à une installation immersive capable de nous faire voyager en remontant au berceau de notre humanité et en nous projetant dans les siècles à venir. Mon intention est de sensibiliser un large publique à la connaissance de l'histoire du territoire Guyanais et à la préservation de la forêt Amazonienne. Les enfants d'aujourd'hui, adultes de demain sont une partie essentielle de la colonne vertébrale de ce travail. Ils sont le pont entre notre monde actuel et celui à venir. Comme la forêt, ils possèdent en eux la force et la beauté, les croyances magiques et capacités sensorielles que nous avons tendance à occulter en grandissant. Je souhaite durant cette résidence et ce temps d'échanges avec eux, pouvoir leur transmettre les outils nécessaires pour continuer à faire briller en eux leurs imaginaires et mettre en lumière la force et la beauté de leur identité.
Aux Origines.
Selon les indiens Wayana, Anuktatop aptau, est le temps des métamorphoses qui débute avec la création du monde: tout pouvait se transformer en tout. A l'instar de l'imagination des enfants, tout est possible, et c'est parce que nous avons décidé que tout était possible, qu'alors tout le devient. C’est à cette époque que furent conçus tous les éléments (plantes, animaux, montagnes, mer, fleuves…) qui composent notre univers.
Nous avons souvent une image déformée, fantasmagorique de la forêt Amazonienne, depuis la métropole on l'appelle la jungle, on l'imagine pleine de dangers et de mystères... Elle renferme des trésors et fourmille d'histoires et de légendes fabuleuses, d'animaux incroyables et de plantes exotiques... mais elle fait surtout partie intégrante de l'histoire de notre humanité. Elle soulève les questions de notre rapport à la nature et de sa conservation. Dans son fonctionnement géomorphologique, et grâce à la mémoire des anciens, elle façonne nos souvenirs et notre manière de vivre. En nous offrant l'oxygène qui nous permet de vivre, elle est la fondation même de notre mémoire collective. Pour ce premier axe de travail, je souhaite durant ce temps de résidence, opérer une récolte d'objets avec les enfants, sorte de travail archéologique des temps modernes qui pourrait s'apparenter à une chasse aux trésors d'objets perdus ou en voie de disparitions, pour mettre en lumière la beauté et l'importance de la préservation de leur environnement. A travers cette collecte d'objets, témoins des ressources et traditions locales, je souhaite continuer à entretenir l'onirisme dans la vision imaginaire de ce monde fragile, voué à disparaître petit à petit au profil du bénéfice et du rendement.
Toujours selon les indiens Wayana, cette première phase de création du monde s’achève avec l’arrêt des transformations, conséquence de l’humiliation du démiurge par les humains. L’univers terrestre, devenu lourd, conserva son aspect, celui que nous connaissons, tandis que perdurait dans sa fluidité celui des origines, le «vrai» monde. Car le temps de la genèse n’est pas seulement celui des débuts. Il est doté d’une qualité particulière qui le rend perpétuel : il constitue une dimension qui englobe la nôtre. De cette dichotomie – qui n’a rien d’absolue – vont découler bien des conséquences. C'est avec l'arrivée de L'Homme et de l'exploitation des richesses par le sol et de l'Homme par l'Homme que s'articule la deuxième phase de mes recherches pour ce projet de création. S'appuyant sur le lourd passé colonial de la Guyane et l'histoire de ses bagnes, j'aimerai poursuivre le travail en argentique que j'ai commencé à mettre en pratique lors de mon premier voyage. A mon retour en métropole, j'ai effectué des transferts de certaines images sur différentes matières organiques et c'est alors que ce sont révélées des formes et des présences qui font clairement pensées aux prisonniers de ces temps passés. Comme si leurs mémoires étaient restées prisonnières de leur environnement et que leurs paroles voulaient continuer à exister pour ne pas nous faire oublier les dégâts que l'Homme a pu causer. Ce temps de résidence me permettrait d'approfondir ce travail de recherches et d'échanges sur notre histoire et les traces postcoloniales qu'elles laissent dans notre présent.
Pour la dernière phase de recherche de mon travail je souhaiterai prendre comme point de départ les témoignages des enfants et de leurs familles pour mettre en scène les notions de métissages et de mélanges culturels. L'éloignement et l'isolement du territoire Guyanais le plonge parfois dans des crises économiques et sociales provoquées entre autre par les politiques d'exploitations du sol. De la déforestation à l'extraction du minerais, la population guyanaise se retrouve prisonnière d'un fonctionnement pas toujours en adéquation avec sa manière de vivre et souvent loin de ses préoccupations quotidiennes. En récoltant la parole des habitants sur leurs parcours et leur arrivée en terre guyanaise, je souhaite mettre en relief la force et la beauté de cette mixité qui compose notre monde pour que chacun puisse valoriser son histoire, se reconnaître et s'élever fièrement dans toute sa singularité.
Si le titre du projet 'I am Gold' fait référence à l'extraction par le sol de l'or et du minerais guyanais, il fait également référence à la richesse qui se trouve à l'intérieur de chaque être humain.
Par le(s) artiste(s)