En 2017, le célèbre cirque Bouglione décide d’arrêter les spectacles mettant en scène des animaux. Plus de démarche d’éléphantS, de lions dressés, de sauts tigrés. À quoi ressemblera donc le cirque du futur ? S’il on laisse désormais ces animaux à leur savane, peut-on encore dompter d’autres choses : Les objets vont-ils se laisser apprivoiser ? À travers ce projet je souhaite donc mettre en place un dispositif itinérant qui questionne les codes du cirque d’animaux. En les remplaçant par des objets inertes et miniatures qui viendront s’animer et répondre plus ou moins aux ordres d’un monsieur loyal d’un nouveau genre. Les dispositifs s’appuieront et prolongeront mes recherches sur les formes animées. C’est bien sur les enfants de la classe, public habituel des cirques, qui seront à l’origine des formes, des décors et de la mise en scène du spectacle. Un spectacle live en fin d’année, ainsi qu’un film de la représentation sera produit.
Face à l’annonce d’André Joseph Bouillonne d’arrêter les spectacles d’animaux je suis resté de longues minutes indéci. Face à l’évidence du bienfait pour les animaux je ne pouvais m’empêcher de me questionner sur l’identité du cirque classique sans ses animaux rugissant, trainant de la patte, aux odeurs disparues, et aux dresseurs sans emploi.
Quand on pose la question à l’héritier de la Famille circacienne sur l’avenir de son cirque il répond : « on va mettre un peu plus de clown, un peu plus d’accrobates (…) un peu plus de vie, un peu plus de magie »
Ce sont ces deux derniers aspects que je souhaite aborder dans ce travail de recherche. Tout au long de l’année, 6 dispositifs de performance live seront réalisés. Les enfants de la classe, à chaque visite, se verront confier un nouveau dispositif dont ils devront s’emparer pour produire un numéro. Dans ce futur spectacle pas de fouets ni de cris. Les objets apprivoisés le seront grâce à différentes méthodes déjà imaginées ou collectés dans mon travail. Ce sont des dispositifs de vibrations ( le jouet Vibrato déjà réalisé ou de petits vibreurs récupérés sur des téléphones portables hors d’usages), de petits mécanismes inspirés de jouets en bois, d’anciens dispositifs optiques. Les nouvelles technologies ne seront pas mises de côté et les enfants pourront découvrir comment utiliser un smartphone comme un outil scénique ( application stroboscope, réalisation d’un hologramme etc..) . Le matériel nécessaire à la construction des éléments ( formes à dompter, décors, lumière ) sera lui aussi livré à chaque séance. Je tiens au choix en amont des matériaux, cela permet de sortir du matériel classique des salles de classe, trop souvent limité au papier crépon, au briques de lait et au rouleau de Sopalin. Les enfants pourront manipuler des essences de bois différentes (chutes des mes projets de sculpture précédents) des plumes d’oiseaux, du liège fumé, des matériaux à mémoire de forme etc.. Des matériaux durs comme la peau d’une otarie, rugueux comme l’éléphant, qui sentent fort comme un chameau. De petits objets du quotidien ou plus rares seront aussi détournés, anciennes boîtes d’allumettes ( vides bien sur ), dés à coudre, flotteurs de pêche se transformeront en bestiaire plus ou moins obéissant. Les enfants seront bien sur encouragés à trouver d’autres matériaux et petits objets collectés chez eux, au fond d’un tiroir ou au bord d’un chemin.
La première étape du projet consistera à questionner les codes du cirque sans ses animaux fétiches. À travers différentes collections d’image et de vidéos déjà collectées dans mon travail de recherche nous tenterons de définir l’imaginaire potentiel d’un cirque composé d’objets. Une table peut elle marcher en rythme ? une théière pourrait elle faire tenir une balle sur le bout de son bec ?
Pas d’éléphants gigantesques non plus, ici tout sera de l’ordre du petit voir du minuscule, de ce qui tient dans la main, auquel on fait attention, que l’on observe et dont on prend soin. Le parallèle avec les cirques de puces du siècle dernier est bien sur évident. Et comme ceux-ci une partie du dispositif permettra d’amplifier ce qui s’observe à la loupe. Un système de caméra macro ainsi qu’un vidéo-projecteur seront utilisé et fera partie du dispositif de représentation pour le spectacle de fin d’année.
Donner à voir aux enfants du vivant dans l’inerte c’est pousser leur capacité de projection et d’imaginaire, c’est aussi fournir le point de départ magique à la narration. Le parallèle avec le cirque permet un référentiel culturel commun que l’on va décoder, détourner et réinventer.
Le travail de l’Artiste Alexander Calder et de son cirque sera bien sur abordé. Pour sa capacité à faire beaucoup avec très peu, son souci de la mise en scène, sa manière à donner vie à un cheval fait d’un bouchon et d’une ficelle.
Nous retiendront de lui tout ce qui fait un bon spectacle, un ou plusieurs enfants devront se porter volontaire pour incarner monsieur Loyal ou son avatar, un autre pour déclencher les musiques au bon moment, et d’autres pour mettre en lumière leur théâtre d’objet animé: c’est une sorte de chorégraphie que se mettra en place et devra être répétée.
Comme Calder et ses valises chaque séance démarrera par l’ouverture de ma mallette fétiche, qui livrera les éléments du prochain dispositif. L’objectif étant qu’à la fin du projet tout le dispositif tienne lui aussi dans une malle transportable.
Cette dernière contrainte est liée à ma volonté de produire un système d’outils performant pour des spectacle live. Si j’abandonnerai plus ou moins la référence au cirque, je souhaite à travers ces 6 mois d’expérimentations mettre au point une série de dispositifs que je pourrai utiliser par le suite lors d’autres évènements. Ce projet me permettra de franchir une nouvel étape dans mon travail. Je suis habitué à réaliser des dispositifs autonomes, ou ma présence n’est pas nécessaire. Ici c’est un pas vers les arts du spectacle et de la mise en scène que je souhaite franchir. La classe à la fois actrice et premier spectateur du dispositif, l’exigence des enfants face à la fiabilité des installations et l’objectif du spectacle de fin d’année servira de cadre très précis à cette nouvelle voix de projets.
Par le(s) artiste(s)