«Après les ombres» est un voyage sonore dans l'univers d'un conte. Il explore la relation entre création sonore, musique instrumentale, conte et mise en scène. Oscillant entre un récit à la première et la troisième personne, il raconte le voyage d'un homme qui fuit la fin des choses. Tout commence dans un train ordinaire qui mène chaque jour le personnage principal de son travail à son domicile. Lors d'un de ces trajets, le train traverse une gare fantôme et s'y arrête. Notre personnage est le seul à descendre. Cette gare est la gare du sommeil qui mène au conte. De là, il s'engage dans un voyage à travers différents lieux. Dans chacun de ces lieux il doit affronter une manifestation du temps qui passe. Pour parvenir à les affronter, il rencontre différents protagonistes sur sa route. Sur scène, trois musiciens du collectif Myr', l'accompagnent dans son voyage. Ils participent à la création de paysages sonores ainsi qu'à l'incarnation des différents personnages du conte.
Le projet a pour but de faire fusionner l'outil ancestral de transmission qu'est le conte avec les technologies et approches nouvelles des musiques actuelles.
Cette idée d'écrire un conte m'est venue il y a quelques années lorsque ma mère m'a transmis ses connaissances de conteuse. J'ai ensuite suivi des stages à la maison du conte de Chevilly-la-rue qui m'ont convaincu de me lancer dans ce projet.
« Un conte est un miroir où chacun peut découvrir sa propre image » Amadou Hampâté Bâ.
La thématique centrale de ce conte est l'acceptation de la fin des choses. J'ai eu l'envie d'aborder ce sujet car enfant je ne souhaitais pas grandir. Terrifié par la peur de mourir, j'ai développé en grandissant la nostalgie de mon enfance passée. J'aimerais évoquer ces peurs d'enfant et d'adulte à travers le voyage d'un personnage dans un monde imaginaire où le temps, la mort, l'enfance mais aussi la peur, la folie et l'amour sont personnalisés. Finalement, j'aimerais élaborer cette histoire à la manière d'un conte de passage, d'un voyage initiatique.
L'histoire s'organisera en plusieurs chapitres :
- un chapitre sur l'avenir et l'acceptation de la mort.
- un chapitre sur le passé et l'acceptation du passage de l'enfance à l'âge adulte
- un chapitre sur le présent qui viendrait conclure l'histoire et qui servirait également de morale.
Du point de vue littéraire, je m'inspire de conte de différentes cultures et différentes comme Dame Holl des frères Grimm, Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, Les cheveux de la nuit (conte d'Amazonie) et des contes très courts comme Les noms de la neige (conte inuit) ou encore Dieu, les hommes, le vautour et la mort (conte africain).
Du point de vue musical, je puise mes inspirations dans différents styles musicaux. Pour ce qui est des chansons, Robert Wyatt est une influence majeure sur le plan de l'écriture harmonique, mélodique et du degré d'expérimentation en tout genre au sein d'une musique pop voir jazz. Je pense particulièrement à l'album "Comicopera" composé en 3 actes avec un vrai fil narratif qui se déroule tout au long de l'album. Chantant en français, je m'inspire également beaucoup de l'oeuvre de Dick Annegarn tant pour la qualité de ses textes que pour ses choix mélodiques. Pour les passages sonores qui encadreront les morceaux mes influences principales sont la musique acousmatique avec des compositeurs comme Pierre Henry, Hildegard Westerkamp, Michèle Bokanowski, les musiques free jazz et improvisées de John Zorn et Mike Patton, ainsi que l'oeuvre de certains artistes de poésie sonore comme Julien Blaine ou Anne-James Chaton.
Le temps, élément fondamental du conte sera le premier axe de réflexion pour faire coïncider l'écriture musicale avec l'écriture littéraire.
Ensuite, les instruments utilisés de manière récurrente seront pensés comme de véritables personnages, avec un caractère propre. Ils bénéficieront d'une écriture instrumentale très précise pour rendre lisible leur rôle tout au long de l'histoire. L'idée est de considérer certaines de leurs interventions comme de vraies prises de parole.
L'instrumentarium sera constitué principalement d'un saxophone alto et baryton, de flûtes, d'une guitare acoustique, de synthétiseurs et d'un dispositif de transformation électroacoustique. J'aimerais également profiter du fait que deux des autres musiciens sont également chanteurs pour faire un travail de polyphonie vocale sur certaines chansons. Tous les musiciens du collectif sont sensibles à l'exploration de textures sonores, c'est pourquoi je souhaite pendant la résidence organiser un véritable laboratoire où nous chercherons des textures sonores à partir d'objets de la scénographie (horloges, jouets, etc.) et d'éléments constitutif du paysage (sable, eau, etc.).
J'aimerais que dans la mise en forme du projet apparaissent différentes écritures :
- Narrative : à la troisième personne, il s'agira de moments que je conduirai à la manière d'un conteur. Ces moments permettront d'introduire chaque chapitre et de revenir à un contact direct avec le public.
- Descriptive : à la première comme à la troisième personne, ces passages serviront à pauser le cadre, à installer les images poétiques, la situation du personnage principal, ses sensations et les éléments de décor. Musicalement, ce sera les moments de l'exposition des matières sonores et instrumentales.
- Introspective : à la première personne, j'aimerais écrire quelques passages selon les outils de la poésie sonore, à savoir une écriture du son des mots. Rythmiques, énergétiques et incarnées, ces phases seront le reflet de la psychologie du personnage lorsque ses angoisses font surface.
- De l'action : à la première personne et chantés, les morceaux musicaux seront des moments d'action, menant au dénouement d'une situation. J'aimerais que les chansons soit de véritables points de repères pour le public, des moments de respiration.
Ce projet sera diffusé sous deux formes.
La première est un concert mis en scène. Si la musique et la voix parlée sont les outils principaux que nous utiliserons pour raconter, la mise en scène jouera un rôle tout aussi fondamental. Nous travaillerons avec une metteuse en scène, Estelle Lembert, qui nous aidera à affiner notre présence scénique par un travail de direction d'acteur. Elle sera mon regard extérieur, et me permettra d'effectuer les choix adéquats dans la construction des temporalités de chaque séquence, des déplacements scéniques, de la disposition des objets scénographiques, et pourra juger à tout moment de la compréhension de l'histoire. J'envisage également une création lumière dans un temps plus avancé de la résidence. La lumière complètera le rôle de la mise en scène et aidera à la lisibilité narrative.
Le conte prendra aussi la forme d'une fiction radiophonique. Je profiterai de mon expérience du studio en composition électroacoustique et plus récemment de la réalisation de podcasts pour fabriquer une fiction sonore. Je reprendrai d'abord les éléments du concert que j'enregistrerai avec les autres musiciens (morceaux musicaux, textures sonores collectives). Ensuite j'effectuerai un travail plus solitaire de montage son et réalisation sonore dans lequel je me concentrerai sur l'intégration de la voix, l'ajout d'autres liants. L'idée est de penser le point de vue de l'auditeur comme celui d'un marcheur qui accompagnerait le personnage principal, et lui donner ainsi l'impression qu'il écoute en temps réel le voyage de ce personnage. Le défi majeur dans la réalisation de ce podcast par rapport au travail scénique sera la mise en espace. Pour cela je compte travailler avec la technique du binaural, une technique d'enregistrement qui permet la restitution d'un espace précis et immersif. J'envisage ce travail studio comme un moyen de faire vivre le conte dans une forme matérialisée, et de m'adresser à un public plus large en allant chercher des diffuseurs radio ou podcast.
Par le(s) artiste(s)