Le projet "AMAZONES" s’inscrit dans le champ des arts plastiques et plus précisément dans celui du dessin, de l’installation et de la sculpture. Ce projet est construit autour du mythe grec des Amazones. Il permettra un dialogue avec les élèves autour des notions de mythe et de réalité, de féminin et de masculin, d’histoire et de guerre. La légende des Amazones, femmes guerrières, se retrouve tout au long de l’Antiquité, autant dans la littérature et l'art monumental que dans la céramique la plus ordinaire; ainsi elle forme un thème majeur de l'art antique. Mettre les Amazones au centre de ce projet permettra de me questionner, ainsi que les élèves, sur la civilisation grecque et sur la place des femmes au sein de celle-ci, mais aussi d’aborder de manière plus contemporaine les questions de genre et de domination. Je construirai au fil de la réflexion une grammaire visuelle des femmes guerrières, à la fois sémantique et esthétique, et je m’appuierai sur l’existence d’une mythologie pour mettre au centre de ma production une réalité des figures féminines combattantes (Jeanne d’Arc, résistantes, femmes du PKK). Cette recherche artistique prendra source dans l’étude des représentations antiques des Amazones et plus particulièrement dans l’analyse de leurs attributs guerriers. Pourront émerger par la suite différentes formes plastiques telles que des tapisseries, des objets brodés, des fresques textiles, des dessins muraux... La résidence sera envisagée au sein de l’école comme un échange quotidien avec les élèves, les enseignants, et les personnels, mais aussi comme un projet global d’enseignement : lecture du mythe, approche historique de la civilisation grecque, pratique artistique (workshop) sur le thème des attributs des amazones, temps de discussion réguliers sur les thématiques liées au projet ( comment crée-t-on une oeuvre ?, approches des études du genre, les guerrières aujourd’hui...), mise en place d’outils de médiation pour le temps de restitution.
Depuis plusieurs années, l’esthétique guerrière est au cœur de ma pratique artistique. L’ensemble des recherches réalisées jusqu’alors mettait au centre une réflexion sur la masculinité, la virilité et la discipline au sein des systèmes militaires occidentaux contemporains. Les références à l’histoire guerrière sont récurrentes dans les formes que je produis.
Aujourd’hui l’évolution de mes recherches m’amène à m’intéresser aux femmes guerrières, et plus précisément aux mythes des Amazones, à la frontière entre fantasme masculin, légende disciplinaire, et réalité des guerrières scytes du VIIe siècle av. J.-C. à la fin de l’Antiquité.
Je m’appuierai sur les différentes interprétations de ce mythe, variables selon les époques, et surtout adaptables en fonction des contextes historiques, (d’Aristote à Quintus de Smyrne, en passant par Diodore de Sicile), pour créer une grammaire ornementale ambiguë.
« Myrine, reine des Amazones, assembla contre eux une armée de trente mille femmes d'infanterie et de deux mille de cavalerie, car l'exercice du cheval était aussi en recommandation chez ces femmes à cause de son utilité dans la guerre. Elles portaient pour armes défensives des dépouilles de serpents, l'Afrique en produit d'une grosseur qui passe toute croyance. Leurs armes offensives étaient des épées, des lances et des arcs. Elles se servaient fort adroitement de ces dernières armes, non seulement contre ceux qui leur résistaient, mais aussi contre ceux qui les poursuivaient dans leur fuite. Ayant fait une irruption dans le pays des Atlantides, elles vainquirent d'abord en bataille rangée les habitants de la ville de Cercène, et étant entrées dans cette place pêle-mêle avec les fuyards, elles s'en rendirent maîtresses. »
Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, III, 54, Les expéditions de Myrina
Selon la légende, les Amazones habitent les rives du fleuve Thermodon, en Cappadoce dans l'actuelle Turquie. Pour assurer la continuité de leur civilisation, elles s'accouplent une fois par an avec les hommes des peuples voisins dont elles choisissent les plus beaux. Elles tuent leurs enfants mâles ou les mutilent, pour ensuite les utiliser comme serviteurs. Quant aux enfants femelles, elles brûlent leur sein droit pour faciliter le tir à l'arc.
On retrouve suivant les récits ou les représentations les différents attributs des Amazones : le bouclier léger en forme de demi-lune, la lance, l’arc et les flèches, le cheval et la hache ou double hache, ainsi que le sistre (grelot de bronze) servant à donner le signal de la bataille.
Leur histoire est étroitement liée à celle de nombreux héros grecs (Bellérophon, Achille, Héraclès, Thésée ou encore Priam). Chaque reine fût aimée et, finalement tuée par l’un d’eux. Achille affronte Penthésilée venue secourir les Troyens, s'en éprend et la tue dans le même temps. Priam, le vieux roi troyen, a lui-même repoussé une invasion amazone. Quand à Héraclès il s'empare de la ceinture d’Hipolyté en la séduisant et finit par la massacrer ainsi que ses compagnes. Dans les différents récits antiques les Amazones sont toujours héroïques et belliqueuses mais jamais victorieuses.
La légende des Amazones, présente dans la littérature et l’art antique jusqu’à la fin de l’empire romain, a continué de fasciner à travers le temps : chez Dante et la première littérature italienne, dans les premiers romans du Moyen Age, le roman d’Alexandre, le roman de Troie, et même jusqu’à nommer le fleuve d’Amérique du sud Amazone. Elle est considérée comme un mythe majeur de l’histoire.
L’analyse de la légende des Amazones permet de comprendre certains aspects fondamentaux de la pensée grecque antique. Les Amazones, montrent l'inverse de ce que doit être une société grecque ordonnée où la femme reste au foyer. A travers ce mythe inversé, on peut saisir la manière dont les Grecs percevaient leur propre civilisation. Et parmi les différents écrits des auteurs masculins à l’époque antique c’est un mythe proche du fantasme et de l’érotisme qui émerge, fabriquant une image ambivalente de la femme guerrière.
Ce mythe est le point de départ du projet, je m’appuierai sur l’imagerie des femmes guerrières, des Amazones fantasmées, jusqu’aux combattantes du PKK. Je ferai émerger un ensemble artistique et graphique autour de ces figures.
Les notions de décorum et d’artisanat sont récurrentes dans ma pratique artistique, elles seront ici aussi un fil conducteur, pour établir une réflexion entre guerre et rapports genrés.
Cette recherche mettra sous tension décor et séduction, et tendra à mettre en relation le décorum et les attributs guerriers des combattantes.
A partir d’éléments historiques (littéraires et iconographiques) je construirai un inventaire des représentations de la femme guerrière selon les époques (par exemple : les Amazones dans les enluminures du Moyen Age, les Amazones dans la peinture de Rubens ).
Plusieurs formes de réalisations sont envisagées, chacune ayant à voir avec les artisanats domestiques
- fresque textile en référence à la tapisserie de Bayeux, relatant une histoire interprétée de la féminité guerrière (tapisserie à l’aiguille, broderie).
- installation comprenant la fabrication d’armes fictives des Amazones (boucliers, lance, hache...) en prenant en compte la dimension décorative et esthétique des emblèmes et symboles répertoriés (sérigraphie, patchwork, toile de Jouy).
- papier peint ...
Dans ma pratique artistique, les installations sont pensées pour des lieux précis : ainsi, dans le cadre de la restitution dans l’établissement scolaire, les formes se définiront en fonction du lieu attribué pour l’exposition.
Le choix de cette thématique permet d’aborder avec les élèves la mythologie antique, mais aussi des concepts sociologiques comme les stéréotypes du genre et la place des femmes dans l’histoire et les conflits.
Ce projet a une volonté globale d’enseignement, permettant d’aborder ce thème dans différentes disciplines avec la classe concernée : lecture, histoire, arts plastiques, instruction civique.
La résidence sera un temps d’échange et d’interaction avec la classe enfin de nourrir les productions plastiques des élèves ainsi que les miennes. Lors de la restitution, les réalisations des élèves dialogueront avec les miennes dans l’installation après un débat collectif autour de l’accrochage. Aussi les élèves s’approprieront la médiation, pour pouvoir transmettre au public leur travail. Tout au long de cette résidence, les élèves seront à la fois chercheurs, artistes, régisseurs, et médiateurs.
Par ailleurs je souhaite que cette résidence soit aussi un échange avec l’ensemble de la communauté éducative (élèves et adultes). Que chacun puisse se familiariser avec la création contemporaine et le processus de création d’une œuvre (recherche, documentation, référence, choix des techniques…).
Côte-d'Or
Par le(s) artiste(s)
Les Ateliers Médicis seront fermés au public du 21 décembre au soir au 5 janvier inclus.