De janvier à Juin 2024, dans le Village d'Hellimer e Moselle est, j'ai accompagné 16 élèves des classes de CM1 / CM2 dans la réalisation d'un projet musical complet : de la construction d'instruments à la pratique en groupe, jusqu'à la restitution
Arrivée dans le petit village d'Hellimer, moselle est. Je connais la région, j'y ai grandi. Mais Hellimer, je connaissais pas spécialement. Je me rappele d'un copain du lycée qui habitait là bas, mais c'est tout.
Petite boule au ventre en arrivant devant l'école: à qui vais-je avoir à faire ? comment ça va se passer ?
Rapidement rassuré ! Prof super sympa, élèves curieux et volontaires, rencontre concluante, l'adhésion au projet est presque totale.
Première rencontre avec les enfants. Projection de Music for 18 musicians de Steve Reich. "mais monsieur, j'espère qu'on va pas faire de la musique de vieux comme ça !". Présentation du Gamelan Balinais, projection de Hujan Mas. "Ah, c'est tout de suite beaucoup mieux !". Présentation de mon instrumentarium. Les enfant commencent à comprendre le projet : il s'agira de construire un instrumentarium de récupération et de penser un moment de représentation, de célébration.
Seconde rencontre : introduction à la lutherie sauvage ! J'ai présenté des instruments de ma construction, des objets finis comme des protoypes de recherche. Petit jeu spéculatif : a ton avis, quels objets j'ai détourné pour faire ça ? Comment on invente un objet qui peut faire du son ? Devinettes, et prise en main de ces petites créations
La troisième journée se déroulera avec un artiste invité : Félix C. Delecourt. Une autre approche de la lutherie sauvage : présentation le matin de violons de sa fabrication, petites démonstration de quelques instruments. L'après midi : on va construire des instruments pour entrer en pratique collective. Qu'est-ce qu'il y a entre un balafon et et pont ? Un Balapont ! Des tasseaux de bois et mrorceaux de bambous sont choisis par les élèves, reliés entre eux par une corde. Un peu comme une échelle ... ou un pont ! Leur différence de taille et de masse produits des sons différents. On installe un système similaire avec des fers à cheval de différentes tailles. Comment on entre en jeu avec ça ? Comment on apprend à s'ecouter ? Quelle intention on met quand on joue ? Brève initiation à la pratique collective. |
Arthur s'essaye au violon à clou. Fabriqué en cinq minutes, mais ça sonne !
Le Balapont est resté à l'école. Quand je suis revenu après les vacances, et à ma grande surprise, les élèves demandaient à le sortir à presque chaque récréation !
C'est un plaisir de remarquer l'intérêt des enfants pour la musique, même sans ma présence.
Avant les vacances scolaires, la consigne était : profites de tes vacances pour fouiller ton grenier, ta cave, ton jardin, trouver des vieilleries où tu pourras. Ton objectif : ramener des objets qui ne servent à rien et te demander "qu'est ce que je pourrais en faire ? Comment ça pourrait sonner ?". Malheureusement, la rentrée est quelque peu désapointant : essentiellement des bouteilles en plastiques, des stylos cassés, de tube de colle vide, des déchets ménagers... peu de trouvailles intéressantes. Enzo, l'un des élèves, a amené des ressorts d'amortisseurs du garage de son père. Je tenterais d'en faire quelque chose. Pour le reste : improvisation ! Je pars l'atelier suivant sur un petit bricolage à partir de bouteilles en plastique et valves de chambre à air (inspiré du flair drum).
Le projet change de direction : on abandonne la construction de l'instrumentarium pour se concentrer sur la pratique musicale avec mes instruments. Nouvel objectif : préparer quelque chose pour la fête de l'école
Le travail commence deux par deux, pour apprendre à s'écouter et fonctionner ensemble. Un mois durant, j'irais à l'école des journées complètes en prenant les enfants par binômes, et avoir plus de temps à accorder à leur progression individuelle.
Un mois est passé. J'estime que les enfants ont suffisamment de bases pour tenter des approches plus collectives. Le groupe commence à s'élargir !
On se retrouve le matin en demi classes, puis l'après midi en binôme à nouveau, pour travailler sur le détail.
Arrivé à mi résidence, je prend peur : certain que les élèves n'auront pas le temps et les capacité de composer un morceau pour la restitution, je me résous à composer un morceau à leur niveau et leur propose à mon retour à l'école. Je sens l'adhésion moins évidente, ça traine un peu les pattes. Soudain, Paul est pris d'un sursaut : "mais attends, si on fait comme ça (il change l'ordre des notes sur l'instrument) "là, c'est plus simple ! On fait ça, ça, et ça ..." "mais oui, t'as raison !" s'exclame adèle. Elsa se lève, et commence à écrire la partition au tableau ... je n'en crois pas mes yeux : les élèves ont refusé ma proposition, et prennent en charge la composition pour la restitution. Iels font le travail presque sans me solliciter. Et moi, je n'ai plus qu'à contempler et à les accompagner dans leur énergie !
Le mois suivant est dédié à la mise en place de ce morceau. Travail collectif d'écriture, test de différentes versions, travail sur les parties qui peinent à se mettre en place. Petit à petit, ça se dessine !
Mon nouveau rôle est avant tout d'assurer la cohésion du groupe, de créer le cadre nécessaire à l'émergence d'une coopération. Je me saisis des idées des enfants, les dirige vers la mise en place d'une écriture cohérente dans son ensemble, conceptualise et schématise pour leur assurer une meilleure compréhension de leurs propres propositions. |
Durant cette phase, les élèves tournent encore, s'essayent encore à des instruments différents. J'en profite pour rappeler qu'à Bali, tout le monde est formé à tous les instruments. Ce détail apparent empêche la hiérarchie dans le groupe : tous le monde travail à savoir et compétences égales. J'encourage chaque élève à apprendre et comprendre les parties des autres, pour une meilleure compréhension globale du morceau.
Petit à petit, on peut répéter en classe entière. Ceci permet à monsieur Lagrange, le professeur qui n'a plus à faire cours à l'autre moitié de la classe, de se joindre à nous. Ce dernier est parfois surpris de recevoir parfois des leçons de ses élèves, qui ont une longueur d'avance sur la compréhension du morceau.
Fin mai, on évoque la question de la représentation. De ce que l'on raconte, mais aussi de comment on le raconte. Dans quel espace ? Qui on invite ? Est-ce qu'on porte des costumes ? Qu'est ce qu'on vient célébrer ?
Il est décidé que la restitution n'aurait pas lieu à la fête de l'école (trop intimidant) mais sera jouée à l'a salle des fêtes du village, exclusivement devant les parents et les élèves de CE1 CE2. Un cade plus sécurisant, mais déjà un challenge !
Les élèves décident d'un dress code simple : tout le monde portera une casquette, rose si possible.
L'intention générale sera simplement de montrer qu'on a travaillé quelque chose tous ensemble, et d'en être fièr.e.s.
Répétition générale, dans la cour de la salle des fêtes. La pression est à son comble, et les enfants s'en étonnent : "mais Florian, j'ai comme des papillons dans le ventre, j'ai peur ! Pourquoi je me sens comme ça ?". Nous faisons des pauses entre les répétitions pour des exercices de relaxation, et de défoulement ! Beaucoup d'énergie à canaliser.
Pendant que j'acceuille et installe les parents, les enfants en Mr. Lagrange sont cachés dans le hall d'entrée. En silence, et en tension. Un petit discours pour introduire le contexte dans lequel a été mené ce travail, et je fais signe aux enfants d'entrer en scène. En silence, sans un mot, en file indienne, les enfants entrent dans l'espace de représentation, se placent devant leurs instruments, et lèvent leur marteau pour signaler qu'ils sont prêt. Un échange de regard, pour se rappeler que nous ne sommes pas seul.e.s, et je donne le tempo. Ce sera mon rôle tout le long tu morceau, le seul. Un, deux, trois, quatre, ça joue !
Mr. Lagrange se voit attribué la responsabilité des "Gongs" (boites de conserves et un abat jour métallique, accordés avec l'instrumentarium, et amplifiés). Une ritournelle simple, en boucle, qui sert de ponctuation autant que de repère aux enfants.
Après une première présentation du morceau, et une première salve d'applaudissement, je propose aux parents d'élèves volontaires d'opérer un petit exercice d'empathie : leur donnant chacun.e une partie simple a jouer sur une percussion, je leur propose de réécouter le morceau en en faisant partie : une expérience de spectaCteur. A ma surprise, la majorité des parents jouent le jeu. Nous sommes maintenant plus d'une vingtaine à se concentrer pour essayer de jouer ensemble !