Une ère de repos" est un projet numérique audiovisuel, dont les prémices sont amorcés depuis l'année 2016. C'est une archive en trois dimensions d'objets rebuts. Cette collection d'objets a pour vocation d'être introduit dans un espace virtuel spécialement crée pour accueillir la trace numérique de ces artefacts qui n'ont que la destruction pour horizon dans le monde physique. Pour ce faire, je détourne un programme de photogrammétrie utilisé en archéologie pour observer des pièces sans les altérer. Au fur et à mesure, cette collection d'objets relevés à l'extérieur s'hybride avec des sculptures que je réalise mais qui ne sont pas physiquement conservées. Une ère de repos devient alors un espace virtuel ambivalent, sous ses aspects de parc d'attraction on retrouve en fait l'équivalent d'une décharge numérique. "Une ère de repos" se complète au grès des voyages et des rencontres avec des objets vétustes et délaissés.
Durant le temps de résidence, je voudrais travailler à l'élaboration de l'espace virtuel Une Ère de repos. On pourra le visiter numériquement, idéalement en ligne. Ce monde virtuel regroupera des modélisations numériques réalisées à partir d'infrastructures ou d'objets rencontrés sur place. À priori ces objets seront choisis pour leur désuétude. Des collectes photographiques seront organisées sur le lieu de résidence. Il s'agit de considérer le lieu de résidence comme la seule réserve de formes pour la plateforme numérique. La banque d'image ainsi constituée servira de base pour des modélisations 3D ou de base pour sculpter des volumes.La modélisation informatique offre une liberté toute nouvelle dans la conception de formes et permet de s'affranchir de quasiment toutes les contraintes de représentation.
Il s'agit ici de confronter différents niveaux de représentation des formes, en faisant varier les manipulations plastiques. Cela afin de générer une série d'expérimentations autour du lien que peuvent entretenir les pratiques dites «classiques» de sculpture et les outils numériques de modélisation. Ces derniers deviennent de plus en plus intuitifs et faciles à prendre en main, je tente de les intégrer dans un processus de travail global qui produit des allez-retours entre l'image de synthèse et le volume physique.
J'aimerais donc expérimenter plusieurs combinaisons, en voici quelques exemples :
-modelé d'après photo puis scanné en 3D
-modelé en 3d d'après nature
-modelage traditionnel d'après nature puis scanné en 3D
-photographié puis photogrammétrie 3D.
L'Ère de repos intégrera différents niveaux de «réalisme » questionnant ainsi notre rapport aux images synthétiques.
Une Ère de repos mettra en lumière et en mouvement des ruines parfois présentes depuis si longtemps qu'elles sont devenues invisibles aux yeux des riverains. Ces vestiges seront réécrit et réinventés avec l'aide des enfants et permettra de s'approprier cette environnement peuplé entre-autres de formes inactives. En s'autorisant la création de fictions j'imagine que l'on devient acteur et actif au sein des choses. Les enfants seront des acteurs primordiaux dans la construction du projet, car c'est bien eux qui vont participer à l'écriture et à la mise en forme de l'espace fictionnel de l'Ère, ils interviendrons en collaboration et en renfort sur les phases importantes du chantier.
D'un point de vue territorial, je voudrais me concentrer sur des zones qui ont subi des changements dans leur organisation et au niveau des activités qui y ont lieu. Il est courant à la campagne d'apercevoir les traces d'une activité agricole ou industrielle passée : parfois une forme inconnue et rouillée gît au centre d'une jardinière, une gare abandonnée trahit l'existence d'une voie ferrée plus ou moins ancienne, c'est ce type d'élément que je recherche pour peupler l'Ère de repos.
Cette action de sauvegarder entre en résonance avec de nombreux domaines tels que l'archéologie, la science fiction ou encore le transhumanisme, je suis déterminé à établir un cheminement singulier au sein de ces disciplines en menant un questionnement poétique autour de l'archive de ce qui peuple nos lieux de vies et environnements.
Le titre du jeu vidéo que je met ici en projet est emprunté au sous-titre du roman utopique de William Morris de 1890 (News from Nowhere, or an Epoch of Rest). Dans ce roman de science-fiction le héros est amené à voir des bâtiments symboliques de Londres délaissés car désuets aux yeux des habitants de l'an 2102. À travers son roman William Morris porte un œil critique sur les mutations industrielles importantes qui lui sont contemporaines, dans mon projet de résidence je propose en quelque sorte une forme de mise à jour à ce récit de rêverie utopique.
Bien que la proposition de départ d'un monde numérique illimité soit alléchante, les frontières seront vites entrevues et elles feront partie du projet. Elles seront principalement de deux ordres : La première sera une limite de connaissances liée à une pratique empirique de la modélisation. Sans formation spécialisée le bricolage est de mise pour parvenir à ses fins. J'espère qu'il en ressortira une heureuse fragilité répondant d'une certaine façon à la quête de perfection que mènent les studio de cinéma et de jeux vidéo. En ce sens ma démarche se rapprochera de celle que Bertrand Dezoteux met en œuvre dans ses œuvres vidéo basées quasi-exclusivement sur des technologies 3D.
La seconde limite sera matérielle, la superficie de l'espace virtuel et sa complexité dépendra très directement de la puissance de l'ordinateur utilisé, de sa puissance de calcul et de sa puissance de stockage. C'est intéressant car cette limite questionne l'expression très en vogue de dématérialisation. L'Ère de repos recueille l'image d'objets au sein d'un espace à priori immatériel et sans frontières qui tôt ou tard va rencontrer des limites d'ordres physiques.
Lien vers la bande annonce du projet : https://youtu.be/6n34FirJ9FI
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