Le projet Un village pour nous, se décline en une valse à trois temps. Un, de découverte, un prospectif, et un de mise en action.
Il s'agit dans ce projet de permettre aux enfants, de faire irruption par leurs imaginaires, dans les villages ruraux du Tarn. Ces enfants, comme nous, vivent une ville ou un village qui a été pensé sans eux et pour des raisons qui leur échappent complètement. Ils n'ont pas ou peu d'avis ou d'impact sur l'urbanité qui se construit autour d'eux. Pourtant, ce sont eux qui l'occuperont, bien plus longtemps que ceux qui la construisent ou l'ont construite par le passé.
Ce projet propose de créer des mythes et des histoires qui rendent compréhensible l'organisation urbaine qui les entoure, tout en ré-enchantant le quotidien. Puis il est question de créer de nouveaux mythes collectifs avec les enfants pour penser leur village futur, mais aussi de proposer des interventions réalisables sur l'existant.
Le Tarn regorge d'histoires, à moitié oubliées, à moitié fabulées.
Il est indéniable que le 20e siècle a vu de nombreux mythes disparaître au profit de logiques plus froides et performatives. Cela est en partie dû à la complexification de nos vies et sociétés, mais aussi à un certain mépris pour les explications dites 'naïves' de phénomènes complexes. Il en découle une certaine infantilisation du mythe, qui n'aurait aucun autre objectif que le divertissement. Pourtant, le rôle du mythe est loin d'être si simple, il est fondateur et donne aux sociétés humaines antiques et contemporaines des explications concevables et cohérentes à des événements complexes. De cette manière, le mythe sert une double fonction, de vulgarisation et de ré-enchantement dans un monde toujours plus bureaucratique et froid.
Souvent par le passé, l'artiste a utilisé la narration comme outil pour faire surgir des projets, architecturaux, artistiques ou autres. C’est une manière de travailler extrêmement utile pour faire ‘vivre’ un projet et le sortir d’un espace purement conceptuel. La narration et à fortiori le Mythe permet de prendre le recul nécessaire pour faire apparaître ce qui n’est pas forcément visible au premier abord.
Chaque projet architectural durant les études de l'artiste fut un exercice narratif nouveau, avec la variabilité de formes que cela pouvait prendre. La vidéo et la voix off comme projet architectural lors d’un projet sur Hoek van Holland a Rotterdam, le texte à la première personne et la BD lors d’un projet d’histoire alternative sur Les Halles de Châtelet, ou sinon l’alter ego et la curation pour son projet de diplôme : le Cosm-o-bjet sur la catégorisation des objets du quotidien…
Jules Salmon s’intéresse depuis toujours au lien étroit qu’entretiennent la narration et notre manière d’être au monde. L’aménagement du territoire et la narration humaine entretiennent une relation beaucoup plus intime qu’on peut l’imaginer.
Nos constructions, et infrastructures sont des traces indélébiles d’histoires que nous nous sommes raconté dans le passé. Ces histoires du passé sont une source d'émerveillement. Ces artefacts : bâtiments, objets, infrastructures ne cessent jamais d’évoluer, ils appartiennent au présent tout autant qu’au passé qu’ils représentent.
Le Tarn n'est pas étranger aux légendes, c'est un territoire qui a vécu de nombreux changements sociaux au cours des siècles depuis son histoire préhistorique puis gauloise, à son rôle important chez les romains, puis comme carrefour et puissance régionale au Moyen Âge, suivi d'un long déclin. Ces changements sociaux ont été accompagnés par des modifications du territoire qui sont successives et se juxtaposent. L'aménagement urbain du Tarn nous raconte une histoire à sa manière. Une histoire complexe qui influence la manière dont on y vit, et la manière dont il fonctionne.
L'urbanisme, l'architecture, et la géographie sont des sujets éminemment politiques. Ce sont des outils de gouvernance. Les mythes, eux appartiennent aux outils artistiques qui permettent de comprendre le monde par sublimation. C'est dans cet interstice que résident les intérêts principaux de recherche de l'artiste. Entre art et politique, urbanisme et poétique. C'est là que naît le projet ' Un Village pour Nous'.
Au cœur de cette façon de penser l’architecture, il y a le fait que voir l’espace à travers le prisme d’un politicien, d’un curateur, ou d'un enfant élargit la portée de ce que cela signifie d’être architecte.
Depuis quelques années à travers une participation à la politique locale dans le Lot, l'artiste prend un rôle de conseil pour redynamiser le cœur de bourg de plusieurs villages : Castelfranc, Najac…Etc. Dans ces communes et dans d’autres il y a une incompréhension des élus et des habitants face au palimpseste des aménagements urbains dans lesquels nous vivons. C'est pour faire face à ces questionnements que Jules Salmon effectue un travail de recherche sur les mythes modernes et de leur rôle potentiel dans la compréhension de l'aménagement du territoire.
Pour cela, le projet ' Un Village pour Nous' est essentiel. Il me permet de concilier des recherches sur l'aménagement territorial du Tarn, ainsi que son histoire et folklore ainsi que la mise en place d'un outil d'éducation populaire capable de rendre aux jeunes (et les moins jeunes peut être par la suite) un sentiment d'appartenance et de construction commune.
Il s'agit de faire une irruption de l'imaginaire des enfants de villages ruraux dans leurs lieux de vie. Ces enfants vivent et parcourent une ville ou un village qui a été pensé sans eux et pour des raisons qui leur échappent complètement.
La première étape du projet est une "re" découverte fougueuse de leurs lieus de vie quotidienne, à travers la création de mythes et d'histoires qui redonnent du sens a l'organisation de l'espace dans lequel ils vivent.
En suite, chaque enfant créera un mythe étroitement lié a un espace qui l’intéresse particulièrement dans le village. Ces mythes contemporains peuvent être racontés de différentes manières. Sois en tant que texte, enregistré à l’oral, en vidéo, en dessin, une carte… Etc
Les mythes racontés par les enfants seront compilés sous de multiples formes afin de créer de nouveaux 'artefacts', capables d'informer sur leur vision du village. Ainsi, de manière collaborative, est crée une cartographie villageoise des mythes spatiaux des enfants.
La seconde étape est la création d’un mythe commun, en se basant sur les mythes racontés précédemment par les enfants de manière individuelle. Avec l'artiste, les enfant peuvent créer de manière collective des scénarios de projets urbains qui se nourrissent des mythes pour faire apparaître des interventions possibles comme de nouveaux aménagements ou dispositifs urbains imaginés par les enfants et pour les enfants. Il en résulte une ou plusieurs petites interventions urbaines travaillées avec les enfants qui font office de monument à leur force d'imagination individuelle mais surtout collective, et une preuve féconde de leur force d’initiative.