Lors de cette résidence, Léna Besse souhaite partager sa recherche en expérimentant des dispositifs et des outils pour penser les futurs en groupe. Pour cela, elle emmènera les enfants dans un univers à la lisière du rêve et du jeu de rôle. D’une certaine manière, se projeter, imaginer, c’est faire de la « magie » et les images que l’on projette sur l’avenir sont des « visions ». Pour faire de la magie avec une classe d’enfants, elle souhaite créer un outil pour façonner des « visions ». L’outil en question sera un tarot divinatoire, « bricolé » afin d’imaginer et de questionner les futurs : Qu’est ce que le futur? Peut-il revêtir des allures de passé? A-t-on des objets ou des endroits autour de nous qui nous font penser au futur? Trouve-t-on des prémices du futur dans le présent?
Autant de questions qui interrogent notre rapport au monde actuel, tant pour ce qui est de l’organisation des sociétés, de l’habitat, du rapport à la différence…
Lors de cette résidence, je souhaite partager ma recherche en expérimentant des dispositifs et des outils pour penser les futurs en groupe. Pour cela, j’emmènerai les enfants dans un univers à la lisière du rêve et du jeu de rôle.
La lecture de Starhawk, qui questionne le rapport du contemporain à l’ésotérisme, m’a orienté vers les pratiques du conte et de la « magie » pour produire du dialogue et des récits collectifs. Pour elle, se projeter, imaginer, c’est faire de la « magie » et les images que l’on projette sur l’avenir sont des « visions ». Pour faire de la magie avec une classe d’enfants, il nous faudra créer un outil pour façonner des « visions ». L’outil en question sera un tarot divinatoire, « bricolé » ensemble, qui nous permettra d’imaginer et de questionner les futurs :
Qu’est ce que le futur? Peut-il revêtir des allures de passé? A-t-on des objets ou des endroits autour de nous qui nous font penser au futur? Trouve-t-on des prémices du futur dans le présent?
Autant de questions qui interrogent notre rapport au monde actuel, tant pour ce qui est de l’organisation des sociétés, de l’habitat, du rapport à la différence… le tout étant influencé par le phénomène de prophétie auto réalisatrice*. Ces échanges, produits par la création et la pratique du tarot, seraient enfin restitués dans une édition imprimée en risographie.
Dans ce projet, j’ai l’intention de solliciter trois aspects importants de ma pratique. Autrice et éditrice, je souhaite partager avec la classe mes intérêts pour la composition graphique, le dessin, le mélange des techniques, les papiers, la couleur et tout ce qui a trait à l’univers passionnant du livre.
Ensuite, je ferais appel à l’atelier de l’Antémonde*, que j’ai beaucoup utilisé et adapté dans ma recherche, permettant la fabrication de récits à plusieurs et le travail sur la multiplicité des imaginaires.
Enfin, quand j’imagine un jeu de carte ou un livre à manipuler, je me demande toujours quels comportements, quels gestes impliquent ces dispositifs. J’étudie notamment les jeux coopératifs qui permettent de jouer sans imposer de compétition inter-participant·e·s.
Edition, impression et Image
Au cours de mes études en section image imprimée aux Arts Décoratifs de Paris, j’ai concentré mon travail autour de l’édition, particulièrement au rapport que l’objet imprimé entretient avec les lecteur·ices.
Il m’importait d’amener « le livre d’artiste » hors de ses sentiers battus, devant un auditoire, et d’en faire un ensemble d’éléments connectés mais divers, utilisant des méthodes d’impression et des papiers différents. Avant tout, il devait être conçu comme un outil pour conter et raconter.
L’Aqualoop, mon projet de diplôme, s’est donc présenté sous la forme d’un livre qui se déplie, constitué de pochettes pour accueillir des cartes et des posters à déplier, un mystérieux puzzle à assembler pour faire sens.
La conception d’un livre implique tout un tas de choix matériels qui vont indiquer les usages aux lecteur·ices, constituant un chemin essentiel pour comprendre le livre : la forme fait sens avec le contenu. Au sein de notre maison d’édition associative Citerne, que je porte avec Merlin Andreae, nous nous intéressons également à des dispositifs permettant de faire cohabiter dans un même objet des graphismes et des récits pourtant éloignés. Comment faire pour réunir les travaux d’une classe dans une édition sans gommer les particularités au profit de l’homogénéité? Proposer des thèmes communs aux auteur·ices, des méthodes d’écritures croisées, des modes d’impressions originaux fait partie de notre ligne éditoriale.
Récit et projections, imaginaire collectif
Les récits par lesquels nous sommes bercés dès le plus jeune âge nous façonnent, ils nous aident à nous construire, à élaborer des échelles de valeurs, à nous regarder et à relationner. Ils construisent aussi des images auxquelles nous nous référons pour nous projeter et faire société.
Quels sont les récits qui nous façonnent aujourd’hui? Cette question m’a menée à m’engager dans des groupes militants et à découvrir le collectif de l’Antémonde. L’atelier de l’Antémonde nous propose de nous projeter dix ans après une révolution pour imaginer des futurs probables. À saint-Étienne, pendant plus d’un an, j’ai reproduit et remodelé cet atelier en changeant de protocoles et de public. Ces temps sont pour moi des invitations à l’introspection d’un collectif prenant alors naissance dans un univers de science fiction. Avec l’aide de l’équipe pédagogique, j’aimerai adapter cet atelier aux rythmes et aux préoccupations des enfants. Il serait à mon avis un très bon outil pour aller à leur rencontre et introduire le sujet des futurs, vis-à-vis de soi, des autres et de l’environnement proche ou lointain.
Tarot divinatoire, jeux de société et livre d’images
Vous l’aurez compris, ce projet de résidence tourne autour d’une activité essentielle à mes yeux : poser des questions. Le Tarot dit « divinatoire » est peut-être l’outil le plus intimement lié à ce besoin ; son but n’est pas tant de répondre aux questions que de s’en poser. Au même titre que l’atelier de l’Antémonde, le Tarot divinatoire est ici à concevoir comme un outil / jeu proposé aux enfants. Le jeu est un moyen pour moi de créer en groupe, dans un cadre qui facilite l’échange et la bienveillance, l’écoute et la coopération. En effet, les règles du jeu permettent de casser temporairement les codes relationnels de sociabilité pour faire apparaître des interactions inédites. Je pense par exemple au jeu coopératif The Mind, qui oblige les joueur·euses à communiquer sans geste ni mot, presque par télépathie ! Avec les enfants, l’idée est de « bricoler » les jeux, c’est à dire, d’en changer les règles. Avoir un tarot divinatoire entre les mains n’implique par forcément de l’utiliser comme tel, on peut d’ailleurs très bien faire des tirages de tarots avec d’autres jeux de cartes. Je souhaiterai que le tarot soit un outil d’expérimentation pour les enfants, leur permettant de juxtaposer des images et de créer des histoires que nous rassemblerions finalement dans le livre qui documentera l’ensemble des travaux réalisés pendant la résidence.
*Le phénomène de prophétie auto-réalisatrice désigne la capacité d’une projection fictive à influencer notre rapport au monde vers la réalisation effective de cette fiction. Nombre de récits actuels diffusent des imaginaires catastrophiques qu’il serait temps de combattre par la production de «visions» enviables et de futurs où il ferait bon vivre. Mon ambition est de créer les conditions idéales, par le conte, l’image et le jeu, au développement de tels imaginaires. Malgré ce qu’on pourrait croire, les enfants portent en eux les angoisses de leur époque. J’aimerai que nous nous accompagnons, le temps d’une résidence, vers la prise de conscience de notre pouvoir de projection et que nous devenions, grâce aux outils que nous produirons, les « magicien·nes » d’un avenir enviable.
Par le(s) artiste(s)