Ritournelles formelles

J’envisage Ritournelles Formelles comme la continuité d’une recherche plastique, Monacal Drawings, que je développe depuis plusieurs années : à travers une pratique méditative du dessin et un répertoire formel dépouillé, j’explore l’ambivalence d’un geste à la fois sensible et mécanique et propose un point de friction entre les deux, par les possibilités d’expression d’un médium pauvre : le stylo et la règle. À partir de ce travail, j’aimerais accompagner les enfants à développer un projet de dessin par le prisme de la notion de répétition.

La répétition ne génère pas deux fois la même chose mais tend à progressivement transformer l’action de départ. Nous avons tous déjà joué au téléphone arabe qui consiste à se « passer » une phrase qui se déforme au fur et à mesure. Ce sera le point de départ des ateliers en envisageant la répétition comme source de transformation.

L’enfance est l’âge du temps de la rêverie, de la divagation. Le travail de dessin que je développe est intimement lié à cette expérience du temps, méditative et en suspend. Dans une société de la rapidité et de l’immédiateté, Ritournelles Formelles a également pour volonté de mettre en valeur et en action le pouvoir du temps long comme un bouclier à ces injonctions.

Pour qu'une chose soit intéressante, il suffit de la regarder longtemps disait Flaubert. En ce sens, le projet s’attache à une intention du peu, du geste modeste envisagé dans tout son potentiel. Par un langage volontairement dépouillé, c’est le processus du dessin qui active ce qui est au départ inerte pour révéler l’insoupçonné.

Avec le protocole comme mode de création, la règle imposée permet d’ouvrir le processus de création à un public non initié et se prête ainsi bien à un groupe d’enfants. Les protocoles sont à la fois suffisamment simples pour être exécutés par n’importe qui et ouvert à l’interprétation de chacun.e. Le projet permettra de s’amuser dans la contrainte et de repenser avec les notions de règles et de cadres, et ainsi en jouer.

Si répéter est encouragé pour apprendre, il est mal vu de recopier ! Il sera intéressant d’aborder cette question de la reproduction avec les enfants, très sensibles aux limites du permis et de l’interdit. Nous nous demanderons si reproduire est synonyme de copier et découvrirons que si deux actions ne produisent jamais le même effet, la répétition peut être une forme de réinvention. Nous pourrons reconsidérer alors la portée plus ou moins négative de certains termes (copier, redoubler, reproduire etc.) en les envisageant comme des postures en décalage, source d’inventions.

Par des dispositifs répétitifs à grande échelle, le corps se transforme en outil de production. Le dessin devient une danse dans laquelle le corps, contraint par la zone à tracer, s’étire, se balance au gré de la cadence comme un métronome qui génère les variations du dessin. Ce n’est pas la feuille qui s’adapte à nous mais nous qui allons la chercher en sautant, courant, s’accroupissant et se contorsionnant. Que se passe-t-il quand le dessin devient une posture de groupe, un chorégraphie commune ? La répétition sera la cadence du métronome qui permet d'unir les corps. 

Comment capter ce rapport du geste réitéré au dessin ? J’aimerais mettre en place une recherche qui introduirait la captation vidéo dans le processus de création. Non dans un but documentaire de restitution mais dans un accompagnement du dessin.

Plus loin, la monstration est un moment clé du processus auquel nous accorderont un temps important avec les enfants. Comment présenter quelque chose qui se répète, comment montrer une série ?

J’aimerais que le moment où nous penserons l’accrochage des travaux avec la classe puisse coïncider avec une recherche de travail éditorial autour de mon travail. La pratique de série s’incarne en effet particulièrement dans la mise en relation des différentes pièces, dans un moment où les singularités opérées s’incarnent et se révèlent. En ce sens le budget de résidence me permettra de financer cette recherche éditoriale et sa production.