Rêverie Carcasse, c'est l'histoire d'une femme qui essaie de vivre dans son corps. Et son corps lui échappe. Son corps fait sa vie : il digère, il bat, il respire.
Il passe son temps à devenir quelqu'un d'autre : soudain le voilà grand, ou pubère, ou vieux.
Rêverie Carcasse raconte les épisodes d'une rencontre entre un corps et celle l'habite. Tour à tour costume, accessoire, marionnette ou paysage animé, le corps est arpenté le temps d'un spectacle. Pour tâcher de saisir DANS QUOI on est vivant.
Avec Création en cours, Léa Carton de Grammont et Aviva Masson (metteuse en scène et scénographe de PTUM Cie ) invitent les élèves à les rejoindre pour raconter, représenter et jouer les états et les sensations du corps qui nous constitue.
Ce projet artistique et pédagogique contribue au développement de leur compagnie de théâtre sur son territoire d’implantation, en Auvergne-Rhône Alpes.
NOTRE RELATION AU CORPS
Au début de la vie, on ne fait pas la différence entre soi et le monde. On croit qu’on est tout. Après, on apprend. On est DANS quelque chose.
Depuis l'Antiquité, dans la culture occidentale, notre relation au corps est fondée sur une séparation de la matière et de l’esprit. Descartes en méditant fonde l’essence de l’homme dans sa capacité à penser. Aujourd'hui, alors que la médecine ne cesse d'augmenter notre espérance de vie, certains fantasmes technologiques visent à immortaliser l'esprit humain sous des formes immatérielles.
Que nous la connaissions ou pas, nous vivons dans nos corps empreints de cette histoire. Nous vivons dans nos corps comme s’ils n’étaient pas nous. De là, nous cherchons à le corriger, l’améliorer, le prolonger, le dépasser. Parce que le corps est le lieu où nous mourrons. Mais avant d’y mourir, nous y passons, le temps de vivre. C’est par nos corps que nous sommes au monde, et que nous en jouissons. Par nos corps, inscrits dans la durée et dans la matière.
Voilà d’où nous partons pour raconter l’histoire d’un corps vécu, imparfait, douloureux, périssable. L’histoire de celle qui se débat, dedans et avec ce corps. À travers ses tentatives, nous voulons appréhender, par le rire et l’expérience sensible, un corps qui nous échappe autant qu’il nous constitue.
UN SPECTACLE DE THÉÂTRE ET DE MATIÈRES
Partir d’un corps, celui de la comédienne. Et le poursuivre dans les costumes, les objets, et l’espace, pensés comme une continuité. Pour cela, nous convoquons sur scène des matières et des objets qui incarnent des parties du corps. La peau, d’où s’extirpe le personnage, devient le sol sur lequel il évolue. Elle s’étale durant la croissance, des renflements gonflent dessous avec la pousse des seins, et la vieillesse la strie de rides. Les devenirs successifs du corps sont déployés comme un paysage à arpenter, où inviter le spectateur.
Puisqu’il arrive sans peau, le personnage porte autour de lui un bric à brac d’organes hétéroclites : cœur-pompe à vélo, vessie-théière... le tout emmêlé dans des nerfs en pelotes. Au fil des scènes, ces éléments de costumes s’en échappent et s’animent pour devenir des personnages, manipulés tour à tour par la comédienne ou la régisseuse plateau / marionnettiste. Et l’estomac, affamé, s’échappe du corps pour chercher à manger, tirant derrière lui des mètres d’intestins...
La comédienne, elle, incarne la présence à l’intérieur du corps – et parfois, à côté. Son corps, pris en entier ou par morceaux, devient son interlocuteur. Et tandis qu’il respire, pousse, gargouille, et s’agite, elle le dresse, le porte, l’ouvre, le vide, l’organise ou l’éparpille autour pour se sentir, enfin, dedans.
Dans une partition de jeu inspirée des burlesques, où chaque tentative pour résoudre un problème en provoque un autre, les accidents font advenir des rencontres et les ratages successifs, un savoir-vivre avec.
UNE RECHERCHE EN PARTAGE
Au fil de cette création, nous développons une méthodologie de travail déjà esquissée dans notre précédent spectacle, La Parabole de Gutenberg. Dans un premier temps, l'équipe se réunit pour mettre en partage des réflexions et de la documentation sur un sujet. Puis, des expérimentations sont menées à partir de matières et d'objets collectés. Il s'agit de définir en parallèle d'une trame de récit, un répertoire de matériaux qui constitueront l'essence du spectacle au même titre que le texte et les interprètes. La partition du spectacle s'écrit donc en aller-retour avec l'atelier et les répétitions.
C'est en particulier cette démarche de création que nous souhaitons mettre en œuvre avec les enfants, afin de la mettre en perspective et de la questionner dans un autre cadre que celui des répétitions.
Pour mettre en lien leur expérience en ateliers avec notre travail de création, les enfants assisteront aussi à une représentation du spectacle à proximité de l'école, suivie d'une rencontre avec l'équipe au complet.
TEMPS DE TRANSMISSION
Nous avons donc imaginé plusieurs temps d'atelier qui articulent chacun une manière de lier les élèves à la réflexion et aux pratiques qui animent notre projet:
TEMPS 1. INVENTION DE RÉCITS ET MISES EN MATIERES
La prise de contact avec les élèves se fera à partir de textes, œuvres plastiques, extraits de films ayant inspirés le travail de création. Les échanges autour de ces matériaux permettront de partager des questionnements : Comment représenter le vécu du corps, les émotions et sensations que l'on perçoit à l'intérieur? Comment vivons nous ses transformations ?
Nous proposerons ensuite des ateliers pour transposer et représenter (par des récits et/ou une proposition plastique) la relation au corps. Exemples : interviews de parties du corps (mains, ventre, oreilles...), trajets de l'air dans le corps, visite imaginaire de l'intérieur d'un corps...
Les propositions de chacun seront ensuite assemblés pour constituer le récit d'un seul grand corps.
TEMPS 2. COLLECTE ET FABRICATION D'OBJETS
À partir des récits des élèves, nous leur proposerons d'élaborer et fabriquer des objets pour représenter les corps ou parties du corps qu'ils auront inventés. Ces objets pourront être : des masques, des prothèses, des éléments de costumes, de marionnette, de scénographie... C'est à dire pensés pour être portés, manipulés.
TEMPS 3. MISE EN JEU DES RECITS ET DES OBJETS
Nous reformulerons les histoires inventées par les élèves en situations théâtrales, et nous mettrons en jeu les objets réalisés dans de courtes improvisations. Certains objets pourront être réadaptés pour faciliter la manipulation. Les improvisations seront ensuite scénarisées et retravaillées au sein d'une forme théâtrale, qui pourra être présentée aux autres élèves de l'établissement et aux parents.
TEMPS 4. RÉALISATION D'UNE INSTALLATION
En dehors des temps de transmission, nous réaliserons une installation qui exposera les récits et les objets fabriqués. Ils seront accompagnés de textes ou d'enregistrements des élèves relatant l'histoire d'un corps. Cette forme sera présentée dans ou à proximité de l'école. Une fois aboutie, elle pourra aussi être présentée dans les halls des théâtres où nous jouerons Rêverie Carcasse. Elle proposera au public une autre entrée en matière sur la démarche et les questionnements que nous déployons.
Création en cours permettra aux élèves de développer et d’exprimer un imaginaire du corps, et par là, d’approfondir et d’enrichir notre démarche de leurs perceptions et de leurs représentations.
Par le(s) artiste(s)