Quartier libre

Comme je l'esquisse dans le paragraphe ci-dessus, mon projet de recherche et création s'articule principalement autour d'un travail de peinture, discipline à laquelle je consacre la majeure partie de mon temps passé à l'atelier depuis un an. Celui-ci pourra être agrémenté d'autres disciplines picturales comme le dessin, la sérigraphie ou la gravure qui sont également au cœur de ma pratique. Dans le contexte de "création en cours" je souhaiterais développer ma démarche en lien avec le milieu urbain en m'appuyant sur un site spécifique, le quartier d'implantation de l'établissement avec lequel je serai amenée à travailler, afin de créer d'emblée un lien important entre ma pratique personnelle et le temps de transmission avec les élèves. Si l'idée me vient d'emprunter mes sujets à un environnement réduit à l'échelle du quartier, ce n'est pas pour témoigner de façon "illustrative" de la vie de ce dernier mais plutôt pour créer un ensemble d'œuvres dont la matière picturale aurait pour origine une zone relativement délimitée. En effet, si l'on considère un espace donné, celui-ci ne se représente pas uniquement par sa situation géographique mais aussi par de multiples paramètres comme le type d'habitats présentés, la nature de la population qui y vit, les codes sociaux qui y sont attachés, les commerces implantés ou encore la façon dont y circule. De tous ces éléments se dégagent des lignes, formes, signes, surfaces, couleurs, qui constituent la matière picturale à l'origine de mes créations. L'enjeu de mes recherches consiste à sélectionner dans cette matière les éléments qui attirent le plus mon œil et excitent ma curiosité, afin de les assembler pour créer des peintures qui reflètent l'attachement sincère que j'ai pour eux. Souvent très figuratifs, parfois plus abstraits lorsque mon regard "zoom" directement sur un objet, ces tableaux sont le fruit d'un sentiment de proximité avec les sujets choisis mais laissent aussi le spectateur libre de vivre une expérience picturale et esthétique pure. Par le biais de cet appel à projets, j'aimerais beaucoup me confronter au choix d'un espace urbain spécifique, qu'on appelle quartier, afin de l'envisager comme terrain de jeu principal, voire unique, de mes investigations. Cela représente le genre de contrainte que j'aime me donner afin de stimuler encore plus l'envie de créer pour témoigner d'une certaine poésie contemporaine dont les villes sont porteuses. En travaillant de la sorte, je construis de façon intuitive et spontanée l'exposition qui représente le temps de restitution d'une recherche d'atelier. Je ne considère alors absolument pas cela comme une exposition thématique qui reflèterait de façon naturaliste la vie et le fonctionnement d'un quartier mais, loin de cette perspective, cela constitue un point d'ancrage pour la mise en œuvre d'une pratique qui se caractérise en grande partie par la définition d'un univers pictural. Si je ne suis pas intéressée par l'idée de décrire à travers ma peinture, j'aime celle qu'on puisse découvrir dans le même temps un certain nombre de motifs, au sens large du terme, empruntés à un même espace social, culturel, géographique, historique, etc. Le spectateur n'est d'ailleurs pas forcé d'avoir en main cette carte quant au travail qu'il regarde, mais c'est un aspect important pour moi car il me permet de me situer en tant qu'artiste. Comme je l'énonçais précédemment, le public peut sans problème vivre une expérience visuelle indépendante de cet ancrage et c'est même dans ce sens que j'envisage la monstration, mais le contexte défini m'aide personnellement à m'affranchir du sujet pour laisser la place à la poésie. Au-delà de ces considérations, j'estime que la notion de quartier, au cœur des problématiques sociétales dans les villes contemporaines, mérite en effet une attention particulière qui, pour les artistes, peut passer par d'autres moyens que ceux mis en œuvre par les politiques sociales et d'aménagement territoires. Sans les remettre en cause particulièrement, je mets en avant à travers ce projet la possibilité pour l'artiste de jouer un rôle singulier en apportant un regard différent, qu'il peut également essayer de faire partager à d'autres par le biais de sa création d'une part, mais aussi par celui d'ateliers de sensibilisation et de transmission liés à son travail. C'est aussi pour cela que je propose ce projet dans le cadre de "création en cours" car j'estime qu'il va dans le sens de ma démarche, est lié à des sujets clés dans la société urbaine contemporaine et possède enfin une dimension pédagogique à travers les ateliers que j'aimerais mener avec les élèves. En effet, j'envisage de créer avec eux un journal de quartier, porté sur celui dans lequel est implanté leur établissement, qui sera également le terrain de mes propres investigations picturales. En m'appuyant sur mon expérience de dessinatrice pour la presse, nous créerons ensemble d'un bout à l'autre un journal composé de texte, dessins, photographies, collages etc. au service de sujets que nous aurons choisi ensemble de mettre en avant. Au regard de ma pratique et de mes expériences collaboratives, les enfants s'approprieront les sujets et découvriront différentes techniques graphiques et plastiques pour réaliser un objet imprimé dont ils seront les co-auteurs. Ces ateliers seront entrelacés avec mes recherches personnelles en peinture afin que chaque pratique se nourrisse de l'autre pour mettre en avant la notion de "création en cours" : je sais d'où je pars mais je ne sais heureusement pas où j'aboutirai.