Vol Can est un projet d’installation de ce que les sons produisent comme mots, de ce que les mots produisent comme dessin. De ce que la mise en espace de grandes et petites lettres remue de sens pour le/la spectateur•ice qui lèvent les yeux au plafond, marchent dessus, les évitent ou y jettent un oeil.
Valentine Gardiennet propose de partager un regard sur la pratique du dessin. Comment celui-ci peut devenir une surface ? Un motif ? Un fond ? Un papier-peint ? Mettre en espace des dessins, imprimés, marouflés, de formats différents permet un recul et un rapport de circulation engageant le corps. La cohabitation entre typographie et dessin permet de créer du sens, de la narration. Avec un accompagnement théorique réunissants livres d’images, catalogues d’expositions et une attention porté à certaines pratiques artistiques, les élèves élaboreront une installation réunissant impressions, dessins et formes de mots en volume ou deux dimensions.
En 2020 en flânant aux alentours de la Villa Arson dans le quartier St-Sylvestre, je suis tombée nez au pied sur un format A5 plié en quatre. Un dessin recroquevillé au crayon de couleur intitulé VOL CAN. Je me suis éprise instantanément de ce dessin. Il m’accompagne depuis dans chaque chambre que j’habite. Autour d’affiches et autres choses encadrées, celui-ci bénéficie d’un accrochage des plus sommaires, ses coins étant ravivés de quatre morceaux de scotch à peindre. Cet accrochage permet de mouvoir le dessin au gré de mes envies dans l’espace.
J’y pense depuis une année et je le regarde chaque matin. C’est un objet qui conforte et confirme ce choix d’être dessinatrice. C’est, en comparaison avec les formats qui m’entourent, un petit dessin. Doué d’une forte présence.L’espace qui se joue entre ces deux syllabes me font crier ce mot, fort. VOL CAN.Les traits de crayon sont frénétiques, effrénés mais intuitifs, et je me dis que c’est un dessin plein d’une très vive énergie. Ça éveille en moi une force d’être au monde. Dire ce que l’on voit, dire ce que l’on dessine. Ce dessin sous-entend le langage comme sonore, les lettres sont présentes comme formes, le dessin comme son. Je me demande régulièrement ce qui est lisible dans ce que j’écris, ce qui est entendable dans ce que je dis, et visible dans les deux. Chacun•e a une réception différente de l’enchaînement de ses mots lorsqu’iel s’entend dire les choses. J’ai souvent eu l’impression de bégayer, de buter sur les mots, de retenir des sons entre mes lèvres.Il est temps de prendre aux sérieux les onomatopées, les coquilles de langue, les petits et grands sons d’entre les mots.
Mes recherches autour du dessin et de l’écrit explorent la tension de la graphie. J’ai construit ma pratique à partir d’ anecdotes, de sous-entendus et de jeux de mots.Travailler avec des enfants autour d’outils de langage qui leur sont propres est un axe que j’aimerais developer. À un âge ou l’on bannit les gros mots de la salle de classe, ou les récitations en public se font parfois à voix tremblantes et ou l’on lève le doigt quand une bonne réponse se fait entendre, les gestes et les mots sont alors intimement liés. J’aimerais dé-hiérarchiser avec les élèves le rapport qu’iels entretiennent avec les mots de leurs quotidiens. Peut-on écrire un soupir ? Pfouuuuuuuuuu ou un bâillement, Ffffpppppppaaaah, et dessiner des gros mots ? Tout cet exercice de travailler sur le développement de son propre langage, sans hégémonie d’un seul en particulier, serait intimement lié au dessin. Les envies des enfants accompagneraient le geste du gribouillage, du remplissage, du coloriage, du raturage, de l’effacement, du crissement, du saupoudrage. J’aimerais engager un travail de recherches ou l’on prendrait le temps ensemble de penser un langage et une écriture propre à chacun•e. Cela passerait par l’écriture d’un alphabet, une typographie lisible ou pas pour les autres. Cette partie de développement serait soutenue par une présentation en amont du travail de plasticien•ne•s et artistes comme Camilia Oliveira Faircloug, Katrin Ströbel, Walter Swennen, Philip Guston, Sarah Tritz, Lily Van Der Stokker… Et quelques autres dont la pratique me touche pour le rapport texte/image qu’iels entretiennent. Mais aussi par le feuilletage et le regard sur le catalogue d’exposition Ecrire en dessinant. Quand la langue cherche son autre (Sous la direction d’Andrea Bellini et Sarah Lombardi) Une terra incognita où la simple arabesque, l’automatisme, le signe répété et le gribouillage font « sens » dans une dimension extra-linguistique, mais également existentielle, esthétique, conceptuelle.
Cette première partie de présentation de travaux d’artistes, puis de discussions et rencontres avec les élèves pour déterminer le développement de leurs langages graphiques, et la création de leurs typographies personnelles, cela via un atelier photocopies, dessins et découpages, pourra s’ensuivre par une phase de construction de leurs univers en trois dimensions. Une nouvelle maison pour la famille souris, de Kazuo Iwamura, L’arbre sans fin, de Claude Ponti, ou Les grands espaces de Catherine Meurisse accompagneront la création d’une installation faite de volumes et dessins. Avec l’aide de cartons, de supports que les enfants glaneront autour d’elleux, des univers dessinés pourront prendre forme sur des objets en volume.
Que sous-entend on quand on ne dit pas.