Public material est un projet sur la mixité et la diversité dans l'usage de l'espace public. Organisé selon la question de la bonne gestion des flux, l'espace public perd de son hospitalité au profit de la rentabilité. En réintroduisant la pratique du jeu au coin de la rue, Public material propose une approche ludique et accueillante. Il s'agit de créer une faille récréative dans le quotidien de nos trajets : tourner la tête quelques instants amusé par le jeu des enfants ou s'élancer jusqu'au ciel de la marelle. Et sur quelle expertise pertinente s'appuyer si ce n'est celle des enfants pour inventer de nouveaux dispositifs à jouer dans l'espace public.
Le projet Public material s’inscrit dans la continuité du travail de la designer Laurine Schott sur l'espace public. Ce projet de création est une réflexion sur la mixité et la diversité dans sa conception et son usage. Il prendra la forme d'interventions sous forme de dispositifs visant à en réinterroger les modalités de partage.
L'espace public c'est le lieu que nous utilisons tous, que nous partageons quel que soit l'usage que nous en faisons. Réfléchir à cet espace, c'est penser le collectif, c'est porter une attention à tous les types de pratique, à tous les corps qui l'arpentent. L'espace public devrait être le lieu de la sociabilité, de la rencontre avec l'autre , de l'échange, du partage, de l'acceptation de la différence. Il est aujourd'hui principalement pensé et organisé sous l'angle de la bonne gestion des flux, de l'évitement des nuisances, et du respect de l'hygiène. Cela pose la question politique de sa conception lorsqu’il s’agit de promouvoir des qualités d’accessibilité, d’hospitalité et plus largement d’urbanité attachées aux espaces et à leurs publics.
L'espace public n'est plus pensé que comme un lieu de passage. Pour preuve, il semble impossible aujourd'hui de jouer à la corde à sauter ou aux billes dans une rue sans gêner un passant, et il ne viendrait plus à l'idée d'aucun parent de laisser les enfants jouer dans la rue devant la maison ou au pied de l'immeuble. Pourtant, ce sont des pratiques qui ont existé. Si il y a bien une catégorie de la population qui a été évincée de l'espace public, ce sont les enfants. En ville ou en campagne, des lieux bien spécifiques leur sont réservés : aires de jeu en plastique coloré, stades de foot... et leur présence dans la rue est pratiquement perçue comme de l'inconscience. Mon projet s'attache donc à la place de l'enfant dans l'espace public.
Comment refaire signe d'accueillance dans un espace devenu de passage, déserté et souvent considéré comme hostile ? Public material a pour but de recréer une hospitalité dans l'espace public, d'inviter les usagers à ne plus faire que passer. Il faut alors créer de la surprise et de la poésie par des micro-événements pour nous faire poser un autre regard, nous dévier de notre chemin, nous faire faire une pause sur notre trajet du point A au point B même de quelques secondes. Une faille dans la routine du quotidien, qui va créer de la curiosité, de l'émerveillement et de l'enchantement. Cela ne nécessite pas de gros moyens ou de grosses interventions mais seulement de déplacer notre regard et notre corps l'espace d'un instant. Selon les principes de l'accueillance de Thierry Paquot, le projet propose des micro interventions dans l'espace public a posteriori de sa conception.
Le point de départ du projet est la marelle. La marelle est un jeu ancestral et universel. On en trouve des traces dès l'Antiquité. Connue de tous quel que soit la culture, les enfants du monde entier joue à la marelle. Elle se nomme Plat lune au Sénégal, Peregrina au Salvador, Isheki au Japon, Batto au Sri Lanka, Dama en Bulgarie, Himmel en Allemagne... La liste est longue. Qui ne sait pas jouer à la marelle ? C'est un jeu qui appartient à une mémoire collective universelle. Elle parle ainsi à tous, enfants comme adultes. La marelle a complètement disparu de nos rues pour se retrouver circonscrite aux cours d'école. Or même un adulte serait tenté de sauter à cloche-pieds sur une marelle qui se trouve sur son chemin. La démarche est d'emprunter les codes de la marelle pour créer des interventions dans l'espace public. C'est un dispositif ultra simple complètement adaptable, qui peut se mettre en place pratiquement partout en très peu de temps mais qui peut-être le support d'heures de jeu. La marelle ne nécessite que très peu de matériel, des craies pour la tracer sur le béton, voire aucun en utilisant simplement les ressources naturelles de son environnement: un baton pour la dessiner dans la terre, des cailloux.... Il existe une règle pour y jouer mais celle-ci ne demande qu'à être détournée, réinventée, enrichie...La marelle n'a de limite que l'imagination. Sa forme est simple et géométrique. Si la première image que l'on a en pensant à la marelle est celle de cette ligne verticale de cases carrées croisées avec deux lignes horizontales et le demi cercle qui la chapeaute, la marelle peut également être circulaire, en escargot, avec des cases rondes...
Marelles consiste donc à créer des dispositifs ludiques. Il s'agit de développer le principe de la marelle en terme de volume et de parcours dans l'espace public. Inspirés des aires de jeu créés par Aldo Van Eyck, ces dispositifs aux formes géométriques simples font signe et invitent tout un chacun à venir jouer ou du moins à poser un regard amusé sur notre environnement. Si leur destination première est les enfants, ces dispositifs peuvent être utilisés par tous. Leur non assignation à des codes formels des aires de jeu pour enfants permettent d'élaborer un langage commun et collectif, et de ne plus séparer à la manière du zonage, les usages de l'espace public.
Bouches-du-Rhône