Péril Urbain est un projet de création sonore mêlant documentaire, fiction et musique. Son but ? Faire résonner des échantillons de possibles pour la petite ville de - peut-être - demain et bâtir une encyclopédie des solutions "absurdes mais pas tant que ça". Avec le soutien actif d'enfants aux oreilles d'or.
Il s'agit de capter le matériau que Clément Nouguier effleure depuis toutes ces années. Ordonner ses multiples lectures et ingurgitations pour définir des points de l'intime. Enregistrer et sonder l'imaginaire de gens rencontrés dans sa vie professionnelle d'antan, dans celle d'aujourd'hui, dans ses voyages.
Clément avait déjà imaginé en 2017 une fiction sonore pour France Culture, co-écrite avec son ami Romain Weber : « Une ville périurbaine se retrouve ainsi soudainement mise en quarantaine lorsque le Président de la République, venu en visite officielle, contracte une mystérieuse maladie à son retour ». 10 faux portraits sous forme de reportages permettaient de découvrir le quotidien d'habitants plus ou moins résilients.
La série n'a évidemment pas été retenue.
Mais elle est représentative de ce que l'artiste essaie d'explorer en radio (avec notamment les grands reportages réalisée à France Inter avec Giv Anquetil sur le dérèglement climatique) et en écriture (avec trois romans en cours d'écriture, sorte de trilogie se passant : 1* dans une ville périurbaine soumise aux épisodes cévenols ; 2* dans une métropole folle, végétalisée et connectée où luttent des électro-sensibles ; 3* dans une ville moyenne où une société alternative vit en gérant les restes de la centrale nucléaire voisine) : la mise en tension d'un environnement et la vie, logiquement perturbée, de ses habitants.
Ce projet de documentaire sonore est un peu le truchement de tout cela : proposer des regards alternatifs sur ce qu'on qualifie de « périurbain » en englobant reportage, récit véridique ou fictif, création musicale et sonore, lectures. Dégager du temps pour ce projet c'est aussi écrire, car il alimente constamment les trois romans susnommés, et vice-et-versa.
Clément Nouguier aurais aimé que quelqu'un vienne le faire réfléchir plus tôt à son environnement. Quand il y vivait. Il l'a d'abord appréhendé par le prisme des émotions, puis de l'art (littérature, musique et cinéma) avant de s'y intéresser de manière universitaire. C'est peut-être le meilleur chemin de déconstruction, mais reste un goût amer : celui d'une incapacité à avoir pu « agir » quand il était encore acteur de cet environnement (jusqu'à ses 18 ans). Bien que les années passées aient été formidables, le questionnement arrivé sur le tard ne lui pas permis de vivre cet endroit comme terrain « politique » et d'y développer un imaginaire alternatif.
Le son est un matériau vivant qui se trouve une place auprès des enfants : dé-focalisation des écrans, possibilité de faire autre chose de ses mains, imagination stimulée... Sans prétention d'éducation, de sensibilisation ou d'éveil des enfants aux enjeux de leurs territoires, loin de là (ils le feront d'eux-même et ce sera pour le mieux), mais seulement avec une volonté d'interpeller leurs imaginaires, l'artiste aimerait aiguiser leur écoute, pour qu'ils se saisissent des sons et des bruits qui les entourent. Comment faire ?
Chaque passage à l'école est l'occasion d'explorer une phase de travail.
1. Transmission de l'idée sonore grâce à des écoutes de formats très courts (histoires captées ailleurs et déjà montées). Il s'agit de découvrir le son et sa narration, d'y accoler un vocabulaire et des émotions, de décrire les environnements où se déroulent les histoires écoutées : que peut-on imaginer à l'écoute de telle ambiance ? De telle voix ? De telle musique ?
2. Réflexion sonore autour de l'environnement. Forts de cette première expérience nous inversons la machine pour s'intéresser aux sons qui nous entourent : cour, environnement extérieur à l'école (parc, zone pavillonnaire...)... En divisant la troupe en petits groupes, nous pouvons distribuer des enregistreurs et collecter une bibliothèque sonore – ou sonothèque, pour les puristes – propre à l'endroit (après une rapide formation technique). Et en fin d'atelier, une création musicale est réalisée à base de ces sons (grâce à des échantillonneurs).
3. L'environnement étant maîtrisé d'un point de vue sonore, il est temps de réfléchir aux créations qui sont celles des différents groupes. Que peut-bien raconter cette bibliothèque sonore ? La vie d'escargots évoluant dans un paysage bitumé où le danger prend la forme de grands cercles pneumatiques ? Le quotidien d'un chercheur de graines qui bat le pavé tout aussi bitumé avec son détecteur à graines ? Une course de vélos ? Tant de choses possibles grâce à l'inventivité vexante des enfants. Chaque groupe se doit donc de définir ici son projet sonore, d'une durée de moins de cinq minutes.
4. C'est le temps de création : chaque groupe s'affaire à enregistrer les sons manquants, à structurer son histoire, sa capsule. Le montage se fera sur papier, avec un jeu de post-it : ainsi ils peuvent construire le déroulé en posant leurs intentions. A Clément de monter numériquement en fonction de leurs idées, pour qu'ils puissent jauger l'avancée.
Tout au long de ces ateliers l'artiste apporte son savoir-faire technique et éditorial, pour aider les enfants à mener à bien leur création. Il travaille également les productions à la fin de chaque étape pour commencer la suivante avec un matériau propre (montage, mixage, réalisation...).