MOBIL est une recherche sensible sur des “choses” habituellement statiques, inertes, non mobiles par elles mêmes qui soumises à l’interaction de conditions extérieures (air, eau, chaleur) s’animent, bougent capricieusement, dansent de manière fantaisiste, créent des sons surprenants ou modifient leur aspect (un feuillage par exemple).
Le projet consiste dans un premier temps à collecter des situations qui génèrent ces transformations fortuites, les analyser pour pouvoir les reproduire aisément. Par la suite, en m’inspirant de ces exemples “naturels” je propose de créer des machineries simples utilisant les mêmes propriétés mécaniques.
La démarche sera la même avec les enfants. MOBIL sera pour eux une manière ludique d’investiguer finement leur environnement familier pour y dénicher et observer ces phénomènes aux apparences étranges. Puis, à l’aide de mécanismes rudimentaires, de leviers, de jeux d'équilibre, de prises au vent, nous allons réaliser des constructions animées, bizarres.
Un jour, dans un champ j'aperçois à la lisière de la forêt un arbre, un peuplier blanc à l’aspect inhabituel. Sous l’action du vent son feuillage argenté s’anime de larges ondulations moirées. La scène donne l’impression qu’une créature vivante prisonnière de la frondaison s’agite pour se libérer de cette prison végétale. En m’approchant, le peuplier semble maintenant abriter une gigantesque colonie d’animaux inconnus qui, sous l’action de la brise s’agite de mouvements collectifs, concertés, semblables aux comportements d’un banc de poissons ou au vol des étourneaux.
Ailleurs, un autre jour, sur le quai d’un port j'entends au loin un cliquetis étonnant, des sons secs, brefs et désordonnés. Curieux, je me rapproche intrigué par ces claquements insolites, cet applaudissement singulier ou ce message sonore au code inconnu, qui semble provenir des bateaux désertés. Ce sont les cordages et haubans des embarcations qui en sont la cause. Agités dans le vent marin, ils semblent exprimer la revendication des bateaux à l’amarre, leur impatience à partir au large.
C’est ce type de situation qui constitue l’objet de ma recherche pour Création en Cours. Comment, dans un premier temps un objet, un élément habituellement considéré sans vie ou sans moyen propre de mobilité peut à la faveur d’action extérieure se mettre en mouvement, s’animer, émettre des sons en donnant l’illusion d’une action intelligente, raisonnée et mystérieuse, avec une apparence esthétiquement surprenante ? Puis, comment ces phénomènes résultant de propriétés physiques peuvent être analysés, reproduits et réutilisés pour de nouvelles interprétations ?
Mobil s’attache à répondre à ces questionnements. Dans le cas du peuplier, c’est la constitution des feuilles, un côté argenté, un côté foncé qui fait miroiter et donne cet aspect chatoyant et métallique à son feuillage sous l’effet d’un flux d’air en faisant apparaître tantôt une face, tantôt l’autre. Pour les cordages, est-ce qu’il serait possible d’imaginer et de réaliser un instrument de musique inspiré par ce système de percussions autonome ? Est-il possible de recréer ces situations “naturelles” ? Construire une oeuvre artistique, un artefact soumis à la demande aux mêmes modifications, aux mêmes possibilités de mouvement, à partir de matériaux manufacturés, du métal, des matières recyclées, du papier, ou d’origine naturelle, etc.
Mobil exige d’observer et de documenter ces situations insolites, ces couples objets-inanimés/phénomènes-extérieurs produisant une forme étrange de “vie spontanée”, une autonomie imprévisible, une forme archaïque d’émancipation par rapport à l’état initial. Les phénomènes extérieurs possibles en jeu sont multiples, courant d’air, chaleur, flamme, rayonnement solaire, flux de liquide, humidité, champ magnétique, gravité, équilibre, souplesse et élasticité des matériaux, mémoire des formes, etc.
Ces phénomènes peuvent s’appliquer à d’innombrables sujets, minéraux, végétaux (feuilles, branches, herbes), liquides, objets de récupération, poils, plumes, os, etc. Les effets possibles : un son, une résonance, un contraste coloré, un mouvement gracieux, fascinant, répétitif ou plutôt erratique, une modification d’aspect (couleur, nature), etc. Les interprétations (souvent anthropomorphes): une danse comique, un langage inconnu, une mélopée, un être surnaturel, un code secret, un graphisme.
L’opportunité de la résidence Création en Cours serait l’occasion de développer cette recherche à l'échelle d’un territoire défini, avec ses ressources propres, son biotope, qu’il soit urbain ou rural.
Mobil se propose dans un deuxième temps, en s’appuyant sur ces observations et ces savoirs de créer une série de machineries simples utilisant en les reproduisant les phénomènes en jeu. La réalisation de ces machineries sera régulièrement documentée et archivée, (vidéos, photos) partagée tout au long de la résidence sur différents réseaux sociaux.
Enfin, l’ultime étape de mon intervention sera la présentation de cette série de sculptures animées dans un environnement emblématique sous la forme d’une exposition éphémère, une sorte de sentier-découverte que l’on pourra parcourir.