Chispa, Maëlle et Lisa plantent, cultivent et récoltent pour se nourrir. Sofía cueille et mélange pour se soigner. Yeruti, Vale, Diego et Erika construisent, moulent, modèlent pour vivre et habiter un espace sain et en sécurité. Stefani, Ismael et Lili occupent des terres pour en préserver la faune et la flore. Mirage donne la parole à des individus et à des groupes d’individus qui, par le biais de la terre et de ses utilisations, cherchent à répondre à leurs besoins fondamentaux.
Mirage est un projet dans le temps avec un pied en France et l'autre en Uruguay. C'est aussi une façon de réagir à un climat social, économique et politique très douteux en se tournant vers un élément essentiel et central dans la construction d'un quelconque futur : la terre.
Les problématiques soulevées par ce projet documentaire nous amènent à nous poser des questions d'ordre vitales pour penser un avenir et il semble tout aussi important de les proposer à des enfants afin d'y réfléchir ensemble.
Présentation —
Dans le contexte pandémique actuel, l’expérience de l’isolement individuel dû au COVID-19 est venue accentuer de façon évidente notre situation de dépendance à un système capitaliste nocif. La peur de manquer et les pénuries dans les supermarchés en sont un bon exemple ; la hausse des prix des produits de première nécessité en est un autre. Selon la pyramide de Maslow, nos besoins physiologiques de base sont : se protéger contre les éléments naturels (avoir un abri sain, pouvoir se soigner), se protéger contre le manque de nourriture (se nourrir et boire) et se protéger contre le manque de sommeil (disposer d’un espace de repos en sécurité). Les temps que nous vivons nous ont permis de clarifier une observation assez simple : disposer d’un espace de terre permet de pouvoir générer des ressources nécessaires à nos besoins physiologiques, et ainsi de sortir d’une chaîne de dépendance (à l’inverse, sans un petit espace de terre il n’est pas possible de répondre à ces besoins de façon autonome).
Mirage donne ainsi la parole à des individus et à des groupes d’individus qui, par le biais de la terre et de ses utilisations, cherchent à répondre à leurs besoins fondamentaux. Le projet s’articule autour de trois axes principaux :
- la terre pour s'abriter : la bio-construction d'un habitat ;
- la terre pour manger : l'élaboration d’un potager ;
- la terre pour se soigner : l'utilisation des plantes médicinales et aromatiques.
Les questions politiques et économiques intrinsèques à ce sujet telles que la notion de propriété privée, d’occupation de terrains, d’accès à l’eau ou à l’électricité (etc) viennent alimenter les raisons et les motivations des axes cités précédemment et constituent donc un volet important de la recherche.
Mirage se décline en deux formats : une édition et un film. Les deux pièces sont complémentaires ; elles explorent le même thème et font parler les mêmes voix, mais ne fournissent pas les mêmes informations. Le film traite de savoirs faire, de techniques et d’outils et se concentre sur des actions. Le livre est une conversation plus intime autour de l’histoire des individus, de leurs motivations et de leurs valeurs, de leurs engagements et de leur mode de vie. La recherche se déroule entre l’Uruguay et la France car les artistes pressentent une richesse dans la diversité des voix notamment dues à des situations politiques, économiques et sociales très différentes entre les deux pays.
En admettant un calendrier idéal et sans modification, les moments de transmission viennent s’intercaler avec les moments du montage final du projet. Les artistes pensent articuler cette transmission en trois volets d’une semaine qui permettent de traiter des trois axes principaux de notre projet : la bio-construction ; se nourrir par le potager ; se soigner par les plantes. Durant ces trois semaines, trois thématiques sont abordées autour d’une maquette de l’habitat idéal. La réalisation de cette maquette comprends une période de recherche et d’élaboration de plans, une période de sculpture (en torchis) et une période de finalisation. Ainsi est engagé la réflexion sur l’habitat principal (bio-construction) et ce qui l'entoure (potager et jardin médicinal).
Une dernière semaine permet de donner forme à une édition qui reprend tous les principes évoqués au cours de la résidence. Cette édition est un « Guide à la construction d’un habitat idéal » dont les enfants sont les auteur.ices. Le sujet de recherche semble appartenir à une problématique commune dont il est important de parler en collectif. Les artistes souhaitent mettre en place des formes de tables rondes en fin de semaine au sein de l’école (et hors) afin de proposer le sujet aux autres enfants (et parents, habitants). Des dynamiques intéressantes peuvent se créer entre les élèves (et les habitants), il suffit parfois de suggérer un sujet pour voir de nouvelles idées/initiatives naître.
Ce projet s’inscrit dans une suite logique du travail commun mené jusqu’à présent par Manon et Lucas. Par son implantation géographique, par ce qu’il implique et par ce qu’il signifie, ce projet prend une place importante dans ce travail individuel et collectif, d’abord en tant qu’artistes mais surtout en tant qu’individus partageant une même planète. Par le biais d'un autre projet commun Espace 10mil (espace associatif de création collective et ateliers d'artistes), travailler de manière collective avec les enfants a pris un rôle important dans la pratique artistique des artistes, notamment dans les perspectives que cela ouvre quand à une production personnelle. Mirage s’inscrit dans cette dynamique de pouvoir importer et exporter des savoirs et des techniques par le biais de dialogues plastiques et visuels avec les enfants.
Annexes —
Extrait — Guzman et Cecilia, janvier 2021, Punta Negra (Uruguay), édition Mirage, en cours :
J’ai un cousin qui est architecte, je l’ai donc consulté. Il fait de la construction plus traditionnelle mais il m’a recommandé un truc ; il m’a dit « ce serait bien que tu réfléchisses à ta manière idéale de vivre, en imaginant un devis idéal ». Et bon, pour moi ça a été un vrai exercice de savoir comment je voulais vivre, ce que je voulais développer dans ce lieu. C’est introspectif, tu dois t’observer depuis une vision extérieure et voir comment tu t’imagines dans 5, 10 ans.
Extrait — Diego et Erika, janvier 2021, Santa Ana (Uruguay), film Mirage, en cours :
Plan large - vue sur maison en terre, l’ombre des poutres se reflète sur le mur. Diego et Erika montent un mur en torchis, on entend les oiseaux et le frottement des mains sur la terre.
Gros plan sur les mains d’Erika en train de travailler. Diego siffle en fond. La main de Diego entre dans le plan pour écraser une poignée de torchis contre le mur.
Par le(s) artiste(s)