Dans Matière-Paysage je compte proposer une plongée dans le sonore, sons de nature, sons de cultures, sons d’humains, d’activités ou d’espaces. Daniel Deshays, important penseur du sonore, nous dit qu’« il n'y a pas de sonore hors de la question de l'espace » Il s’agit de capter et d’affiner des paysages sonores, puis de les articuler. J’aimerais déplier, déployer ces paysages, que l’oreille du spectateur puisse les arpenter à son rythme comme des chemins familiers. Je souhaite pointer les rythmes, les structures, les matières du monde dans lequel nous évoluons. Je choisirai des espaces faibles, des moments ouverts dans lesquels la vie s’écoule et que de légers événements viennent parfois bousculer avant de se dissiper. Des dimanches matin, des chiens, des insectes, des cours d’école et des avions qui passent dans le ciel. Ce qui bouge produit du son, tout bouge, tout produit du son. J’aimerais proposer une traversée sensible du vivant, une traversée de ce monde qui bouge et résonne.
Concrètement
L’idée est de concevoir et composer une collection de paysages d’une cinquantaine de minutes chacun. Il est envisageable à terme de répondre également à une demande de création in-situ. Je crois possible, une fois toutes les structures et procédés de composition établis d’effectuer en une semaine un nouveau paysage spécifique à un lieu, à un contexte choisi ou proposé.
Cette forme sera déclinée en deux volets. Le premier, adressé au jeune public, a vocation a être diffusé en milieu scolaire. La durée des pièces-paysages sera probablement adaptée pour répondre au temps d’attention des enfants. Le dispositif de diffusion sera établi selon des critères de légèreté et de facilité d’installation, d’adaptabilité aux espaces des écoles. Des temps de rencontre ou de pratique avec les enfants et les enseignant.es peuvent être imaginés avant ou après la diffusion des pièces.
Le deuxième volet quant à lui, vise une diffusion dans des espaces non dédiés par l’intermédiaire de dispositifs de multidiffusion adaptés. Cela implique une grande exigence technique articulée aux choix de création. Voici quelques exemples d’espaces de diffusion possibles : places de villes, rues, sites industriels, marchés couverts, salles polyvalentes, monuments historiques, champs, forêts, et j’en passe. Je souhaite également déterminer un dispositif d’assises adéquat, l’hypothèse actuelle est de proposer des transats au public. Cette assise permet une disponibilité, un lâcher-prise qui favorise l’écoute.
Dans les deux formes, le musicien compositeur « jouera » ces environnements sonores dans l’espace acoustique, la marge de liberté accordée à l’interprétation reste à définir, mais il est au moins certain qu’il pourra placer les sons dans l’espace et créer des circulations, interpréter leurs volumes afin d’imbriquer l’espace sonore du site et celui de la composition, et faire intervenir des événements sonores ponctuels en relation avec le réel environnant.
L’hypothèse d’un travail plastique et lumineux pour alimenter et accompagner l’écoute est en cours de réflexion. Cela pourrait prendre la forme d’installations mécaniques mobiles, de petits dispositifs de diffusion d’ombres et de lumières, ou bien d’un travail de lumière de plus grande ampleur, générant des atmosphères appuyées sur le réel. Par exemple, je souhaiterais parvenir à reproduire les ombres des noisetiers sur les rochers, oscillant avec le vent, et qui tour à tour apparaissent et disparaissent au grès des passages des nuages devant le soleil. Ou bien les lumières extrêmement faibles et étranges des étables la nuit. Cet aspect reste encore à défricher, je suis notamment en recherche active d’un partenaire pour développer avec moi cette dimension.
L’équipe sera un trio constitué d’un musicien, d’un.e ingénieur.e du son et d’un.e plasticien.ne-éclairagiste lors des diffusions tout public en espaces non dédiés. Lors de diffusions en milieu scolaire, cette équipe sera réduite à deux personnes.
Développement
La base des pièces est constituée de captations d’environnements sonores, de paysages, dans des contextes variés. Le cadrage lointain des prises de son est déterminant, c’est cette distance qui établie la relation particulière et active que nous entretenons avec ces environnements. L’oreille se déplace dans le paysage pour y saisir au vol les éléments de sens ou de poésie.
Quelques exemples d’environnements :
- Campagne (sud de la Haute Garonne), chiens au loin, épisodiques, étables, voitures sur les routes sinueuses, appel des paysans à leurs bêtes, oiseaux, orages, une fin de journée d’hiver.
- Village, cours d’école, marché, salon de coiffure, ateliers municipaux
- Port de Marseille, mouettes et goélands, cornes de brumes des ferries, grues, voix
À cette base s’ajoutent des matériaux élaborés en studio par des procédés de synthèse sonore. Il s’agit de modeler des matériaux qui s’approchent au plus près des enregistrements de terrain, afin de les y mêler et de générer un trouble dans le réel entendu. L’auditeur ne sera pas toujours en mesure de dissocier les enregistrements de terrain et les matériaux de synthèse.
Par le(s) artiste(s)