En combinant des matériaux souple et des matériaux rigides, Marie Simon Thomas découvre son terrain d’expérimentation formelle : un bâton inséré dans un tissu permet de le suspendre, plusieurs bâtons permettent de le faire tenir debout, un arceau glissé dans une poche la met en tension... A partir de cette exploration initiée pendant son diplôme, elle souhaite poursuivre sa recherche en s'inspirant d’une technique artisanale tout en souplesse : la vannerie.
Présente sur tout le territoire français hier, encore pratiquée dans certaines régions aujourd'hui, la vannerie est une mine de jeux de tensions, de systèmes de construction et de techniques d’assemblages. La recherche passera par l’analyse de paniers anciens et l'apprentissage de principes techniques fondamentaux auprès de vanniers français afin d’imaginer des ateliers ludiques rendant cette pratique complexe accessible aux plus jeunes. Le but étant de donner à voir cette pratique ancestrale sous un nouveau jour.
Mon parcours entre design textile et design produit m’a amené à regarder la souplesse d’un matériau, sa capacité à se déformer et à reprendre forme, comme une façon simple et efficace de générer des volumes. Cette souplesse est également pour moi synonyme de la résilience d’un objet, de sa capacité à résister dans le temps, à se transformer ou à se défaire pour disparaître.
Pour mon projet de diplôme, j’ai ainsi réalisé une série d'expérimentations formelles en associant des matériaux rigides préalablement usinés - tube fendu, jonc courbé, bande percée - à des matériaux souples - tissu, mousse, bâche, papier - par de simples relations de tension, de coulissement ou de serrage. D'expérimentations en expérimentations, j’ai déployé un ensemble de principes constructifs permettant d’imaginer des objets en devenir (Brise vue, Parasol tissé, Protège plantes, Serre domestique).
Si ce travail a été réalisé d'abord en tant qu'exploration formelle, je vois désormais en ces expérimentations la capacité d’éveiller les mains et l’esprit à des notions élémentaires de conception telles que la résistance des matériaux, les forces qui s’exercent ou encore la stabilité d’une structure. Un tel éveil me paraît important, surtout pour les enfants qui grandissent aujourd'hui dans un monde abstrait et digital et qui sont de plus en plus étrangers à ces notions concrètes et tangibles.
Cet intérêt pour la transmission des savoir-faire prend forme antérieurement dans mon parcours, lors d’un projet pour le Mobilier national pour lequel j’ai conçu un atelier de médiation permettant aux enfants de comprendre la technique de la tapisserie haute lisse et de s’y initier (Petit Atelier). En montrant ce savoir-faire sous un jour clair et ludique (via un kit de tapisserie simplifié), et en le combinant à des médiums contemporains (des projections d’animations), ce projet a cherché à rendre attrayant ce savoir-faire magnifique.
Dans le cadre de Création en cours, je souhaite prendre la vannerie comme sujet de recherche à la fois pour poursuivre et enrichir ma recherche formelle autour de la souplesse et pour continuer de développer mon travail en tant que médiatrice des savoir-faire auprès des plus jeunes. La vannerie n’est-elle pas un ancêtre du design, elle qui compte parmi les premières techniques ayant permis de donner formes aux objets du quotidien humain?
Afin de m'imprégner de ce savoir-faire, je suis partie à la rencontre de vanniers et d’osiériculteurs (cultivateurs d’osier) en Bretagne d’abord puis en Touraine, plus précisément à Villaines-les-Rochers, ancien village de vanniers où j'ai pu tisser des liens avec Catherine et Christophe Romand, couple de vanniers et osiériculteurs. Dans leurs ateliers et sur leurs champs d’osier, j’ai découvert l’histoire de la vannerie, ses heures de gloire et de déclin, j’ai appris ce qui l’a amenée à péricliter alors qu’elle représentait une industrie (manufacturée!) florissante autour des années 1900, lorsqu’elle était encore une technique de pointe permettant de produire tout contenant, des plus quotidiens (paniers, corbeilles, caddie) aux plus légers et performants (siège auto, nasse de montgolfière).
Désuète, complexe, traditionnelle? Ces vanniers me disent qu'ils ont parfois du mal à faire valoir le caractère exceptionnel de leur savoir-faire. En les voyant à l'œuvre, la vannerie m'apparaît comme un jeu de construction grandeur nature, capable de fasciner les enfants autant qu’elle me fascine.
L’enjeu du projet Machines à paniers sera de rendre ce savoir-faire accessibles aux plus jeunes en opérant une série de transformations sur les techniques observées auprès de vanniers professionnels : grossissement d’échelle, remplacement des matériaux, simplification des systèmes d’attaches...
Ainsi, en m’inspirant de techniques de vanneries de lamelles de bambou, j’ai créé un premier atelier permettant de réaliser des formes à partir de bandes de polypropylène pré-percées fixées par des attaches en mousse et en papier. Un autre atelier inspirée du van (objet emblème de la vannerie, dont la discipline tire son nom) est en cours de création et je chercherai à en développer un troisième permettant, de la même manière, de générer rapidement et simplement des formes à plat ou en volume à partir de matériaux divers préparés en amont.
Le projet Machines à paniers se développera en 3 temps :
Machines à paniers sera ainsi l’occasion de passer du temps auprès de vanniers français pour enrichir ma recherche autour de la souplesse par une analyse approfondie de leurs techniques. Puis, de mettre cet apprentissage à profit en continuant de trouver des moyens adaptés pour initier les plus jeunes à ce savoir-faire. Les enfants deviendront ainsi les créateurs de nouvelles vanneries qui, je l’espère, permettront de poser un regard neuf sur cette riche pratique encore transmise dans leur région.