En amont des séances avec les enfants, je souhaite produire autant de petits livres qu’il y aura de participants. Chaque petit livre comporte une série de patrons prédécoupés, permettant aux enfants de fabriquer par pliage des maisons aux formes variées. Le tout ne comporte aucun détail, le carnet comme le patron des maisons sont blancs. Le petit livre est aussi découpé de manière que l’assemblage des carnets forme un paysage. Chaque enfant commence par découvrir son petit livre, et a la possibilité de décider de la manière dont il va se l’approprier. Il peut intervenir à la fois sur les pages du petit livre, sur les maisons avant ou après les avoir assemblées, il choisit aussi l’implantation des maisons et peut créer son propre village et inventer l’histoire de ses habitants… L’exercice sera aussi l’opportunité d’appréhender les concepts de base de l'architecture et de l'urbanisme : espace, volume, lumière, dimension, échelle.
L’objectif est de stimuler l’imaginaire, en lui donnant à la fois un ancrage dans des concepts familiers (le livre, la maison) tout en proposant une vision décalée propice à la création.
Le projet est aussi basé sur la conviction que la création n’est pas un acte isolé, mais qu’elle se nourrit d’échanges et de contacts, et que le collectif favorise le développement créatif de chacun.
Un cadre stimulant est proposé aux enfants par Victor et Marta, qui les invitent à se mettre au travail avec une règle du jeu simple et ludique. Ils sont invités, à l’issue de leurs premiers travaux, à mettre rapidement en commun ce qu’ils ont réalisé, et à travailler collectivement sur la ville imaginaire que forment chacun des ensembles produits à partir d’un petit livre. Chaque enfant sera invité à réfléchir au positionnement des maisons dans l’espace du livre, pratique qui permet de réfléchir à l’espace et à son utilisation. Puisque l’espace de chacun concerne l’espace d’une collectivité et par extension du monde entier, chaque parcelle fera partie du développement d’un terrain global. La composition du terrain peut changer selon le placement de chaque parcelle et selon le positionnement des maisons. Il s’agit de l’appropriation de l'espace du livre, de l’expérimentation architecturale et de la création, avec les autres participants, d’un deuxième espace collectif.
Architecte des livres,Victor Clayssen crée un cadre que chacun peut s’approprier.
Victor Clayssen se sert du livre comme d’un cadre, une surface de jeu, une partition pour travailler ses « gammes d’architecture », explorer des compositions spatiales en utilisant son épaisseur. Il sculpte le livre et manipule le vide dans l’épaisseur des pages, révélant l’espace possible dans la succession des couches. Il invite ensuite chacun à donner vie à cet espace, par une simple contemplation qui peut s’accompagner de manipulations, ou en complétant le livre, en y ajoutant son propre monde, sa propre histoire. Marta Dagna s'implique particulièrement dans la phase collaborative du processus.
Comme on doit traverser les différentes pièces pour apprécier l’espace d’une architecture, on doit tourner les pages d’un livre pour en effectuer la lecture.
Mettre une forme dans un livre c’est commencer une histoire, une histoire que l’on peut continuer en travaillant le lien entre l’objet du livre et le volume de l’architecture (l’espace). L’univers de l’histoire est dé-corrélé du livre, mais le livre la contient encore. Le livre comme objet est le lien entre l’histoire, l’imaginaire construit et le contenu du livre.
La synthèse du fond (le contenu du livre) et de la forme (l’objet physique sculpté) font du livre un outil puissant de stimulation de l’imagination.
La composition donne une première lecture de l’espace du livre, puis il faut donner vie à cet espace. Soit en imaginant ce qui peut se passer dans le blanc des pages (le livre reste un objet vierge, seule sa manipulation et les jeux de lumière animent son espace), soit en le complétant et en y ajoutant son propre monde, sa propre histoire.
L’alternance des compositions abstraites et des compositions d’avantage assimilables à des volumes de maisons ou d’espaces habitables permet une liberté dans la recherche du vocabulaire des formes, difficile à atteindre dans l’architecture bâtie.
Ce questionnement sur l’espace doit enrichir l’architecture sur le plan formel : poser des questions sur l’espace, la composition des volumes, la lumière, la lecture des formes, les épaisseurs. C’est aussi un questionnement sur l’imaginaire, sur l’interprétation des formes. Et de même qu’une architecture n’est pas uniquement une sculpture mais doit être un objet qui génère un espace, cet espace doit être habité, accueillir des histoires, doit être approprié par ceux qui l’utilisent.
Rapport Livre / architecture
Le livre est un objet qui contient des histoires. L’architecture et le livre sont des contenants, ce sont des cadres à l’intérieur desquels sont véhiculées des histoires.
Sculpter l’épaisseur
Le livre sert de cadre, il est une surface de jeu, une partition pour travailler ses « gammes d’architectures », explorer des compositions spatiales en utilisant son épaisseur. Sculpter le livre c’est manipuler le vide dans l’épaisseur des pages. Penser l’espace possible dans la succession des couches est un exercice qui nécessite un véritable effort de conceptualisation, à la fois intéressant et stimulant.
Le livre est une compression de feuilles, pesante, il faut faire respirer cette espace étouffant jusqu’à physiquement provoquer une respiration lorsque l’on observe le résultat. Au sentiment oppressant provoqué par le poids, la masse, l’étouffement et l’opacité des pages comprimées succède un sentiment de soulagement et d’apaisement.
Le livre, l’objet
Mettre de l’espace dans un livre c’est donner la possibilité à chacun de toucher l’espace, de le manipuler. Contrairement à celui, figé, de la maquette, l’espace du livre évolue de façon complexe avec le mouvement des pages. Les épaisseurs, la lumière et les ombres varient. On peut couper l’espace en deux, entrer littéralement dans l’espace. La partie blanche de la feuille n’est pas définie, elle met en valeur le vide du volume mais laisse libre l’imagination.
L’espace du livre
Un livre est un espace comprimé, une succession de couches collées les unes aux autres. Les couches espacées créent une volumétrie. Il faut imaginer l’espace tendu entre chaque page. Lorsque le livre est fermé l’espace est nul, mais en ouvrant les pages le vide se forme et la tension se crée entre les pages.
Livre et maison, symboles
Convoquer simultanément deux symboles forts : le livre et la maison. La maison dans le livre, la maison à travers le livre. Le livre comme terrain de la maison. La maison comme clef du livre.
Générateur de création
Créer un contexte abstrait qui laisse place à l’imaginaire.
A la différence de la feuille blanche, il y a déjà une intervention, l’acte de création est engagé. Compléter de manière libre un carnet déjà sculpté est un acte différent de celui qui consisterait à commencer une création sans contexte.
Par le(s) artiste(s)