Je souhaite stimuler l'inspiration des enfants en utilisant différentes formes comme le costume et la mise en scène de celui-ci à travers l'installation et la performance. Cette recherche globale sera inspirée de pensées animistes. Les enfants devrons imaginer un avatar animiste, son histoire, son habitat, etc. Les costumes donneront corps aux avatars. Les installations seront leurs habitats. La performance, l’histoire qui les unis.Chaque forme sera le fruit d’un travail individuel puis collectif.
Dans ce contexte, je souhaite réaliser cette résidence au sein d'une école dans un département d'outre mer.
J’ai grandi en Nouvelle-Calédonie. Je suis partie après l’obtention de mon bac pour poursuivre mes études et depuis je vis dans de grandes villes de différents pays (Mexico, Shanghai, Lyon). Cet environnement urbain m’a conduit à travailler avec des outils numériques, en partie par manque de place et de moyen. À chaque fois, je me suis adapter aux moyens qui correspondaient au contexte de création. Cette contrainte m’a permise d’explorer et de travailler dans l’espace numérique que j’affectionne beaucoup de par sa transportabilité. Aujourd’hui j’aimerais me reconnecter avec la nature.
Je me considère comme une sorcière. En me définissant comme tel, je crée ma propre cosmogonie via mes identités et racines multiples. Je mute au gré des divers phénomènes de créolisation que je vis, pour citer Édouard Glissant.
Par différents médiums, formes ou récits je crée un monde avec ses propres coutumes, cultures, ses espaces, ses rites, ses mythes, ses parures, ses cérémonies, ses croyances, sa magie. C’est à travers tout cela que mon identité se définit. J’incarne différents personnages en fonction des formes plastiques que je propose. Tout comme un tapis, mon travail plastique contient plusieurs couches, de nombreux liens et nœuds. Il est le reflet de l’époque dans laquelle je vis.
Mon travail est protéiforme, constamment en mouvement, en mutation perpétuelle. Ces possibilités me permettent de traduire et de percevoir le monde à différentes échelles, espaces et temps. Pour cela, j’utilise plusieurs médiums : le dessin, l’installation, la performance, la sculpture, la création de costumes avec des techniques multiples.
Le projet de recherche est de proposer aux enfants d’appréhender leur Monde à leur façon, par le biais de l’imaginaire. Je souhaite passer par l’élaboration d’une « mythologie » animiste afin de leur permettre d’appréhender leur Monde avec du recul. La mythologie fait intervenir l’imaginaire et un regard sensible, poétique sur ce qui les entoure.
Le projet de création et recherche prendra naissance à partir de multiples contes et légendes en lien avec la Nature et spécifiquement l’eau. Ces histoires seront collectées et racontées par les élèves et moi-même lors d’une ou plusieurs tables rondes. Cette étape peut être, bien entendu, travaillée en simultané par la maîtresse et comprendre comment est organisé un récit. Par exemple en étudiant la structure d’un récit épique ou par des ateliers d’écriture. Nous nous servirons de cette structure tout au long de la recherche.
Je ne compte pas promouvoir une religion ou une spiritualité. Je souhaite m’inspirer de l’histoire de l’art, de l’iconographie et des mythes afin d’aiguiller nos recherches plastiques.
Cette proposition s’inscrit dans la continuité de mes recherches sur la magie, les spiritualités, les talismans, l’ornements et leurs cosmogonies et formes.
La mystique est une part essentielle de mon travail et par ce biais je cherche à supprimer toute forme de dualisme : nature culture, corps/esprit émotion/raison, sauvage/civilisé, acteur/chercheur, humain/non humain. Je pense qu’il est important aujourd’hui de « ne pas changer le monde mais de changer de monde » (Arturo Escobar).
Le programme Création en cours serait une opportunité pour moi de transmettre, partager mes réflexions et échanger avec des enfants. Les enfants ont un regard neuf, mais déjà influencé, qui promet une imagination créative et libre.
Je prendrai appui sur le travail que j’ai mené durant un an : «La cours des miracle». Il s’agit d’une grande installation composée de plusieurs techniques : sérigraphies, vidéo, son, costume. Il s’agit de vivre une expérience. La traversée de l’installation est accompagnée par un conte déclamé par un conteur. L’usager est ainsi inclus dans une cosmogonie nouvelle, un temps et un espace nouveaux. Je voulais inviter les usagers à prendre corps dans un espace, leur faire vivre une expérience intime.
Je suis convaincue qu’en travaillant avec les enfants je découvrirai et comprendrai de nouvelles manière de percevoir le Tout Monde. L’identité s’étend dans un rapport à l’autre, et de cette expérience naîtra un nouveau personnage dans ma cosmogonie. Je veux qu'ensemble, nous ayons l’opportunité de connaître une autre manière de percevoir le vivant, la nature et le Monde.
En proposant des ateliers pluridisciplinaires aux enfants, ils pourront développer leur perception de ce qui les entoure, créer à des échelles différentes, en volume ou en deux dimensions, avec des matières multiples. Ces ateliers seront pour eux un moyen de s’exprimer pleinement et de mettre en pratique leur imagination. Je suis curieuse de connaître leur regard sur le monde, l’angle de vue selon lequel ils l’appréhendent.
Enfin je souhaite travailler dans un territoire d’Outre Mer parce que la Nature, et notamment l’eau y a une place capitale (fleuve, mer, rivière). L’eau est un lieu quotidien, de vies, de circulation, de lien, de séparation, de magie. C’est un lieu qui compte bon nombre de contes et légendes. Ayant grandi sur une île, j’y suis attachée. Je souhaite à nouveau mettre ma pratique en relation avec la Nature.
Les territoires d’Outre Mer ont des identités culturelles résultant de la confluence des différences de par leur histoire coloniale. Le créole est un parfait exemple de création de ces différentes cultures. Édouard Glissant dit «J’appelle créolisation la rencontre, l’interférence, le choc, les harmonies et les disharmonies entre les cultures, dans la totalité réalisée du monde-terre.» Le principe de créolisation est un axe très important dans ma réflexion plastique. Je m’appuierai sur ce principe et les textes d’Édouard Glissant lors des ateliers avec les enfants.
J’ai grandi dans un environnement où la nature à une place importante dans la société. En Nouvelle-Calédonie, elle régit l’organisation du quotidien et y incarne la mystique.
Même si chaque pays d’Outre Mer a une histoire coloniale différente, je sais ce qu’est le fait de grandir dans un territoire appartenant à la France mais qui ne l’est pas tout à fait. Là où les mœurs, histoires, contes et paysages sont bien différents de la métropole.
C’est en cela que je me sens proche de ces territoires d’Outre Mer.
Il est important pour moi de transmettre et partager mon expérience dans des écoles où l’accès à la culture est plus difficile. Ayant grandit dans ce contexte là, il est important d’apporter ma pierre à l’édifice, de faire part de mon expérience et partager mes recherches plastiques avec ces enfants.
Par le(s) artiste(s)