Camille Lamy et Laura Quidal proposent avec Le Bureau Alternatif des Patrimoines un projet basé sur l’engagement des enfants dans un processus de patrimonialisation de leur localité par le biais de l’enquête, de la documentation et de la mise en scène, sur fond de fiction institutionnelle : l'O.M.A.C. (Organisation Mondiale pour les Alternatives Culturelles) envoie ses agentes Camille LADAL et Laura QUIMY recruter les futur·e·s membres de son premier Bureau local… Les jeunes recrues devront user des outils du design pour communiquer leur travail, mais aussi s’organiser collectivement afin de mener à bien la mission : sélectionner et valoriser un patrimoine local singulier, qui visibilisera non pas une Histoire monolithique, mais des histoires et héritages locaux, tout en livrant le point de vue d’enfants sur ce qui devrait être conservé et transmis.
Les DROM, où la valorisation des récits locaux – pas ou peu présents dans le récit national – représente un véritable enjeu, sont le terrain idéal pour le projet.
L'Organisation Mondiale pour les Alternatives Culturelles (O.M.A.C.) missionne par le présent document ses agentes Mesdames Camille LADAL et Laura QUIMY pour la création d'un Bureau Alternatif des Patrimoines à Trois-Rivières Bourg, Guadeloupe, première antenne locale de constitution alternative de patrimoines. Les agentes susmentionnées auront pour objectif la constitution et l’accompagnement d’un groupe de jeunes personnes à la construction et à la valorisation d’un ensemble patrimonial qui reflète un contexte et un point de vue local.
Le B.A.P. est un organe autonome de l'Organisation Mondiale pour les Alternatives Culturelles, dont l'objectif est de favoriser et encourager l'émergence de nouveaux patrimoines communs par la mobilisation de l'énergie collective de groupes pas ou peu représentés dans les processus de sélection des éléments matériels et immatériels qui construisent les récits humains passés, présents et futurs. Le B.A.P. a pour mission de rendre accessibles les outils permettant la visibilisation de ces héritages dans le paysage patrimonial contemporain.
Le Bureau Alternatif des Patrimoines est un projet qui mobilise les outils du design et de la fiction pour aborder la notion de patrimoine – au sens de patrimoine commun – avec un jeune public. Il se propose de lui permettre d'interroger cette notion et ce mot, et de se l'approprier, à partir d'un scénario fictif impliquant l'existence d'une organisation mondiale comprenant le Bureau Alternatif des Patrimoines, organisme cherchant à favoriser l'apparition d'initiatives locales de constitution de patrimoines rassemblés et sélectionnés par des groupes socio-culturels habituellement peu acteurs de ces processus. Nous nous présenterons donc sous l'identité d'agentes chargées par le B.A.P. de créer une antenne locale formée et gérée par le groupe d'élèves, sur le lieu de la résidence. Les enfants seront donc elles et eux-mêmes « missioné·e·s » pour la constitution et la valorisation du patrimoine de leur village, ville ou quartier – selon l'échelle adéquate. Le groupe, accompagné par les agent·e·s et les enseignant·e·s, sera pour ce faire amené à comprendre ce qu'est le patrimoine et ce qu'il peut inclure au-delà des idées pré-établies sur le sujet – qui le limitent bien souvent à un type d'artéfacts (par exemple le bâti), à un domaine (p. ex. l'architecture) ou encore à un point de vue particulier (p. ex. celui d'une élite socio-culturelle) – et à en retenir l'essentiel, soit sa vocation à désigner les éléments qui, pour un groupe de personnes, un contexte et une époque donnée, doivent être sauvegardés et transmis. Il s'agira ensuite pour le groupe d'en expérimenter la constitution par la pratique : la sélection sera basée non pas sur une expertise théorique, mais sur l'expérience et la mémoire des habitant·e·s de la ville, y compris celle des élèves. I·elle·s devront donc enquêter sur ce patrimoine local, s'organiser collectivement pour le sélectionner, et produire les éléments matériels qui en permettront la conservation et l'archivage, la transmission et la valorisation – de la prise de vue photographique à l'organisation de cérémonies d'inauguration, en passant par l’archive sonore, l’objet éditorial, la cartographie, la plaque commémorative, le jeu de piste ou le docu-fiction – selon les caractéristiques des éléments de patrimoine choisis.
Le groupe aboutira ainsi à la production symbolique et matérielle d'un patrimoine témoignant d'une réalité locale, potentiellement sociale : la nature des éléments choisis dépendra des enquêtes et des choix du groupe et pourra, à titre d'exemple, aussi bien inclure un terrain de jeu très fréquenté des enfants qu'un marché couvert au cœur du lien social entre les habitant·e·s, ou un croisement de rue qui aurait été le théâtre d'un événement marquant.
L'ancrage de l'atelier dans la fiction permettra au groupe d'aborder des notions complexes par le biais d'un vecteur simple et servira de cadre pour la conduite du projet, dont les objectifs pédagogiques sont multiples :
Ce projet s'inscrit dans le prolongement de problématiques abordées au cours de nos parcours d'étudiantes-chercheuses en design, sur la place des groupes non-dominants dans l'organisation du débat politique et sur leurs modes de prise de parole, notamment à l'occasion de l'exposition de la Biennale Internationale Design Saint-Etienne 2019 La Table des négociations, présentée dans notre portfolio. Ce nouveau projet sera un moyen d'explorer ces questions en pratique sous la forme d'un atelier avec un groupe socio-culturel concerné, notamment par leur âge et par leur lieu de vie – un territoire français ultra-marin. Il pourra être le premier d'une série reprenant cette méthode avec d'autres groupes d’enfants ou d’autres publics.
Le projet puise ses inspirations dans la notion de connaissance située, conceptualisée par Donna Haraway, qui considère les savoirs comme non-neutres et indissociables de leur contexte de production – et notamment de la position de ce·lle·lui qui les produit – et valorise la perspective des groupes minoritaires dans cette production de connaissances. Le projet s'appuie également largement sur les courants critiques récents dans la recherche sur le patrimoine, en particulier sur les perspectives ouvertes par l'Association for Critical Heritage Studies dans leur Manifeste préliminaire de 2012.