Le vent donne à voir l’impression du mouvement en train de se faire, de se défaire, de se refaire incessamment. Son souffle est invisible, se lovant autour des êtres et des choses, si complexe et insaisissable. On ne le voit pas, nous constatons seulement ses effets sur les éléments environnants. Alors, la meilleure manière de le rendre visible et d’en parler est de créer des choses qu’il anime.
La Cité d'Avel invite à explorer les liens entre le souffle de l’air et nos corps, en racontant l'histoire de la Cité d'Avel. À l’aide de récits, d’investigations sur le terrain et de moments de fabrication, les enfants développeront leurs imaginaires formels du vent.
Dans ma pratique de designeuse, j'accorde une attention particulière à, ce qui est pour moi, le seul élément météorologique permettant une continuité physique avec notre corps. Je parle du vent ; on inspire l’air, on l’expire. L’être humain respire quelques 10 mètres cubes par jour sans y penser. Pourtant, l’air et le vent ne sont ni inaltérables ni inépuisables, et leurs qualités sont primordiales pour la vie. La pollution généralisée de l’air devient l’un des problèmes majeurs de notre époque. Alors, la compréhension des mouvements de l’air est essentielle pour la pérennité de notre environnement (îlot de chaleur urbain, assainissement de l'air, vent thermique, smog et pics de pollution). Ils interviennent tant par sa direction pour orienter l’humidité et la chaleur, que par sa vitesse pour déplacer et renouveler l’air pollué. Étant originaire de la région Morbihannaise, j’ai été baignée par les malices du vent : il façonne les paysages, ride la surface des eaux, couche par vagues les tiges d’un champ de blé, gonfle les voiles d’un bateau tout juste hissées. Même à l’abri, le souffle du vent est présent ! Rien de tel que le sifflement du vent une nuit de tempête. C’est une force incroyable, se lovant autour des êtres et des choses, si complexe et insaisissable. On ne le voit pas, nous constatons seulement ses effets sur les éléments environnants. Il ne devient concret à l’œil et à l’esprit que lorsqu’il rencontre un nuage ; le flux d’air s’illustre dans toute l’ampleur de son mouvement. Gaston Bachelard en parle comme un véritable générateur de formes :
« Les nuages sont des troupeaux, nuages assemblés dans un galop tournant, tandis que le vent, bon écuyer, les presse en faisant claquer le fouet de l’éclair. On pourrait dire que la contemplation des nuages nous met devant un monde où il y a autant de formes que de mouvements ; les mouvements y donnent des formes, les formes sont en mouvement, et le mouvement toujours les déforme. C’est un univers de formes en continuelle transformation. » 1
Mon attrait pour les mouvements de l’air m’a conduit en 2019 à écrire l'histoire utopique de la Cité d’Avel* : une ville à vent. Au travers de ce récit et de ces images réalisées en amont, j'ai plongé les élèves de CM1-CM2 avec moi dans cette ville éclot, quelques mois plus tôt à Langourla dans les Côtes-d'Armor. Cela m'a permis de stimuler leur inventivité afin de créer un imaginaire commun autour de la ville d'Avel. La Cité d'Avel est peuplé de 23 habitant.es dont Patate manche, Michèle, Ange, Démange, Isanoël, Soleil, Slenderman morcelé en quatre quartiers : Nornade, Busqués, Venble d'Est et d'Ouest et l'île d'Aventfleur.
Le plaisir de voir les corps s'exprimer dans les scènes Zéphyr du danseur et chorégraphe Mourad Merzouki m'a amenée à imaginer une performance-théâtre. Alors, le 23 juin 2022, nous faisons la première représentation de La Cité d'Avel au Théâtre de verdure de Langourla.
*Avel signifie vent en breton
1 Gaston Bachelard, L'Air et les Songes 1992, Paris, éd. Le livre de poche, p.251
2 Italo Calvino, Les villes invisibles, 1972, éd Gallimard
Par le(s) artiste(s)