"Je deviens paysage" est une invitation à éprouver et à faire corps avec le paysage.
Changer de point d’ouïe, changer d’écoute pour mieux appréhender, pour mieux habiter, pour devenir.
Expérience esthétique et intime du paysage - Faire chair avec le monde
Lucie Bortot aka Luci Schneider , artiste sonore, développe durant la résidence de Création en Cours un projet de création autour de différentes notions : le paysage, le vivant et la marche.
Rassemblées autour du sonore, ce projet prend la forme d’une promenade sonore collective dans les Cévennes, au pied du mont Aigoual, dans la commune de Valleraugue.
Comment écoutons-nous notre environnement ? Qu’entendons-nous ? Comment appréhender l’espace par le son ? Comment cartographier un parcours ?
Tout en participant aux grandes étapes de la production et de la création de cette promenade sonore, les enfants sont amenés à se questionner sur le rapport qu’ils entretiennent à leur environnement, à développer une écoute précise et attentive, à re-découvrir leur paysage.
« Je deviens paysage » est une invitation à éprouver et à faire corps avec le paysage.
Nourri d’une réflexion autour de l’urgence climatique de notre époque, de l’écologie sonore et influencé par des artistes comme Richard Long, Francesco Careri et le groupe Stalker ou Luc Ferrari, le projet que je réalise s’inscrit dans une recherche artistique, à travers le prisme du sonore, autour de différentes notions : le paysage, le vivant et la marche.
L’objectif de ce projet est d’initier un passage de l’extériorité de l’environnement à la sensibilité intime et intérieure d’un paysage via une dramaturgie sonore par le biais de la marche.
Changer de point d’ouïe, changer d’écoute pour mieux appréhender, pour mieux habiter, pour devenir.
Expérience esthétique et intime du paysage - Faire chair avec le monde
UNE PROMENADE SONORE
Ma recherche propose un spectacle in situ sous la forme d’une promenade sonore collective en différents temps : écoute sous casque, interaction avec des capteurs, diffusion avec des hauts-parleurs dissimulés, écoute sans casque.
L’écriture dramaturgique se construit exclusivement par le biais du sonore : musical et radiophonique. Elle transforme les espaces quotidiens en espaces de jeu, poétiques et intimes, jouant sur la porosité de la frontière entre réalité et imaginaire.
Le travail sonore et musical met en relief le patrimoine sonore des territoires naturels et ruraux traversés pour leurs qualités acoustiques et scénographiques. A partir de cette matière sont créées des compositions acousmatiques, constituant la « bande son » pré-écrite du spectacle. Ces compositions brouillent les mesures, distances et échelles des espaces et objets présents remettant en questions nos repères et nos représentations.
A cela vient s’ajouter une trame narrative avec un « personnage-guide » qui prend la forme d’une voix off. Ce personnage sera construit à partir d’un travail de récolte de paroles d’habitants et d’enfants autour de notre relation à notre environnement. Il est le fil rouge qui guide le spectateur à travers toute la promenade sonore.
Le processus de création est divisé en différentes étapes :
-Découverte du territoire et des habitants
-Travail géographique autour du choix des espaces et du tracé de la promenade
-Récolte de matériaux sonores et création d’une boîte à outil sonore : -Objets et corps sonores, environnements sonores et field-recording, paroles d’habitants et d’enfants
-Création du « personnage-guide » : Synthèse des paroles récoltées, écriture et enregistrement de la voix off
-Traitement du son et écriture sonore : dérushage, transformation du son, montage, mixage
-Finalisation : Mise en place de la promenade sonore avec intégration des contenus audio sur les différents systèmes de diffusion
Les temps de transmission sont construits autour de ces grandes étapes du processus de création. L’intention est d’associer pleinement les enfants à ma démarche artistique. Pour cela, j’imagine des modalités en deux grandes étapes :
1- Acquisition des outils
-Découverte du répertoire de la musique électroacoustique de nouveaux horizons sonores
-Découverte de leur environnement sonore, apprendre à écouter
-Découverte et prise en main du matériel professionnel de prise de son, jeux pédagogiques mettant en avant l’écoute réduite (par exemple des quizz sonores)
2 - Expérimentation artistique
-Questionnement autour de la géographie sensible et choix d’un tracé : création de cartes sensibles et personnelles à partir d’objets, des mots, de couleurs, d’odeurs glanés au cours d’une promenade
-Prises de son sur le terrain (environnement, objets et corps sonores, récolte de parole)
-Travail dramaturgique sur le « personnage-guide »
-Traitement et transformation du son (par exemple avec utilisation du logiciel MusineKit, ou travail avec des pédales d’effets)
Les enfants sont donc acteurs et créateurs de matières sonores et plastiques qui participent au spectacle final.
Ces matériaux permettent également de tenir un journal de bord du travail effectué ainsi que la création de petites capsules sonores questionnant le rapport des enfants à leur environnement sur des thèmes tels que la forêt, les animaux, les plantes…
Postées régulièrement, elles permettent à l’ensemble de la communauté pédagogique de suivre l’évolution du projet.
DÉMARCHE ANTÉRIEURE
Ma pratique sonore a démarré par l’étude de la musique concrète et de la composition acousmatique « classique » avec des concerts en salle. Lors de mes études en Master Acousmatique et Arts sonores à l’université Gustav Eiffel à Marne-la-Vallée (2016/2018), j’ai entrepris une recherche plus spécifique autour des parcours sonores et de la création in situ.
Peu à peu, ma pratique sonore s’est tournée vers nos espaces extérieurs urbains, transformant les paradigmes, l’acte et les manières de composer.
Aujourd’hui, mes questionnements se détournent de la ville pour aller vers des espaces dits naturels, ruraux, vivants... Mes compositions tendent à s’ancrer dans ces territoires, tant sur le fond (écologie sonore, thèmes naturels, field-recording) que dans la forme (parcours sonores en espaces naturels).
Englobée dans notre époque et plongée dans ses enjeux écologiques, ma recherche est une manière de trouver un sens, de me questionner face au changement climatique et à notre positionnement d’humain dans le vivant.
De plus, durant mon parcours professionnel, j’ai eu l’occasion de mener différents ateliers pédagogiques sonores avec des publics variés. Pouvoir intégrer pleinement des enfants sur un processus global de création sera pour moi l’occasion d’expérimenter une forme complète et d’enrichir et développer mes propositions pédagogiques.
A l’avenir, j’imagine différentes extensions de mon projet de création. J’aimerais insérer un comédien.ne ou danseur.se qui deviendrait le guide, le passeur entre le public et l’espace traversé. J’imagine aussi que cette promenade puisse se faire de nuit avec des installations lumières. J’aimerais à terme pouvoir aussi y insérer une oeuvre plastique sonore collective et évolutive. Elle serait composée de l’amplification sonore de divers objets glanés sur le parcours par le public et trônerait comme un totem sur le lieu de rendez-vous de la promenade.