Un jour, un individu débarque au sein du microcosme de l'école. Atypique, le personnage ne connaît ni les codes, ni la structure, ni la langue locale. Il arrive avec sa logique, sa vie, ses besoins, ses idées, et va découvrir un nouvel espace de vie avec lequel il va interagir pendant six mois. Il se glisse dans les interstices spatiales et temporelles de l'école, pour proposer aux membres de la communauté scolaire des expériences nouvelles de l'école. Pas de feu d'artifice ni rien d'extravagant, c'est plutôt dans les détails du quotidien qu'il puise les ressources et les inspirations pour détourner les habitudes et proposer à tous-te-s de se réapproprier l'école.
Il vit une vie quotidienne ponctuée d'évènements divers, il apprend au contact de la communauté scolaire et propose un échange de savoirs-faire manuels, gestuels et performatifs.
L'HISTOIRE
L'idée centrale de recherche et de création sera l'arrivée d'un personnage extérieur (+1) au sein du microcosme de l'école (Grande Famille).
Ce personnage ne connaît ni les codes locaux, ni la structure de la Famille, ni la langue parlée. Il arrive avec sa logique, sa vie, ses besoins, ses idées, et va découvrir un nouvel espace de vie, avec lequel il va interagir pendant six mois.
Son nom sera un dérivé du nom de l'école (ex: s'il atterrit dans le Collège Garibaldi, son nom pourrait être "Gribaldi"; j'utiliserai ce nom dans la suite de la description du projet mais cela reste un exemple, puisqu'il est voué à changer selon le nom l'école d'implantation).
Ce personnage viendrait habiter l'école. "Habiter" prend ici un sens large: celui de s'installer, de construire un chez-soi. Selon les possibilités qu'offre l'école, Gribaldi pourra effectivement loger H24 dans l'école, ou n'habiter là que dans la journée.
Catapulté dans cette nouvelle réalité, Gribaldi ferait un jour son apparition dans l'école, idéalement pendant une récréation ou une pause déjeuner, tirant un diable avec dessus des affaires diverses: tissus, cordes, ficelles, quelques vieux habits, qui sont son nécessaire de survie.
A son arrivée, Gribaldi ne parle presque pas la langue locale, sa langue est un mélange de sons incompréhensibles, alors il faut avoir recours aux gestes pour se faire comprendre. Gribaldi s'adresse aux élèves ou aux employé-e-s de l'école pour trouver les toilettes, de l'eau, à manger.
Personne ne comprend tout à fait comment ni pourquoi Gribaldi est là, mais le personnage ne semble pas s'en inquiéter, et si les gens se posent des questions on pourra leur répondre que Gribaldi est là pour quelques mois, pour une cohabitation temporaire.
Une fois ravitaillé, Gribaldi se met à visiter l'école, salue sur son passage les membres de la Grande Famille (employé-e-s et élèves de l'école), se présente à sa manière (tend le bras raidement pour serrer la main et énonce son prénom, d'une manière un peu maladroite, comme un geste appris par cœur), et essaie de répéter les prénoms des personnes rencontrées pour s'en rappeler.
L'école, elle, continue son train-train quotidien, une fois la pause terminée, on retourne en classe, et Gribaldi effectue sa découverte du lieu à son rythme, de manière autonome.
Les premiers jours, Gribaldi est un peu timide. Son attitude est ouverte à toute interaction, mais son attention se porte plus facilement sur les éléments matériels de l'école. La découverte du lieu se fait par des biais sensoriels: sonorités, odeurs, textures, lumières, température.
LES RITUELS ET ACTIONS QUOTIDIENNES
Voici quelques actions que Gribaldi peut faire dans son quotidien. Certaines d'entre elles deviendront peut-être des rituels de vie qui ponctuent les journées. Il sera heureux de partager ces activités avec les membres de la Grande Famille, il sera donc invitant envers les gens qui sont autour de lui, ou se mêlera au groupe quand cela sera possible.
- s'asseoir quelque part et regarder ce qui se passe
- sortir un carnet de sa poche et griffonner des dessins dessus.
- chanter, danser, jouer
- s'allonger quelque part pour se reposer
- se balader dans l'espace de l'école et aux alentours
- éventuellement, après s'être familiarisé avec le contexte, Gribaldi pourra participer à certaines classes au même titre que les élèves, s'il a le niveau suffisant (ex: EPS, musique), et/ou à des activités parascolaires.
- etc.
Gribaldi a une logique et des intérêts qui lui sont propres. Il a peu de conscience des codes sociaux, mais il est bienveillant, empathique, et a conscience des limites, notamment au niveau de la sécurité des jeunes, de l'équipe et de la sienne. Par ailleurs, il est un individu comme un autre, s'il fait quelque chose de dérangeant, il convient de le lui faire remarquer, comme pour tout un chacun.
En amont du projet, et au fil de la résidence, des réunions entre l'équipe pédagogique et moi-même (Marin Marie aka Gribaldi) permettront de préciser les possibles et définir la marge de manœuvre de Gribaldi.
LES INSTALLATIONS PERFORMATIVES
Une fois la phase de repérage et la rencontre avec la Grande Famille effectuées Gribaldi va commencer à intervenir physiquement au sein de l'école.
- Tout d'abord se créer un nid, avec ses tissus et ses cordes, dans le lieu le qu'il aura choisit: un lieu où il y a des accroches naturelles dans l'architecture (rambardes, poteaux, etc), un lieu de passage si possible, et où les élèves sont parfois présents à proximité.
Si plusieurs lieux se prêtent à cet effet, il est possible que Gribaldi crée plusieurs nids et se déplace de lieu en lieu au fil de son occupation.
- Ensuite, Gribaldi fera comprendre aux habitants de l'école qu'il a besoin de vieux habits pour s'habiller, et pour continuer à s'installer. L'administration de l'école pourra aider si elle le veut, en faisant passer un mot aux parents d'élèves pour récupérer des vieux habits qui dorment au fond des placards.
Gribaldi ira aussi visiter les alentours, et il se peut qu'il débarque avec des habits récupérés à droite à gauche.
Au fur et à mesure des jours d'arrivée du linge, une nouvelle activité s'insérera dans son quotidien: il entreprendra de laver et étendre tout ce linge. Cette activité sera visible, et comme il aura besoin d'aide (il y aura une grande quantité d'habits), il demandera de l'aide aux curieux qui le regardent ou à qui veut.
- ... Tous ces habits seront la matière première de ses actions suivantes.
Gribaldi improvisera au fur et à mesure de ma recherche, toujours en dialogue avec l'équipe pédagogique. Les membres de la Grande Famille, et en particulier les élèves de l'école, seront invité-e-s à participer, voir à initier leurs propres installations performatives.
En fait, Gribaldi s'insérera dans les interstice spatiales et temporelles de l'école, pour proposer aux membres de la communauté scolaire des expériences nouvelles de l'école. Pas de feu d'artifice ni rien d'extravagant, c'est plutôt dans les détails du quotidien qu'il va puiser les ressources et les inspirations pour détourner les habitudes et proposer à tous-te-s de se réapproprier l'école sous un autre angle.
Il n'a pas peur des activités répétitives, y trouve un confort et un rythme qui permet aux gens de s'approcher et de se mêler de ses activités. Il est patient, et aime transmettre ses savoirs manuels. Dans ce sens, certaines de ses installations performatives dureront plusieurs jours, car le travail manuel est souvent un long labeur pour construire des structures à l'échelle humaine.
LES EVENEMENTS
La vie de Gribaldi sera ponctuée d'évènements plus ou moins grandioses, comme par exemple:
- apprendre à utiliser la photocopieuse, ou d'autres technologies locales
- fêter ses 1 ans sur Terre
- apprendre à écrire (pour cela, je n'utiliserai pendant la résidence que ma main gauche pour écrire (la plus maladroite pour moi))
- tomber amoureux (visite ponctuelle d'un autre personnage envisagée)
- (éventuellement) acquérir un smartphone, apprendre à s'en servir, découvrir les réseaux sociaux
- une ou plusieurs sorties collectives/ballades dans les environs, en petits groupes, où chaque membre de la Grande Famille est convié toujours sur une base de volontariat.
- etc.
L'ECOLE COMME UNE COMMUNAUTE
Dans ce projet, j'ai l'intention d'aborder l'école comme une grande famille. Chacun-e y a sa place, son rôle, et tout le monde en fait partie: de la gardienne à l'élève rebelle, de la directrice au prof de musique, du cantinier au premier de la classe.
Ma recherche sera concentrée sur le lien social entre tous-te-s ces membres de la Grande Famille. Indirectement, mes buts seront de faciliter ces relations, dynamiser, diversifier et enrichir les échanges au sein de la communauté scolaire. Ma position d'outsider permettra au groupe de se renforcer (l'effet de groupe a tendance à s'intensifier en présence d'éléments extérieurs). Cela se passera en filigrane d'actions plus explicites comme présentées ci-dessus, où je vais continuer mon exploration de l'art de la performance et du travail manuel. La manière dont j'aborde la performance est dans sa partie qui chevauche la réalité. La performance dans le quotidien. Par exemple:
- en quoi est-ce que s'habiller, adopter un comportement ou une attitude, sont déjà performance sociale?
Pour ce qui est du travail manuel, je l'aborde comme un savoir-faire qui s'apprend essentiellement par la pratique, et qui dialogue avec la performance par l'usage du geste.
ENTRE REALITE ET FICTION
Il s'agit aussi d'explorer la zone trouble entre réalité et fiction. Ce projet est l'expérience de la création d'une histoire et d'une identité, données en pâture à un groupe social structuré comme celui d'une école, afin voir ce qui se passe! En découleront tout un tas d'ajustements et de constructions qui vont venir enrichir la fiction en place.
La vie est un enchaînement de perceptions subjectives, et de tentatives de mise en commun de ces subjectivités. En cela, il n'est pas nécessaire que l'histoire soit vraisemblable, ni que tout le monde y croit. Ce qui sera réel, c'est que Gribaldi, lui, sait que cette fiction est sa réalité. Il en est persuadé. Il invitera qui veut à entrer dans sa réalité, et fera de son mieux pour s'adapter à la réalité des autres.
DES QUESTIONS A VOS REPONSES
Doué-e-s de parole, les membres de la Grande Famille, et en particulier les élèves, auront sûrement des questions à poser à Gribaldi, car ses actions sont décalées par rapport aux usages habituels de l'école. Si c'est le cas, ce sera un des indicatifs que les actions touchent à leur but. D'après moi, un des rôles de l'art est de questionner nos a priori et développer notre libre-arbitre. La mission de Gribaldi n'est pas d'apporter des réponses, mais plutôt de susciter des questions, qui entraînent des échanges, des réflexions, qui font grandir ensemble la Grande Famille lui-même, le +1.
Par le(s) artiste(s)