Formes de Paroles est un projet qui envisage la parole comme une matière plastique. Il s'agit de questionner et jouer avec cette matière, qui prend la forme de mots, dits ou écrits. Comment la parole prend-t-elle corps dans le réel, comment peut-elle devenir performative, nous engager et même transformer le monde, ou au moins nos relations. Cette recherche sera déployée à travers différents médiums : travail graphique autour de la mise en forme des mots et leur inscription dans l'espace (édition / affichage), travail sonore de découpage / remontage de sons et de paroles, travail performatif autour de partitions de conversations.
La recherche – menée en parallèle avec les élèves - s'éloignera peu à peu de la « signification » de la parole pour proposer un travail véritablement plastique autour des formes de paroles.
Pour Création en Cours, je propose une recherche autour de la parole et des formes qu'elle peut prendre. Les mots et le discours sont des outils précieux pour nous permettre de vivre ensemble, ils sont le support majoritaire de la communication.
Pour autant, leur pratique n'est pas une évidence et prendre la parole, même dans un espace restreint ou pour soi, est un exercice qui peut être difficile.
Avec « Formes de Paroles », il s'agit d'observer comment la parole et ses diverses formes nous permet de rentrer en communication les uns avec les autres, de se partager et comment celle-ci nous engage par rapport aux autres. Aussi, ce travail questionnera l'aspect performatif de la parole : lorsque dire fait advenir un changement de situation dans le réel. Précisément, cet aspect performatif de la parole repose sur notre engagement les uns envers les autres. Par exemple : nous nous déclarons en couple, la nature de notre relation et de celles que nous avons avec les autres (ce que nous nous autorisons) va changer, simplement par cette énonciation.
La parole est ici envisagée comme un espace transitoire entre soi et le reste du monde, mais aussi de soi à soi. En vérité, « Formes de Parole » est un travail autour de la question de la communication. Quels en sont les codes partagés car appris par la majeure partie d'entre nous ? Que se passe-t-il lorsque l'on regarde ces codes et conventions sociales avec un peu de distance ? Comment se comportent alors les signifiants et signifiés ?
Le projet « Formes de Paroles » se déploie à travers des réalisations sur différents médiums : graphiques, sonores, performatifs et textuels.
La parole est en effet une pratique aux formes et facettes multiples que je ne souhaite pas réduire uniquement à l'un de ses aspects. Dans « Formes de Paroles », pourront être convoqués : la voix, la parole, l'écrit, la langue des signes, les langages animaux, le non verbal, les langues étrangères…
• Plusieurs réalisations, autour de ces 3 axes (graphique, sonore, performatif) :
> Transcription de paroles (pensées ou partagées) en des formes graphiques :
Recherche autour de l'inscription et la transcription de pensées ou paroles en des formes graphiques. Fabrication d'affiches et de motifs permettant de communiquer autrement que par des mots, en alliant le texte au graphique (dessin). C'est un travail sur la complémentarité des médiums, et donc des langages. Cette première réalisation interroge l'inscription possible de la parole dans l'espace physique du monde (ex : affichage, graffiti…). Le réel devient source, sujet et support de réflexions et de paroles.
Prise de notes, croquis, fragments de pensée, brouillon... Des mots et des phrases se couchent sur la feuille, parfois rêveries, parfois prises de conscience. L'écriture s'impose à la page, paroles en suspens. Des motifs, des traits sans ancrage réel et loin de tout réalisme créent des espaces, suspendus également.
Dans un carnet on peut trouver toutes sortes d'amorces de pensées (écrites ou graphiques), sans forme définitive mais qui nous aident à saisir le monde. Cette première étape propose de travailler graphiquement l'inscription de paroles dans des espaces dessinés et irréels.
Des mots sont inscrits au sein d’un paysage fictif. Ils ne sont pas des réponses mais plutôt des questions, des notes, des hypothèses de conversation, de réflexion ou de rêverie. Les espaces que ces mots habitent ne renvoient pas à une réalité particulière, ce sont des images d'espaces types qui s'imposent à nos imaginaires.
Il y a donc des amorces de pensées en cours d'élaboration et pourtant affichées et partagées (texte) et la représentation d'espaces inexistants mais nous renvoyant précisément à notre propre territoire (dessin). Cette confrontation des registres et régimes sémantiques est, à travers une forme poétique, une plongée dans le langage. En effet, qu'il s'agisse de textes ou de dessins, nous en partageons les codes de lecture. Par l'écriture et la langue (le français) ou les images, dont la lecture est également un acquis social. Il s'agit donc d'un travail sur nos représentation et nos imaginaires collectifs. Comment le monde nous apparaît-il ? Comment le traduisons-nous, avec quels réflexes ? Quel langage commun utilisons-nous ?
Les espaces évoqués dans ce travail relèvent d'une représentation presque générique (automatique) : ce sont des clichés de paysages. Ils convoquent nos représentations spontanées, souvent naïves mais pas dénuées de poésie (ex : un arbre est une boule). En travaillant sur ces fictions de territoires, ce projet aborde la question de notre langue et de nos imaginaires communs. Faut-il pouvoir représenter ou dire le monde communément pour le partager ?
Cette étape du projet est centrée sur une proposition très graphique qui aborde la question de la représentation en utilisant les notions de motifs et de répétition. Comment créer un espace avec des moyens limités et en jouant avec les formes, les valeurs, les échelles et les surfaces ? Chaque espace (ainsi que le texte qui y est inscrit) sera déployé à travers l’utilisation d’une seule couleur, travaillée par un jeu de nuances et de valeurs.
Cette réalisation a comme autre matériau la prise de note et la pensée qui s'élabore, c’est un projet qui a également à voir avec la forme du journal. Comment extraire du brouillon des paroles qui pourraient être portées à l’extérieur, qui seraient dignes d'être partagées (adressées) ? Ces idées couchées sur le papier cristallisent un moment, celui d’une pensée en devenir, pour la diffuser au delà de l’espace du carnet (brouillon) ou de l’atelier. Ces mots, flottants, sont comme les espaces dans lesquels ils s’inscrivent : ils renvoient chacun·e à sa propre réalité, son propre imaginaire.
> Création et installation sonore :
Manipuler la parole dans sa forme la plus communément admise : sonore. L'utiliser comme une matière plastique, jusqu'à se détacher de la signification de ce que nous entendons. Mélanger ce que nous sommes habitués à entendre (discours) à ce que nous ne reconnaissons pas (sons mécaniques, d'autres espèces…).
La rapport que nous entretenons avec la parole sera abordé avec différentes personnes : enfants, professeurs, professionnels… La voix et la parole est souvent un outil de travail non reconnu comme tel. Quel est notre rapport à elles ? À partir d'entretiens et de paroles récoltées, des format courts de créations sonores seront réalisés, qui rassemblent différentes sources de paroles, différents moyen de communication et font appel au documentaire et à la fiction. Le son est un médium extrêmement évocateur, qui a la force de rendre des présences très vivantes et proches de nous mais qui nous coupe également de nos repères habituels et les plus courants, tels que la vision. Nous n'avons plus qu'un seul sens, dans lesquels tous les autres vont se projeter. La diffusion de ces créations sonores aura lieu au sein d'installations sonores dédiées.
> Performance :
Le temps de la parole est un temps performatif. À un moment donné, il y a une prise de parole, un temps, un espace, une façon que l'on choisit pour s'adresser à d'autres.
Pour « Formes de Paroles », je souhaite réaliser une performance autour de cette question de l'adresse de notre parole ainsi que de la façon de solutionner des situations problématiques par la communication.
Cette performance portera sur les outils de communication et les étapes de la prise de décisions (individuelle ou collective). Nous avons tous et toutes des petites ou grandes décisions à prendre, qui nous accompagnent à chaque instant. Pour cette œuvre, je pars de celles-ci avec l’idée de « solutionner un problème dans un espace partagé ».
Ce sont les spectateurs (potentiellement les enfants de l'école d'implantation) qui apportent la matière première de cette performance. À partir d'une situation jugée problématique (quelque soit l'échelle de cette problématique), nous explorons toutes les possibilités et leurs implications. Je propose pour cela des outils normatifs, de rationalisation pour mettre en perspective et en jeu tous les aspects engagés par cette décision.
Toutes ces réflexions, portées par la parole, sont inscrites dans l’espace où se déroule la performance, il devient support de pensée. Cette inscription est graphique et éphémère puisqu’elle se fait avec l’usage de craies. Le lieu où se déroule la performance devient espace et support d’un "brainstorming". Lorsque la performance est terminée, elle laisse place à des traces de réflexion, amenées à disparaître.
Cette étape dédiée à la performance passera aussi par l'écriture de « partitions de conversations », qui pourront être jouées par les spectateurs et la mise en œuvre de protocoles qui viennent transformer nos conditions d'échange et de communication, tels de grands jeux collectifs.
« Formes de Paroles » est un projet qui repose véritablement sur l'alliance de ces différents médiums (sonore, graphique, performatif). Les réalisations viendront se répondre les unes les autres et sont bien les facettes d'un même travail, une même recherche.
Au cœur de ses trois aspects, se trouve la question de passer de l'intime au partagé. Une parole s'adresse à l'autre, il faut donc le prendre en considération pour préparer, concevoir et ajuster sa prise de parole, bien que cela soit habituellement inconscient ou peu réfléchis. De là, je souhaite aborder la question du vivre avec d'autres, vivre ensemble.
Par le(s) artiste(s)