La démarche de Bavard.e.s consiste à recenser les regards, tous différents, des populations sur le(s) territoire(s). En travaillant sur la notion d’habiter, ils proposent des outils pour compiler des histoires, qui racontent l'emboîtement des échelles d’espaces vécus. Avec création en cours, c’est la vision d’élèves de CM1/CM2 sur leur environnement proche et lointain que souhaite retranscrire Bavard.e.s. En passant par la rédaction d’un fanzine, diffuseur de culture populaire depuis son origine, nous proposons aux enfants de bénéficier et de prendre part à la culture. La création d’une œuvre commune vise à proposer à chacun d’affirmer son identité culturelle tout en explorant les milieux. En formant une équipe, les rédacteurs en herbe traverseront différents modes d’expressions artistiques afin de conter leurs expériences sensibles du territoire. Nous les guiderons pour que leurs discours traversent le temps et l’espace pour dépeindre une situation globale à hauteur d’enfant.
Le collectif Bavard.e.s | collectif qui s’accorde aux gens
Plusieurs expériences de terrain mènent aujourd’hui Hugo et Lison à créer le collectif Bavard.e.s. Création en cours est l’occasion de rendre officiel un projet déjà en marche depuis un an dans leur quotidien. Tous deux architectes de formation, iels font le choix de s’atteler aux espaces vécus au-delà des espaces construits. La présence quotidienne qu’implique une résidence construit un dialogue de confiance entre tous les acteurs et permettra de nourrir d’autant plus leur réflexion.
Le collectif Bavard.e.s habite les territoires qu’il traverse. Habiter c’est « entretenir une relation avec le monde dans lequel on existe et où l’on a des pratiques, monde matériel et symbolique que l’on fait sien – son monde – en le bâtissant et qui participe de notre construction »[1]. C’est pourquoi, le collectif propose de travailler sur place autant les phases de transmission que le travail personnel de création.
Bavard.e.s recherche
Bavard.e.s souhaite donner la parole à ceux qui habitent leur territoire. Bavard.e.s confronte, écoute, tend l’oreille, retranscrit les différentes histoires populaires des habitants de notre complexe société pour en comprendre l’économie, la politique, la géographie mais aussi les envies, les attentes. Création en cours représente le premier terrain d’expérimentation, la première histoire de la bibliothèque des regards qui permettra aux chercheurs de mettre en relief des problématiques plus globales. Soucieux d’échanger les savoirs, iels infusent des notions de droit à la culture, de droit d’agir et de convivialité comme critique d’un monde productiviste et capitaliste à travers des ateliers partagés.
Bavard.e.s créé le Fanzine #1
Afin de récolter les récits du territoire et de transformer au minimum les paroles des habitants, iels décident de les retranscrire sous forme d’un fanzine. Le fanzine, publication indépendante, fabriquée artisanalement et auto-édité, est un format qui défend des valeurs similaires à celles de Bavard.e.s. Il est la production ultra locale d’une culture brute. Il s’éloigne en tout point d’une production commerciale par sa diffusion généralement à prix libre via l'événementiel local et le bouche à oreille. Sa confection DIY (do it yourself) est le fruit de la multiplication de nombre de paroles et s’inscrit dans la logique de réemploi.
Bien que libre d’expression, la thématique du fanzine interroge la place de l’enfant dans toutes les échelles de son territoire, du rural à l’urbain. En orientant les explorations à travers les temps et les réalités, iels comptent plonger dans l’imaginaire des enfants afin d’en traduire les besoins, les envies et les réalités du territoires.
Pour arriver à l'œuvre collective qu’est le fanzine, chacun.e.s des élèves nourrira un journal de bord de ses réflexions personnelles. Ce journal de bord du territoire représente un lien entre bavard.e.s et les élèves dans le temps pour ainsi créer une continuité dans le travail tout au long de l’année. Le journal de bord permettra à chacun de noter, dessiner, gribouiller, ramasser, expérimenter de nouveaux outils pour parler de son quotidien en lien avec les éléments du paysage habité.
Bavard.e.s voit en ce moyen d’expression, une réponse adéquate aux motivations qu’expose création en cours : celle de populariser le droit et l’accès à la culture dans les territoires ruraux et quartiers prioritaires. Iels utilisent le format du fanzine pour faire vivre et diffuser la culture populaire locale sur place et nourrir la recherche sous-jacente.
Bavard.e.s apprend et transmet : un projet, cinq sessions
Bavard.e.s présentera, dans un premier temps, l’objectif de notre collaboration : l’objet de création qu’est le fanzine, et la notion de la recherche qu’est le territoire. Cette première session interroge l’échelle ultra locale au travers du quotidien des enfants. Le premier atelier manuel permettra de coudre un journal de bord par enfant. Ainsi, nous ouvrons les portes du DIY et proposons à l’enfant de s’approprier rapidement la démarche. Puis, en écoutant les récits des quotidiens des élèves, de leur chez-soi, de leur école, iels traceront sur une carte la position de leurs maisons. L' arpentage de ce tracé sera l’occasion de rencontrer à la fois les enfants et le territoire ultra local qu’iels pratiquent chaque jour. Le journal de bord, rendra compte des ressentis au moment présent et des temps que l’on se donnera pour dessiner, parler, chanter, écrire pendant le temps de cette joyeuse expédition.
Durant la deuxième session, iels plongeront dans le passé du village à travers les récits des aînés. Bavard.e.s souhaitent que les enfants deviennent journalistes et animent une interview avec ces derniers. Le collectif confrontera les discours de deux à trois générations à des cartes postales ou images anciennes du village afin de rapprocher une nouvelle fois l’espace et le temps. Le périmètre de recherche sera élargi à la région (tout au moins celle ressentie) afin d’amorcer les questions de productions locales et de connexions entre rural et urbain à proximité. Guidés par des références, iels laisseront à nouveau le libre choix d’expression aux enfants pour retranscrire cet échange.
La troisième session explore l’imagination des enfants pour inventer le futur des territoires à toutes les échelles. Tout en continuant d’explorer des outils d’expression variés (audio, cartographie mentale, etc.), bavard.e.s aspire à découvrir la direction que les enfants, habitant en milieu rural, souhaitent donner au territoire de demain.
Ce quatrième temps est le moment de rassembler les créations individuelles pour finaliser l’œuvre commune. En récoltant les éléments graphiques de chacun des journaux de bord, iels imagineront ensemble l’organisation du fanzine. Penser le titre, créer la couverture, autant d’ateliers qui viendront lier les expériences menées pendant la résidence sous le même axe sans biaiser les récits personnels de chaque enfant.
Et enfin, le fanzine aussi léger qu’il puisse paraître répond au besoin de créer librement. Sa diffusion est généralement déclarée lors d'événements (concerts, débats, etc). Créer l’événement, fêter, semble essentiel pour concrétiser et valoriser le travail commun de la résidence. Ce temps privilégié permettra d’infuser la culture de chacun dans son territoire, et en même temps de rendre compte de notre travail lors de cette création en cours.
Les trois départements
Le collectif Bavard.e.s se veut itinérant. Il fait le choix pour cette création en cours de questionner les perceptions des enfants en milieu rural. C’est pourquoi il choisit les trois départements les moins peuplés et les plus éloignés des grandes villes : la Lozère (48), la Creuse (23) et le Cantal (15).
[1] Florent Hérouard, « Habiter et espace vécu. Une approche transversale pour une géographie de l’habiter »,