Le projet que je propose consiste à s’inspirer du genre cinématographique road-movie pour en faire une production d’images. Ces images seront visibles sur des panneaux « à LOUER » bordant les routes des alentours du lieu de résidence. Ainsi, les utilisateurs de la route, deviendront spectateurs et personnages principaux de cette narration. J’aimerai donc produire une exposition à ciel ouvert, afin de proposer une histoire visuelle qui se déroulerait sous les yeux des utilisateurs de la route. Ainsi ces panneaux emprunteraient une forme éditoriale inspirée du cinéma.
Dans l’espace public à travers les vitres de voiture, les espaces publicitaires coexistent et proposent d’énormes surfaces d’affichage. Je ne veux pas les contredire ni les dénoncer mais plutôt les imiter. J’envie leur grand format, leur visibilité, et leur capacité à interpeller l’utilisateur de la route. Ces grands panneaux transforment les utilisateurs de la route en lecteurs. J’aimerai utiliser la ville et ses dispositifs d’affichage, afin de proposer des images pour ces supports pré-existants. Ils viendraient accueillir le résultat de la recherche. Ainsi les images produites pendant la résidence seraient visibles par tous les utilisateurs de la route. J’envisage de construire une narration à partir d’images qui prendrait corps dans ces espaces publicitaires. Je pense notamment au panneau « à LOUER » disponible sur le bord des routes. Les images subiraient les différentes routes empruntées, c’est à dire que selon les trajets, l’ordre et donc les lectures seraient différentes. Chaque utilisateur aurait une version de l’histoire.
Ces utilisateurs sont dans la voiture, avec un rapport au corps qui est distancié, puisque la mobilité n’est pas engendrée par le corps lui-même, mais par un mécanisme qui impose un rythme. Entre la découverte et le voyageur il y a désormais la fenêtre du véhicule qui cadre, qui filtre l’image. Il semblerait que la vue soit essentielle dans le rapport de l’homme véhiculé. C’est désormais le véhicule qui oriente le regard, en imposant son point de vue.
Dans les road-movie, notamment dans Alice dans les villes de Wim Wenders, le personnage principal Philippe lit à voix-haute les inscriptions présentes sur les panneaux de ville. Son comportement est similaire à celui d’un automobiliste ordinaire d’ailleurs. En empruntant la route, les automobilistes sont confrontés à ces grands panneaux, ils deviennent leurs spectateurs. Le travelling de la voiture produit des listes, c’est une forme que j’aimerai interroger. On voit un espace, puis un autre, et c’est enchaînement, une sorte de collage de lieux qui n’ont à priori rien à voir ensemble. La route crée un ensemble cohérent. Ce défilé à partir de la fenêtre, offre un modèle de vision qui globalise. Avec cette fenêtre comme cadre, plusieurs espaces appartiennent au même ensemble. C’est cette situation que j’aimerais utiliser pour présenter mes images.
D’après Catherine Petit théoricienne du cinéma, dans les films de Wim Wenders, le voyage est présenté comme une métaphore du cinéma, le pare-brise est la métaphore de l’écran de cinéma. « Les paysages traversés de film en film, qui défilent inlassablement derrière les vitres des véhicules, sont là pour nous rappeler à tout moment cette pellicule qui passe devant nos yeux de spectateurs tandis que les pares-brises et les vitres cadres d’images mouvantes, évoquent irrésistiblement le cadrage même du cinéaste ». J’aimerai, grâce au dispositif proposé, insister sur cette troublante relation qui existe.
Arrêtons nous sur le contenu de ces panneaux, les images produites seront inspirées par les films de voyage, nous allons créer avec les enfants une bibliothèque de formes autour desquelles nous produirons nos images. Je possède une collection de capture écran que nous allons compléter et agrandir. Cette source servira de référence à notre production plastique. J’imagine ces panneaux comme une forme hybride entre le paysage, la carte postale, des scènes rêvées…Nous ferons des allers retours entre les formes préexistantes et celles créées pendant les interventions.
Afin d’accentuer la porosité entre cinéma et la vision depuis la route, je sélectionnerai à l’intérieur de films de voyage, des éléments signe à redessiner. L’objectif est de produire un contenu périphériques à plusieurs films et de les réunir le long d’une route, de proposer une ballade inspirée des films de voyage.
Nous nous adapterons aux différences de formats des panneaux, ils nous donneront une contrainte pour produire des images en fonction des échelles hétéroclites. Nous dessinerons à échelle 1 afin d’envisager ces panneaux de manière concrète. Ces panneaux ambitieux de par leur format, nous rappellerons l’importance et l’exigence que peut nécessiter un projet artistique. En effet, les élèves ont pour habitude de dessiner sur des petits formats et de conserver leurs dessins à l’intérieur d’une salle de classe ou de leur chambre. Agrandir et faire sortir ces dessins leurs donneront une dimension autre. Par ces gestes inhabituelles, ils considérerons leur production d’une autre manière.
Par le(s) artiste(s)