Fin de concert. L'orchestre symphonique quitte la scène sous les applaudissements à tout rompre du public. Dans les loges, les musiciens rangent déjà leurs costumes. Lassés par cette très longue tournée, deux musiciens soufflent un instant. Le temps d'une pause, ils s'imaginent un lieu où s'exprimer avec plus de libertés. Un espace de récréation sans partition, pupitre, queue de pie ni chef d'orchestre.
"Entre-deux" est un spectacle qui retrace la métamorphose de ces deux musiciens en quête d'émancipation. Une mise en abyme qui réinterroge les codes du musicien sur scène. La scène, semblable à une cour de récréation offre un terrain jeu propice pour recréer une approche artistique plurielle.
Ce spectacle se construira avec les écoliers à travers des explorations autour du son, de l’écoute, du geste, de l'improvisation et de la mise en scène. Une invitation pour le jeune public à prendre part au processus de création et participer à cette quête de spontanéité de l'artiste sur scène.
Scénario du spectacle :
Après leur concert ovationné par le public, les musiciens d'un prestigieux orchestre quittent le plateau pour regagner leurs loges, fatigués par cette tournée internationale interminable. Alors qu'ils s’empressent de rejoindre leur hôtel, deux d'entre eux s'attardent ce soir là dans les loges et finissent par se rencontrer accidentellement. En effet, il arrive que dans certains grands orchestres, tous les musiciens ne se côtoient pas tous. L'un d'eux est un bon vivant promu des milieux populaires et joue du tuba au fond de l'orchestre. Le deuxième est un héritier des musiques savantes et joue du violon-alto au premier rang. De culture et d'origine très opposées, ils ne s'étaient pas encore parlé. De cette rencontre incongrue et par ce sentiment de lassitude du fait de cette longue tournée, éclot une envie qu’ils avaient mis en suspension durant toutes ces années d’orchestre : quitter leur pupitre, leur queue de pie pour se mettre en scène et créer et composer un spectacle dont ils seraient les auteurs et les acteurs!
Cette création soulève la question de la place de chacun dans la société, dans une structure, et comment vivre et évoluer dans celles-ci.
Le spectacle retrace leur rencontre et leur envie commune de créer une forme d'expression nouvelle. L’objectif est multiple. D'abord montrer les coulisses de l'orchestre avec ses codes, ses rituels et la façon d'être du musicien hors de scène. Ensuite montrer le phénomène de « récréation », avec la transformation physique et musicale de ces deux personnages, depuis leur rôle de musicien statique d'orchestre jusqu'à celui cherchant une forme d'émancipation par le théâtre musical. Enfin, en rendant visible au public le travail de « re-création » avec le déroulé d'un processus de création et de recherche artistique.
Le scénario se base sur une double mise en abîme : construire un spectacle sur des possibilités nouvelles d’expression en mettant en scène ce processus de réflexion. Et faire incarner ce processus par la relation entre deux musiciens en quête d’eux même et de leur désir propre.
L'élaboration est portée par un collectif composé de deux instrumentistes (altiste et tubiste), un dramaturge, un compositeur et une scénographe. L'écriture du scénario s'effectue par des mises en situations improvisées, à la façon d'une écriture de plateau. L’improvisation comme source première de réflexion et d’échange nous permet d’être dans un processus de re-création constant.
Dans ce sens, l’improvisation comme médiation initiale entre interprètes et entre interprètes/compositeurs est un axe central pour générer du matériau. Par exemple, une scène basée sur l'improvisation est de montrer les musiciens en train de s'échauffer de part et d'autre d'une cloison. Ils répètent des fragments de musique, se répondent et interagissent par le son et l'improvisation et jouent avec ce décalage où le public les voient sans qu'eux ne se voient. L’improvisation constitue ainsi un lieu de récréation autant que de re-création de nos pratiques et du sens à leur donner. Sur scène, nous verrons donc la reconstruction de ces « improvisations » dans le processus de création, mais de manière définies et préparées.
La re-création ou re-appropriation de la scène par ces musiciens est le passage d’un cadre scénique clos à sa transformation en espace de récréation. Cette métamorphose offre une libération intéressante pour eux, au profit d’une forme de dépassement : se détacher d'un paradigme pour en rejoindre un autre, plus organique et spontané entre l'interprète et son instrument. C'est à dire comment le musicien s'incarne non plus « caché » derrière son instrument, mais totalement présent avec celui-ci.
S’engage aussi une réflexion sur le corps et ses possibilités communicatives et expressives. Au début du spectacle, les musiciens sont assis, avec une posture statique préétablie par l'utilisation du pupitre et de la partition. La direction est d'introduire de plus en plus de mouvements et de faire participer intégralement le corps physique du musicien. Ce « lâcher prise » se traduira par une métamorphose progressive : évolution dans le répertoire musical, intimité des personnages, leurs déplacements, leurs gestes, la communication implicite, musicale ou non-verbale et l’usage graduel de la voix.
La musique composée pour ce spectacle accompagnera cette évolution et sera le reflet intérieur des personnages. Entre le tuba et l’alto, deux instruments que tout semble opposer par la taille, l’intensité sonore, le timbre et la tessiture naîtra un rapprochement et une entente musicale progressive malgré leurs différences apparentes. La composition cherchera d’un coté à affirmer leurs spécificités et singularités. De l’autre au contraire, à chercher l’uniformité sonore au fil de l’évolution des personnages et de leur plaisir commun à jouer ensemble.
Leur soif de nouveauté orientera la musique vers l’expérimentation interprétative avec par exemple, des doubles sons au tuba mêlés aux doubles cordes et aux harmoniques de l’alto. L'utilisation de la voix de l’altiste permettra un jeu simultané, symbole de leur interprétation de l’ensemble instrumental à deux. Enfin, les mélanges entre improvisation et musique écrite seront l’expression formelle de leurs envies : essayer, jouer et créer.
Nous utiliserons aussi comme matériaux complémentaire des pièces existantes du répertoire de théâtre musical, extraits de Georges Aperghis, Jacques Rebotier et Thierry de Mey. Le tout sera d’accorder musique et geste, soit une théâtralisation de la situation musicale.
La scénographie sera construite à partir d'éléments légers et modulables afin d'une part d'être manœuvrés par les musiciens sur scène et d'autre part de permettre au spectacle d'être facilement transporté et diffusé dans n'importe quel contexte. Ces décors feront la part belle aux tissus peints, voilages et trompes-l’œil. Il s'agira de représenter l'intérieur des loges d'une salle de concert et également de manifester le caractère onirique du songe de ces deux musiciens. Des voilages seront utilisés pour occulter ou « dévoiler » leur transformation. Des tissus, afin de projeter leur ombre en réservant la part de mystère à ce qui sera vu par le public. L'idée étant de jouer sur plusieurs niveaux de lectures depuis la rencontre des personnages, leur rêve qu’ils transposent jusqu'à leur évolution sur scène.
La création étant prévue au théâtre de la Renaissance (Oullins /69), fin Avril 2021, l'opportunité de participer au dispositif « Création en Cours » nous permettrai de construire ce spectacle avec le travail de recherche réalisé avec les élèves. Nous pouvons aussi imaginer rejouer ce spectacle fin juin auprès des CM1-CM2, lors de la restitution des ateliers afin de leur montrer l'aboutissement du projet.