Le projet Comme une Ombre naît de l’envie d’explorer le monde mystérieux de la peur. Pour donner corps à ce spectacle nous avons décidé de nous emparer de l’univers de Dino Buzzati, révélateur de nos envies et de nos questionnements à propos de la fonction du théâtre jeune public. En ayant comme point de départ la nouvelle Le K, nous allons raconter l'histoire d'Andrea, fils de Stefano Roi protagoniste de la nouvelle de Buzzati, faire face au deuil, retourner dans sa terre natale, mener l'enquête et affronter sa peur tétanisante de la mer : un dialogue perpétuel entre conte et différents langages théâtraux dont le théâtre d’objet. Nous souhaitons proposer aux futurs spectateurs, aussi destinataires de nos actes de transmission, de créer les monstres que nous allons ensuite mettre en jeu. Nous souhaitons ancrer notre recherche dans 3 départements maritimes afin de pouvoir nous en inspirer et créer un dialogue entre légendes régionales et mythes contemporains.
Synopsis
Andrea Roi, paléontologue, doctorant italien en France, spécialiste des cétacés rares et disparus, en plein colloque portant sur les dernières avancées de sa recherche apprend la mort de son père. Dès lors, un voyage s’impose dans sa terre natale pour pouvoir faire le deuil et se retrouver, enfin, face au plus mystérieux des monstres marins, sur lequel planent les ombres les plus fascinantes : le K.
Note de mise en scène
Grandir, c’est affronter les montres.
Il y a ceux dont on hérite, ceux que nos parents nous transmettent.
Il y a ceux que la littérature, la société nous offre ou nous impose.
Et il y a ceux que l’on crée, plus ou moins consciemment, dans les méandres de nos rêves, dans les recoins foisonnants de nos imaginations.
Avec Comme une Ombre, nous voulons mettre en scène cette création. Nous voulons partager, avec les spectateurs, ce moment cathartique et mystérieux où nos monstres prennent vie sur le plateau.
Notre point de départ, c’est Le K de Dino Buzzati. On y retrouve le côté à la fois fantastique et plein de suspense où le merveilleux et l’humour se mêlent à l’observation lucide. Une sensibilité exacerbée, un sens aigu de la justice, un certain pessimisme aussi donnent une force inéluctable à ce récit.
A partir de cette nouvelle, nous souhaitons proposer aux futurs spectateurs du spectacle de créer les monstres que nous allons ensuite mettre en jeu ; comme dans un jeu de miroirs, en résonance avec le parcours que Buzzati fait suivre à son personnage, nous inventons des chimères pour pouvoir ensuite les affronter, pour pouvoir grandir.
En ce qui concerne la création du spectacle, afin de mieux nous plonger dans l’univers de Dino Buzzati, nous souhaitons évoquer l'atmosphère des marins italiens à travers les chants de la tradition populaire des régions italiennes et dans le mélange linguistique que l’on retrouve dans toutes nos créations.
Le travail corporel auquel nous attachons beaucoup d’importance va contribuer au dessin global et restituer le pouvoir évocateur de la vie sur un bateau ainsi que la capacité à faire vivre l’invisible. In fine le travail des marionnettes et des silhouettes, créées pour ce spectacle, manipulées surtout par un de deux comédiens aura la fonction de supporter et multiplier les possibilités que l’univers fantastique requiert.
Note sur l’univers visuel
Au cours de l'élaboration du projet, plusieurs axes de recherche stylistiques et iconographiques nous sont apparus comme les plus appropriés à supporter le langage de Buzzati. Nous voulons les utiliser comme des repères dans le développement de l’univers plastique et visuel, qui soutiendra le travail des comédiens, en proposant différentes expériences hybrides entre un théâtre du mot (le jeu, la narration, le chant, etc...) et certaines composantes du théâtre visuel, qui tiendront également lieu de scénographie. En premier lieu, nous avons choisi de nous inspirer du monde de la cartographie nautique. En effet, au fil du temps, l’imagerie des monstres des abysses a constitué un véritable bestiaire, dans une tentative de représenter l'inconnu (référence: Sea monsters on medieval and renaissance maps de Chet Van Duzer). Une autre source d’inspiration provient de l’univers japonais, qui depuis des temps anciens, a élaboré une esthétique du monstrueux particulièrement singulière et inépuisable tout en étant extrêmement théâtrale. Cet univers nous parvient à travers le filtre du photographe Charles Fréger, en particulier dans son travail intitulé Yokainoshima (2013-15). Il s’agit d’une série de portraits de masques rituels japonais, se plaçant à la frontière entre la recherche scientifique et l'œuvre artistique. Pour le projet Comme une ombre, il nous semble intéressant de nous inspirer de cette esthétique surtout pour sa fascination presque obsessionnelle pour la monstruosité qui exprime la force primordiale et incontrôlable de la nature. Nous aimerions articuler notre travail en nous inspirant à la fois de l’univers de Charles Fréger mais aussi de l’univers folklorique régional du territoire qui hébergera notre projet pendant notre période de recherche et forgera notre création dans sa forme finale. Nous sommes attirés tout particulièrement par les mythes, les légendes, les masques et les personnages qui incarnent les légendes ainsi que les fêtes populaires comme le Carnaval, grande source d’inspiration iconographique. Nous avons déjà eu l’occasion de tisser un lien pour ce projet avec la culture basque pendant la première résidence d'écriture qui nous a donné envie d’aller plus loin et de creuser encore plus la recherche ethno anthropologique qui viendra nourrir l’univers visuel de la création.
Le troisième axe fondateur de notre recherche est celui de l’écologie marine et du réemploi. Comme Buzzati a utilisé la présence du monstre de façon métaphorique, nous nous sommes servis de ce même principe pour construire nos monstres avec ce que la société utilise peu et jette ensuite : les déchets. Du point de vue de la recherche esthétique, cela s’approche de la poétique de Kantor et du dadaïsme ayant comme référence : L’objet Pauvre, L’objet trouvé, Emballages. D’un point de vue pratique, cela se traduit avec l’envie de créer en utilisant des déchets plastiques, rejetés par la mer ou l’océan afin de pouvoir créer avec des nouveaux monstres marins qui évoquent les personnages des mythes et légendes régionales et nous renvoient à l’urgence écologique. Le monstre devient donc un code qui oriente le travail de construction des objets scéniques : figures hybrides, grotesques, freaks, assemblés avec nos déchets et qu’on ramène à la vie grâce aux techniques du théâtre d’objet.
Ateliers pédagogiques: étape de création du spectacle Comme une ombre
Les artistes-pédagogues rencontreront et travailleront avec les élèves en phase de création mais aussi avant chaque représentation de Comme une Ombre sur trois aspects de la création :
- Plastique, avec Riccardo Reina pour la création de masques, marionnettes ou objets qui deviendront des personnages de l’histoire créés à partir du travail de manipulation du papier, mais aussi de la collecte de déchets non organiques retrouvés par les élèves sur la plage.
- Dramaturgique, avec Matthieu Pastore pour la création d’une histoire à l’intérieur de laquelle ces personnages pourraient évoluer.
- Corporel, avec Chiara Breci pour incarner le corps du monstre, mettre en marche son imaginaire et le transférer dans ses gestes, trouver un élément de référence (eau, feu, air, terre) et l’incarner dans ses mouvements.
A l’issue du travail avec les élèves il sera possible d’organiser une restitution pendant laquelle auront lieu:
- une exposition des créations artistiques des élèves.
- une répétition ouverte sur le jeu corporel qui aura pour protagonistes les élèves et leurs créations.
Par le(s) artiste(s)