Cardboard est un duo faisant dialoguer la danse, le cirque et les arts visuels. C’est une quête vers une utopie de fortune; avoir de petites réussites, de grandes défaites, des accidents... Et puis tout reconstruire. Au milieu d’une demi centaine de boîtes en carton de toutes tailles, nos deux corps sont dressés vers un désir d’élévation et de stabilité alors que tout fout le camp constamment. Ce no man’s land appelle par toute sa fantaisie à redéfinir les contours d’un nouveau rivage. Architecture du chaos qui nous amène à rêver de cabanes et de châteaux.
Toutes les pièces du puzzle sont là, les possibilités d’assemblage sont infinies.
Cardboard vient questionner l’acte de construction, l’échec, le changement et la reconstruction; comme un cycle infini où le point d’arrivée n’existe pas. Nous invitons le spectateur à se raconter sa propre épopée à travers les images que l’on crée, à travers l’absurdité de l’existence qui nous colle à la peau.
Je souhaite défendre avec cette première création un processus hybride qui décloisonne les disciplines afin de créer un langage propre à cet univers. Avec pour scénographie/agrès des boîtes en carton vides, entre manipulation d’objet et pertes de repères vertigineuses, nous mettons en lumière l’aspect remarquable et fascinant de ce qui est fragile, banal et éphémère. Ce projet a émergé pendant la crise sanitaire dans un contexte où il était nécessaire de composer avec les contraintes présentes et de retrouver de l’entrain et de la légèreté à aller de l’avant. J'ai alors recherché un dispositif scénique permettant de mettre en jeu les notions de persévérance, de résilience, d'équilibre et de fragilité. Il y a à la base de cette création une réelle volonté de "reprendre les choses en main", un double processus de déconstruction et de reconstruction, empreint d’absurdité.
On escalade, on empile, on disparaît sous un éboulement. L’espace se transforme totalement en quelques secondes et alterne entre structures ordonnées et chaos. D’un rapport très concret à l’objet, un glissement s’opère ; émerge peu à peu toute une architecture. Les cartons deviennent agrès et ouvrent de nombreuses possibilités, notamment le champ du vertige. Le rapport circassien à l’objet permet de chercher volontairement à se déstabiliser pour se donner corps et âme à un enjeu, un objectif, avec l’absurdité et la nécessité que cette démesure comporte. De fait, cette recherche de vertige que permet le regard circassien est en dialogue constant avec l’expérience sensible du monde de la danse contemporaine. En laissant les deux co-exister, il devient possible de traverser des aspects intimes et universels des situations dans une approche à la fois très terre à terre et métaphorique.
Le carton, objet habituellement jetable, a ici une vie avant, une vie après, il perdure dans le temps. Pour concevoir cette scénographie, nous travaillons les cartons avec un alliage entre le matièrage, la peinture et l’image imprimée. Inspirés de la rustine, ces effets font apparaître des jeux de matières empruntés aux flux et aux accidents naturels du corps et du paysage. Les cartons seraient à eux tous une grande peinture qui aurait explosé en morceau et qui ne pourrait plus jamais retrouver sa forme d’origine. Ils tendent vers une logique d’ensemble et font partie d’un tout, en ayant chacun leur unicité.
Au niveau de la transmission, nous travaillerons également autour de l'image de la reconstruction et des notions precédemment citées qui en découlent. Un grand set de cartons de différentes tailles sera prévu pour les ateliers. Un temps sera dédié avec les élèves à la création de leur propre scénographie en travaillant les cartons avec des peintures organiques, des collages et des jeux de matiérage. Ce dispositif scénique étant tout autant ludique que didactique, je les ferais explorer autour du rapport à l'objet et des architectures qu'ils pourront créer dans l'espace, ce qui tend à les responsabiliser au niveau individuel et de la prise de décision tout en étant à l'écoute et au service d'une démarche collective. Tout comme dans ma recherche en création, le mouvement dansé découle d'actions et d'intentions concrètes, ainsi ce processus permet d'entrer dans des états de corps en décomplexant "l'endroit de la danse". Les ateliers s'articuleront entre un temps d'échauffement mêlant des techniques de danse et d'éveil au cirque, des recherches de qualités de corps et de jeux de connexion au groupe, puis de temps d'explorations structurés avec les cartons. Selon les exercices, ces explorations pourront être seuls, à deux ou en plus grand groupe. Ce travail aura pour vocation de donner lieu à une restitution publique où à travers différents tableaux, les élèves en interaction avec leur scénographie/agrès pourront présenter leur travail à un public.
Le projet Cardboard a émergé dans le cadre du dispositif Circus Without Circus dont je suis lauréate; il est porté en production déléguée par Les Noctambules. La première (format court pour l'extérieur) aura lieu au Festival Parade(s) à Nanterre en juin 2023. Le spectacle a pour vocation de tourner en espace public (format court) et en boite noire (format long).
Création en cours me permettrait d'implanter mon projet sur un territoire, d'y crée du lien à un niveau pédagogique et d'y développer mon réseau professionnel, ainsi que de m'inscrire dans une dynamique de développement culturel collectif, démarche qui me tient à coeur