Cantine-comptine est un jeu d’imaginaire dans un cadre ordinaire. A l’heure où les lieux de repas et les récréations sont considérés «à risque» mais où le spectacle se fait une place sur le plan de travail de notre cuisine à travers nos écrans, ce projet traite du «banal» et de son renversement comme d’un terreau à extraordinaire.
Dans la cantine, nous créons des récits et des outils à spectacle à partir des habitudes dont elle est remplie. Fabriquer des récits avec le conte, détourner des usages avec le design, raconter des objets, mimer des sons, chorégraphier des mots, cartographier des odeurs : les banalités deviennent des pantins au service de notre histoire, et les élèves les marionnettistes derrière eux. En transformant une situation banale en situation de spectacle, nous utilisons le repas pour révéler des imaginaires, re-créer de la convivialité et prendre le temps d’inventer.
« Cantine-comptine » est un jeu d’imaginaire dans un cadre ordinaire. Dans la cantine, nous créons des récits et des outils à spectacle à partir des habitudes dont elle est remplie. Les banalités deviennent des pantins au service de notre histoire et les élèves les marionnettistes derrière eux. En transformant une situation banale en situation de spectacle, nous utilisons le repas pour révéler des imaginaires, re-créer de la convivialité et prendre le temps d’inventer.
Tom & Laetitia : détournement d’usages et fabrication de récits
Cantine-comptine est imaginé par Tom Hébrard, designer et artiste, et Laetitia Troussel, conteuse et productrice d’événements. Ce projet est issu de la rencontre entre nos deux pratiques artistiques : le détournement d’usages et la fabrication de récits ; autrement dit, le design et le conte. Tous les deux sont des arts de la projection et du récit qui ont ce pouvoir de faire muter le réel au contact des idées. Travailler autour des manières d’être ensemble lors d’un repas, c’est créer de nouvelles écritures conviviales qui rendent ces imaginaires visibles. Cantine-comptine est donc un jeu de rôle entre l’imaginaire et l’existence, jusqu’à ce que l’un prenne la teinte de l’autre.
L’art discret du repas.
Cantine-comptine s’inscrit dans le cadre du projet Bananalités, qui porte une réflexion sur le fait « banal ». Si on recherche rarement le banal, la banalité est pourtant « faite d’un mystère qui n’a pas jugé utile de se dénoncer” (M. Blanchot). Passer à table est une des actions les plus fréquentes de notre quotidien mais, sans même nous en rendre compte, nous créons toujours un nouveau monde par le simple fait d’être ensemble autour d’un repas. Bananalités adresse ce mystère et transforme les banalités de ce rituel du repas en une situation artistique pour attirer le regard sur nos manières d’être ensemble à table. Suite à notre première expérience, le « souper collectif », nous sommes à la recherche de nouveaux terrains d’habitudes alimentaires pour construire notre inventaire de détournements et de possibles.
Le grand renversement du banal
Annulation des récréations, fermetures des cantines : aujourd’hui le banal vient à manquer. A la télévision, des nostalgiques nous miment comment ils serraient la main de leur banquier : on fait appel au conte pour ressusciter nos habitudes regrettées. Ailleurs, les théâtres ferment et le spectacle se retrouve, lui, sur notre plan de travail, à regarder la mort de Phèdre d’un œil en surveillant la cuisson des pommes de terre de l’autre. Alors que le banal se fait exceptionnel et que le spectacle se fait hors scène, et si nous n’arrivions plus démêler l’un de l’autre ? Et si nous prenions le temps d’inventer ?
La cantine, terrain déjà de jeu
A la cantine, on joue et on invente déjà. Elle est peuplée de rôles et de rites autour d’un bien commun : le repas. Manger à la cantine est toujours un événement marquant un avant un après. On compte les jours avec le menu, on apprend la convivialité par le service, les goûts et la culture dans l’assiette. Et malgré ce cérémoniel, la cantine est mystérieuse comme un écran de fumée. On comprend aussi peu ce qui est dans notre assiette que ce qu’il se trame en cuisine. Comme au spectacle, on a du mal à voir en coulisses, où l’intrigue est tissée. Alors, on devine, on invente, on joue déjà avec le quotidien comme avec l’âge sous le verre et la poignée du pot à eau. Rites, mystères, temporalité, personnages… le théâtre est bien là.
La recette
Cantine-comptine joue à renverser ce paysage d’habitudes pour créer une comptine : une histoire un peu absurde qui bouscule les rôles pour nous permettre d’inventer. Composer un conte comme une recette, manipuler les usages, jouer nos habitudes : tout est observé, détourné et répété pour créer une situation de récit et de spectacle à partir de la cantine. Nous n’intervenons pas pendant les moments de repas ni au contact de la nourriture, un parti pris certes hygiénique mais qui est aussi central dans notre démarche : il ne s’agit pas de jouer «avec» mais «au» repas. C’est le monde que nous créons autour du «manger» qui nous intéresse et la force de l’imaginaire autour de lui.
Collecter, détourner, animer
En alternant des temps d’observation, de création individuelle et de test avec les élèves, nous élaborons un ensemble de détournements d’espace, de sons et d’objets pour créer notre univers et ses récits. Le travail en classe alterne entre différents outils de compositions : oralité, mime, objets, textures, son ; raconter et éprouver se relaient. Nous produisons les outils et les cadres de ces détournements (physiques comme narratifs) aussi bien que nous utilisons et « déconstruisons » ce qui se trouve sur place, dans la limite du raisonnable. Dans ce travail, les élèves sont à la fois collecteurs de situation, producteurs de récit et marionnettistes de leurs habitudes.
En classe, nous commençons par appliquer le conte et le mime au quotidien, pour apprendre à raconter (et donc déjà à théâtraliser) ses habitudes. Avec cette matière première, nous travaillons ensuite sur les éléments de mise en récit de la cantine pour constituer de la matière à spectacle : l’espace, les sons, les gestes. L’espace de la cantine est cartographié selon l’imaginaire et l’expérience des élèves : il devient territoire commun dont nous dessinons la carte. Ce terrain imaginaire se peuple ensuite de récits construits à partir des sons de la cuisine et des repas, assemblés sous la forme de rébus dont il nous faut alors imaginer la nouvelle histoire. De ces récits nous faisons des comptines vivantes en créant rythme et images avec les gestes et les objets de la cantine détournés pour créer notre mise en scène, balayant les premiers usages et servant des péripéties à la louche.
Avec cette matière à spectacle, nous pouvons nous mettre en jeu : en scène, sans scène. Dans la cantine, les élèves sont les marionnettistes de ces nouveaux usages, manipulant objets, sons, espaces. Nous, nous sommes les conteurs et chefs d’orchestre menant le déroulé de cette comptine, peut-être ouverte au public. En faisant spectacle et en racontant une histoire à plusieurs mains, nous sommes à l’écoute de chaque rôle, de son observation à son bouleversement.
Laisser infuser
Nous réalisons un «manuel» de détournement de cantine, à mi-chemin entre le manuel scolaire, la notice d’utilisation et le livre de recette. Chaque moment du quotidien pourra devenir un moment de spectacle où chacun met les pieds sur scène (pour ne pas dire dans le plat).
Cet imaginaire, la capacité à «faire ensemble» et les plis d’imaginaire que ces détournements vont laisser dans notre quotidien : c’est tout cela, le projet Cantine-comptine.