Cabane Biorigamique est un projet de recherches et d’expérimentations autour de la micro-architecture déployable bio-inspirée. Le vivant est un monde en mouvement, d’innombrables structures pliables et dépliables sont les instruments de ce mouvement permanent.
En s’emparant de ces instruments, Brendan Cornic cherche à concevoir des aménagements à l’image du vivant ; légers, flexibles, adaptables et résilients. Il s’oppose ici radicalement à l’augmentation exponentielle de la superficie des espaces anthropisés. Le pliage du papier est son outil de recherche principal, permettant de reproduire et d’étendre librement les structures pliables du vivant.
Dans ce projet, les enfants seront invités à élaborer une vision commune de la cabane. Prenant connaissance de la dimension origamique du vivant et explorant l’univers infini du pliage du papier, ils participeront à la mise au point de dispositifs témoins, tant à l’échelle de l’objet qu’à l’échelle de la micro-architecture.
Cabane Biorigamique
Cabane.
Les activités humaines, guidées par l’injonction à la croissance, font peu à peu disparaître les espaces de vie sauvages de la surface de la planète. À titre d’exemple, la superficie moyenne des maisons construites aux USA est passée de 154 m² en 1973 à 250 m² en 2015.
La cabane est donc d’abord une rupture avec les modes d’habitats conventionnels, trop figés, trop consommateurs d’espace, de ressources et d’énergie. À travers l’imagerie qui lui est rattachée, la cabane nous évoque une vie plus sobre, plus résiliente et intégrée harmonieusement à son environnement. Habitats nomades, lieux de vie temporaires, abris d’urgence… les constructions miniatures sont légères, mobiles, rapides et parfois même faciles à construire. Les cabanes de la ZAD de Notre Dame des Landes et celles des Grands Voisin à Paris illustrent la capacité de ces constructions à être adaptables, innovantes et réactives tant dans un contexte rural qu’urbain.
Par ailleurs, la cabane est intimement liée à l’univers de l’enfance et du jeu. C’est aussi en cela que l’univers de la micro-architecture me semble être un terrain idéal pour ce projet. Les enfants disposeront d’une grande liberté pour imaginer les formes et les usages de ce petit édifice. Sa mise en forme et les solutions techniques que nous trouverons n’en seront que plus intéressantes. Les usages qui peuvent être associés à la cabane sont en effet très diversifiés.
La focalisation de ce projet sur la conception et la production d’une micro-architecture légère s’inscrit dans ma recherche plus globale sur les objets pliables, modulables et adaptables. Depuis mes études à l’EESAB de Brest, j’ai engagé mon travail sur la voie de la réduction de l’espace dont nous avons besoin pour vivre. Me focalisant sur des problématiques d’aménagement, je suis attaché à l’idée selon laquelle un espace de vie réduit ne doit pas être systématiquement synonyme d’inconfort ou de précarité.
Des projets comme le Cabriolet Bed de Joe COLOMBO (1969) ou Quand Jim Monte à Paris de Matali CRASSET (2003) illustrent la manière dont des dispositifs souples, pliables et légers peuvent contribuer à rendre nos lieux de vie plus adaptables. Au delà d’une question pragmatique d’optimisation spatiale, c’est l’idée même de liberté d’action et d’appropriation qui se joue ici.
« Le contenant sera aussi élastique que possible, de sorte que le contenu puisse bouger librement en fonction des mouvements de chacun... » (Joe COLOMBO en 1965).
Cabane… Biorigamique ?
Par ce mot étrange, je désigne l’origami du vivant. Nous touchons ici au chapitre de la bio-inspiration qui est au centre de ce projet.
Avec les enfants, nous irons passer du temps dans la nature pour observer et comprendre le fonctionnement du vivant. Plus particulièrement, nous ferons un peu de botanique en étudiant les principes insoupçonnés qui se cachent derrière la croissance des feuilles des arbres. Nous marcherons dans les pas de Biruta KRESLING qui, la première, a perçu la manière dont l’origami est présent dans l’organisation du vivant. Plus précisément, elle a mis en lumière certains schémas de plis géométriques que des contraintes physiques ont fait émerger dans les mécanismes du vivant.
Particulièrement visible chez le noisetier, le charme ou le frêne, un mécanisme unique permet ainsi aux feuilles de ces arbres de se déployer idéalement lors de l’éclosion printanière. Ce déploiement répond en réalité à deux contraintes physiques apparemment inconciliables. D’une part, lors du bourgeonnement, la feuille en pleine croissance doit prendre le moins de place et consommer le moins d’énergie possible. D’autre part, une fois déployée, la feuille doit avoir une surface maximale pour capter le plus de lumière possible.
La compréhension du mécanisme caché derrière cette prouesse illustre l’idée centrale à mes yeux d’un monde en plis. Les feuilles des arbres, les pétales des fleurs, les ailes des oiseaux, celles des insectes ou les nageoires des poissons… l’observation du vivant nous donne à voir un monde composé d’une infinité de plis et de replis. Chacun de ces plis est moteur d’un mouvement (croissance, décroissance, respiration, course, saut, envol...). Les plis sont les instruments de la vitalité.
Nous nous emparerons de ces instruments précieux, en commençant par reproduire en papier le pli des feuilles d’arbre. Nous toucherons ainsi du doigt à l’infinité de formes que le pliage du papier permet d’obtenir. Les travaux de Ron RESCH, de Richard SWEENEY ou de Matthew SHLIAN démontrent la richesse qui réside dans le fait de plier une feuille de papier.
Des scientifiques comme Koryo MIURA ou Robert LANG se sont ainsi appuyés sur cette technique pour concevoir des panneaux solaires pliables pour des satellites, ou pour optimiser le déploiement des airbags de nos voitures.
Des projets comme les Cardborigami mis au point par Tina HOSVEPIAN en 2007, ou le projet Veasyble du collectif GAIA en 2009 illustrent par ailleurs à merveille la capacité des diagrammes de pli géométriques à créer, d’un seul geste, des espaces d’abri ou de cachette.
Passerelle directe vers la mise au point de dispositifs pliables et légers, le pliage du papier se transformera rapidement en travail de maquettage et d’expériences à plus grandes échelles qui confronteront le corps et les pliages élaborés. Mettant en œuvre les méthodologies propres au design (enquêtes et compréhension des besoins, idéation et conception d’une ou de plusieurs réponses, prototypages et expériences), nous tenterons ainsi d’ébaucher notre cabane biorigamique. Le passage du papier au dispositif final sera soutenu par l’emploi de matériaux souples, fin et légers. La mise au point de matériaux sandwich dédiés aux formes plissées est intégrées à mon processus de création. L’association du feutre et du contreplaqué ou du carton avec des textiles fins et souples permet de jouer avec le mélange de souplesse et de rigidité propre aux plissés géométriques.
Nos papiers pliés bio-inspirés sous les yeux, nous nous demanderons alors quelles sont les formes qui abritent, qui enveloppent, qui permettent de s’asseoir, de s’allonger, de poser ou de ranger des objets en tout genre.
Plier, déployer, replier, tirer, pousser, écarter, soulever, enrouler, froisser, plisser, compresser, assembler, gonfler ou dégonfler… autant d’actions pour s’approprier un espace au gré de ses envies.
L’effervescence du vivant ne fait que mettre en lumière la rigidité de nos habitats, de nos murs, de nos routes et de nos tables. La Cabane Biorigamique est donc une célébration du mouvement, de la vitalité et de la résilience. À l'image des Furtifs d’Alain DAMASIO, elle devra être toujours en action, en perpétuelle adaptation aux contraintes fluctuantes dont elle sera l’objet. L’action des corps sera son moteur.
Par le(s) artiste(s)