Un jeu nécessite un espace pour être joué. Mais qu’advient-il lorsque nous jouons avec l’espace comme nous jouons avec les mots ? Le projet d’architecture entretient avec les jeux des relations étroites que cette résidence propose d’explorer autant en termes d’usages, de détournement, de méthode de conception que de nouveaux modes de travail. Le projet a pour objectif d’imaginer une ville utopique entièrement régie par le jeu (dans son fonctionnement comme dans ses modes de fabrication) à travers la création de sa maquette géante (physique et numérique) et de la présentation de ses archives fictives. Bienvenue à Playville présente le temps du projet comme celui d’une partie à l’issue incertaine et explore des jeux créatifs empruntés à d’autres disciplines pour les déplacer dans l’architecture. Playville utilise le jeu comme un moyen privilégié d’échange et de pédagogie avec le jeune public.
Le jeu architectural
Du jeu des folies et des cases vides de Tschumi pour le parc de la Villette aux jeux formels de composition de Jean Nicolas Louis Durand, en passant par les compétitions architecturales des Maisons longues de Luca Merlini et l’architecture automatique de Coop Himmelblau, tout un pan de l’architecture use de jeux pour concevoir des formes et imaginer de nouvelles relations spatiales. Cependant le jeu n’est pas théorisé en tant que moyen de conception et reste à la marge de la discipline. A travers cette résidence de recherche et de création nous souhaitons mettre en évidence les prémisses de ce qui pourrait être une théorie du jeu architectural. Ce travail constitue également un pas de côté critique sur la ville ludique qui se généralise aujourd’hui. A un moment où le jeu entre de plus en plus profondément dans nos modes de vies (le jeu vidéo dépasse le livre comme industrie, les modes de management du travail s’appuie sur la gamification pour organiser les rapports sociaux…), ce projet de recherche propose d’imaginer une ville fiction, une utopie architecturale dans laquelle le jeu régie tous les rapports, à la fois dans son fonctionnement et dans sa fabrication. Bienvenue à Playville prendra la forme d’une maquette géante (physique et numérique) accompagnée des règles du jeu utilisées pour la fabriquer.
La “Méthode du jeu” propose plusieurs types d’analogies avec le processus de création artistique et notamment avec le processus de conception du projet d’architecture. Tout d’abord le jeu suspend les règles en vigueur dans un espace pour un laps de temps donné, et permet de proposer de nouvelles règles, de donner sens à des éléments du terrains dans le jeu. Cette suspension du réel au profit d’un temps de l’imaginaire apparaît comme une métaphore du projet. Cette suspension du temps dure le temps de la partie, et peut se rejouer à chaque nouvelle manche. Les jeux créatifs, l’écriture sous contrainte, les montages du cadavre exquis, ou encore l’écriture automatique sont autant de moyen de déprises permettant de maintenir une issue incertaine dans le projet, pour imaginer une architecture sans image préconçue au départ. Largement développé dans d’autres disciplines artistiques, ces jeux de hasard raisonné nous permettront de tisser des liens entre littérature, arts plastiques et architecture et de partager des processus créatifs. Enfin, pour être joué, le jeu implique des joueurs et propose une pratique collective des espaces. Le jeu repose sur “le pacte ludique”, version jouable du pacte romanesque, dans lequel les joueurs acceptent conjointement de nouvelles possibilités.
Les maîtres du jeu ou la réciprocité des échanges
Nous accordons une importance particulière au travail avec le jeune public, particulièrement lorsqu’il s’agit de jouer. L’interaction avec les enfants dans un milieu scolaire permet selon nous une forme de liberté réciproque dans les prises de paroles et les échanges lors des ateliers et la dynamique de co-apprentissage induite par des moments en classe ajoute de la richesse à ce partage. La dimension pédagogique permet de déployer plusieurs facettes d’un projet et d'expérimenter des formes multiples, en passant par des moments d’écrits, des visites, de la fabrication ou encore la mise en place d’un événement de restitution.
Enfin, la clarté impliquée par les échanges avec un public jeune implique de définir précisément les contraintes, les règles du jeu que nous allons partager.
Après deux expériences menées en milieux scolaires, le jeu apparaît comme une analogie accessible et partageable au processus de création artistique. Nous souhaitons à présent donner forme à ces processus en mettant en oeuvre un projet d’utopie ludique.
Le jeu en projet
Dans chaque cour d’école, les pratiques ludiques les plus variées se côtoient et, avec leurs
ensembles de règles et d’improvisations, réunissent des participants qui à leur tour “mettent en jeux” le territoire qui les entoure. Le jeu constitue une première étape de la transformation du territoire, même si elle demeure exclusivement imaginaire. Nous sommes convaincus que l’évolution de nos espaces doit être prise en charge par le plus grand nombre. La transmission de la mise en projet d’un espace à travers le jeu constitue pour nous un moyen très important pour ouvrir la curiosité de la ville au plus grand nombre.
La ville maquette
La miniaturisation permet de réduire le monde à notre échelle et ainsi de tenter de se saisir de ce qui nous échappait “grandeur nature”. Ce monde miniature devient alors manipulable et plus facilement appropriable. La maquette apparaît comme le médium par excellence appartenant autant à l’univers du jeu qu’à celui du projet, autant à l’univers de l’enfant qu’à celui de l’adulte et donc un support d’échange privilégié dans le cadre d’un travail de transmission.
Par le(s) artiste(s)