Battements est une recherche transdisciplinaire qui s'articule autour de trois notions, celle de groupe, celle de jeu et celle de mythologie.
Battements est une exploration analytique des jeux de notre enfance.
Nous travaillons à partir de nos corps et avec des objets, nous racontons des histoires que nous ne connaissons pas encore. Des mythes anciens se racontent à travers nous.
Nous improvisons, nous répétons beaucoup pour pouvoir improviser.
Battements voudrait grandir à l’école, jouer avec un groupe d’enfants à des jeux qui n’existent peut-être pas encore. Battements voudrait que tout le monde danse et que tout le monde joue, ensemble.
Battements est une expérience collective où nous essayons de décoller du sol.
Battements est une recherche transdisciplinaire qui s'articule autour de trois notions, celle de groupe, celle de jeu et celle de mythologie.
Je m'intéresse à la construction des groupes en tant que processus, et cherche à construire une dramaturgie à partir de la constitution même du groupe. Opérant le chemin inverse à celui qui réunit des personnes autour d'une oeuvre de référence – un texte dramatique par exemple- je cherche à réunir ces personnes autour d'un vécu commun, celui du temps de travail passé ensemble qui constituera la matière même de l'écriture de la pièce à venir. Or ce vécu commun s’articule autour des jeux auxquels nous jouons avec tout notre corps, des jeux bien connus comme 1, 2, 3 soleil ou cache-cache mais aussi des jeux que nous inventons ensemble par le biais d’improvisations. Si l’on modifie légèrement les règles, en enlevant ou en modifiant un paramètre le spectacle du jeu devient porteur de sens, le jeu devient dramaturgie de par sa mise en contexte performative. Le jeu devient dramaturgie à partir du moment où il est mis en scène par la présence de spectateurs pour le voir. Ainsi, avec la modification des règles du jeu, je m’attache à produire des images qui nous sont familières mais où quelque chose cloche, quelque chose en plus ou en moins, de pas tout à fait comme cela devrait être, quelque chose de travers, et c’est de cette rencontre entre l’étrange et le familier que naissent les images qui tissent notre performance.
J’ai choisi de travailler à partir de jeux, des jeux populaires et accessibles à tous sans savoir spécifique préalable, formation spécialisée ou aptitudes hors du commun, pour qu’ensemble, avec nos habilités et nos difficultés respectives, nous agencions ces images poétiques dans la trame de notre pièce chorégraphique. Cette démarche s’appuie sur le concept « d’égalité des intelligences », que Jacques Rancière reprend à Jacotot. Pour ce dernier, « L’ignorant sait toujours quelque chose et il peut toujours rapporter ce qu’il ignore à ce qu’il sait déjà. » Nous postulons une même égalité des intelligences artistiques, non pas au sens où tout se vaudrait, mais au sens où chacun a « la capacité » de créer une chanson, de danser, de performer. Ainsi, la notion de transdisciplinarité telle que je l’envisage ne prétend pas cantonner chaque membre du projet à son domaine d’expertise mais inviter à la pratique de différentes disciplines dans un rapport d’égalité : il ne s’agit pas d’enseigner son savoir mais de rendre possible par tous la création de telle ou telle autre forme d’expression artistique. Ce que nous a montré Jérôme Bel avec une pièce comme Gala (2015), c’est que, pour le spectateur, il est tout aussi intéressant de regarder quelqu’un qui sait faire une pirouette que de regarder quelqu’un qui ne sait pas faire une pirouette alors qu’il essaye d’en faire une. Soudainement, ce qui nous touche, c’est l’effet de réel, c’est la tentative ayant lieu ici et maintenant pour accomplir cette pirouette, peu importe l’issue. C’est ce sursaut-là que je voudrais provoquer.
Battements s’écrit en trois tableaux :
Tableau I - Emménager
Le premier tableau s’amorce ainsi : quatre personnes arrivent avec des plantes vertes et esquissent la chorégraphie de l’emménagement à plusieurs, ils vont tracer l’espace de leur vie ensemble. Comment délimiter les parties communes ? Quelle place nous convient le mieux ? … De la matérialisation en trois dimensions des plans de l’appartement par la chorégraphie et du jeu avec les plantes qui découle de celle-ci, semblent se dessiner de nouvelles règles qui sont celles de la vie ensemble mais aussi celle de la grande partie de cache-cache qui se déroule dans cet espace vide. Les gestes d’occupation domestique deviennent peu à peu rituels sacrés, au fur et à mesure que les quatre interprètes reprennent les gestes des libations homériques, et cherchent à trouver la place de leurs pénates, ces divinités du foyers qui protègeront leur maison.
Arroser les plantes, avec « l’eau lustrale » des libations faites aux morts. Notre premier tableau se clôt ainsi. Modifiant notre perception de l’espace, nous passons du quotidien au mythologique, du profane au sacré, d’un espace domestique défini à un espace collectif imaginaire : celui des étoiles.
Tableau II : Reconstituer le cosmos
Tout comme Ulysse cherchant dans la carte du ciel le chemin qui le mènera de retour à Ithaque, nous cherchons, dans cette nouvelle carte astrale qui nous apparait, la source des mythes qui nous influencent encore aujourd’hui.
Le cosmos est donc abordé à la fois dans sa cosmogonie, le récit du début du monde, et à la fois dans sa chorégraphie stellaire. Que se passerait-il si des hommes tentaient de reproduire le mouvement des astres ? Peut–on imaginer une relation réciproque qui permettrait aux interprètes d’influer sur le mouvement des étoiles, de la même manière que celles-ci influent sur la vie des interprètes, et ainsi, de modifier les destins individuels auxquels président les étoiles ?
Nos corps sont composés d’atomes d’origines stellaires. Suite à un long processus d’expansion et de contraction, l’étoile arrivée en fin de vie explose, rejetant ainsi dans l’espace les atomes qui la constituaient et qui, depuis, nous constituent, tels le fer, l’azote, le calcium... Revenir aux étoiles, dans ce second tableau, c’est donc revenir à l’origine, l’origine de l’homme mais aussi l’origine des mythes.
« 1, 2, 3 Soleil » figure ce jeu avec les astres, établit dans les corps un rapport au temps et à l’espace.
Tableau III : Métamorphoses
C’est ici qu’intervient le dernier mythe, celui d’Icare rapporté par Ovide dans ses Métamorphoses. Après cette incursion dans le cosmos, un nouveau désir s’est épris des corps qui cherchent maintenant à rejoindre le ciel.
Nous avons étudié le mouvement des étoiles, il nous faut maintenant étudier le mouvement des oiseaux, les deux ayant des vertus divinatoires. C’est alors qu’intervient notre troisième jeu celui des avions en papier. En travaillant avec des avions en papier, nous avons découvert une dramaturgie vive entre nos mains, l’imprévisibilité de la trajectoire, la variété des pliages, des lancers, et celles des parcours tracés dans les airs, autant de manières de traverser l’espace, de toucher le sol et les autres corps. L’objet, dirigé par l’aléatoire, vient bouleverser ce qui a pu être décidé. L’avion devient à la fois chorégraphe et interprète. Et nous devenons avions et oiseaux.
Ce dernier tableau repose sur la possibilité que quelque chose se soit modifié, se soit produit dans l’air. Les bras sont plus forts, les jambes plus rapides. Alors se pourrait-il que sur scène, devant les spectateurs, l’envol advienne… se pourrait-il que nous ressentions une aspiration vers le ciel et que l’espace de quelques secondes nous nous libérions de la gravité ?
La fin est ouverte.
Les Ateliers Médicis seront fermés au public du 21 décembre au soir au 5 janvier inclus.