Photo de Thomas Pouget

Transmettre l'amour du jeu

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Entretien avec Thomas Pouget, en résidence à la bibliothèque de Le Malzieu-Ville où il recueille des histoires sur la naissance et l'enfance qui nourriront la prochaine pièce de la compagnie la Joie Errante.


Thomas Pouget est dramaturge, metteur en scène et comédien.

 

Qu’est-ce qui vous a incité à participer à Transat ?

Je suis sorti de la 3ème édition de Création en Cours avec un bilan très positif. Avec ma compagnie Joie Errante, nous menons à l’année ce travail de partir à la rencontre des habitants et de créer avec eux. Notre action territoriale en Lozère nous a amené à acquérir une bonne connaissance des interlocuteurs locaux et quand nous avons vu l’appel à candidatures Transat nous avons pensé à ces structures qui ont envie de travailler avec le monde de la culture, mais sans en avoir forcément les crédits et le budget. Dans cette période complexe d’après confinement, Transat était l’opportunité de reprendre notre activité sur le terrain et de reprendre collectivement nos recherches au contact du public.

Comment intégrez vous la notion de transmission dans votre travail ?

La compagnie Joie Errante est basée dans le nord de la Lozère. Je voulais revenir aux origines en développant un projet dans la région. L’idée de rendre la culture plus accessible à tous et la démocratiser me tient particulièrement à cœur. J’ai pu donner des lectures pour enfants et adultes qui me donnaient le sentiment d’éviter l’exclusion. Au fur et à mesure, j’ai passé le diplôme d’État pour enseigner avec l’idée de pouvoir aller un peu partout et d’avoir les outils pour le faire bien. C’est comme ça que j’ai rencontré l’équipe de la bibliothèque de Malzieu, mais aussi d’autres lieux avec lesquels je développe des projets comme Scènes Croisées ou Ciné-Théâtre. J’ai le sentiment qu’il faut aller au plus près des habitants et je tiens à avoir une présence, à assurer une lecture dans chaque village de la communauté de communes. Je tourne d’une année à l’autre, et les lieux varient en fonction de mes discussions avec les associations locales, je peux aussi bien aller dans un club du 3ème âge que dans un centre culturel, une maison de retraite ou un centre de loisirs. Je cherche à travailler auprès de tous les publics adultes et amateurs, collégiens ou lycéens, parce que cela me met en situation d’adaptation à chaque instant, et pose la question de la transmission. Je n’envisage pas d’être comédien sans être pédagogue. Cela m’interroge en permanence sur la manière dont je transmets l’amour du jeu et l’acte théâtral, et les publics m’apportent des lectures, des approches différentes. Ce sont des échanges permanents et infinis qui font le cœur de mon métier. Plus il y a de publics et de connexions, plus il y a de moyens d’aborder les problèmes.

Quelle est la place du territoire et du public dans votre approche de la création ? Comment vos recherches se nourrissent-elles de ces expériences avec le public ?

Avec mon précédent spectacle Vacarme, j’ai voulu travailler sur le thème de l’agriculture et j’ai pu, lors de cette recherche, m’appuyer sur une résidence avec Création en cours. Je travaille à présent sur le thème de l’enfance. Ce qui m’intéresse dans cette période de 2 à 10 ans - où l’on absorbe le plus et où l’on se forme vraiment - c’est que l’on y passe tous. Avec ce thème transversal je peux intervenir auprès de tous les publics, parler de la vie, de là où on en est, qu’est-ce qu’on fait là, à partir de cette simple question : quels ont été les événements cruciaux que vous avez vécu enfants ? C’est une recherche de sens commune. Au delà de la Lozère, je travaille avec la Maison de la jeunesse et de la culture de Rodez. Avec cette façon de travailler, de partir d’une universalité, la petite histoire rejoint la grande. Tout ce qui sort de ces ateliers, donne autant de matière pour écrire et créer. Ce travail au long cours, qui nous donne une légitimité par rapport au sujet, nous permet aussi de fédérer une communauté et d’amener d’autres personnes au théâtre.
 


Entretien avec Isabelle Mercier, responsable de la bibliothèque de Malzieu

Que peut apporter, selon vous, la présence d’un artiste au sein de la bibliothèque de Malzieu ?

Thomas Pouget est déjà venu à plusieurs reprises dans la bibliothèque et il commence à être bien connu des publics, notamment scolaires. Il a déjà mené par ici un beau travail de récolte de paroles lors d’ateliers, et il a réussi à créer du lien autour de son spectacle. Je pense qu’un artiste peut apporter une ouverture sur un monde méconnu dans les campagnes, un autre regard, initier des découvertes et surtout l’envie de faire d’autres choses.  

Comment vos publics peuvent-il se saisir de ces présences et quelle est la place d’une approche artistique dans le projet de la bibliothèque ?

Nous sommes une bibliothèque avec une seule salariée à temps partiel, et par conséquent une toute petite structure. Nous mettons en place des ateliers ponctuels avec les moyens du bord pour amener cette approche artistique, et il arrive que nous développions parfois des ateliers conjointement avec le public. Par exemple, ce n’est pas très artistique mais un parent est venu nous voir avec l’idée d’un atelier ludothèque, nous avons alors réfléchi aux manière de mener l’atelier ensemble. Nous essayons d’avoir des ateliers enfants avec des supports papiers, pour amener nos publics à utiliser nos ressources et à voir ce que nous pouvons leur apporter hors de la maison. Nous sommes un lieu du livre, mais un lieu d’accueil et un lieu social. Nous travaillons bien, par exemple, avec les deux écoles municipales, et le jeune public est bien pris en compte dans notre offre. Bien sûr, avec Thomas qui est un professionnel, nous atteignons un autre niveau d’ateliers et même pour nous c’est une expérience formatrice.

Quelle spécificité de votre lieu vous semble-t-elle cruciale à appréhender de l’extérieur et que pourrait « révéler » un artiste ?

Je pense que notre lieu est à même de donner une matière à un artiste. La participation tous public à nos ateliers permet de créer un lien avec les participants ; c’est ce qu’il me semble primordial et intéressant dans la démarche de Thomas. Il est capable de s’adapter et de faire des choses pour un public varié.