Smaïl Kanouté par Ruben Mbengi

Deux ou trois choses sur Smaïl Kanouté

Le

Artiste aux multiples facettes, Smaïl Kanouté est à la fois graphiste, sérigraphe, plasticien et danseur professionnel. Il fait partie de cette jeune génération qui renouvelle les codes visuels et esthétiques à travers ses créations.

Danser, rencontrer

Danser, rencontrer

« J’ai appris à danser en rencontrant les gens, c’est-à-dire que je dansais et partageais des pas de danses avec des personnes dans les fêtes et les soirées. Ces événements étaient ma salle d’entrainement. J’ai toujours aimé danser car j’avais du mal à m’exprimer par la parole en raison de mon bégaiement. Donc petit à petit, j’ai développé ces capacités en danse pour m’amuser, me chercher, me découvrir et surtout communiquer avec les gens sans employer de mots. »

« J'ai rencontré les arts plastiques en travaillant sept ans dans l'association Méharées qui venait en aide aux écoliers à travers l'art dans le monde. J'ai dès lors commencé à dessiner et à peindre au sein de cette association humanitaire pour récolter des fonds et financer des projets. »

Les arts visuels et la danse

Les arts visuels et la danse

« La rencontre est la base de mon interdisciplinarité artistique car pour moi la danse et le graphisme sont indissociables de mon processus créatif, c’est une question de courbes, de lignes, de couleurs, de rythmes et d’énergies. Je crée un dialogue entre les arts visuels et la danse car cela me permet de créer des nouveaux mondes. »

« En 2005, je suis entré à l'École des Arts Décoratifs de Paris (ENSAD). J'y ai appris le design graphique, la sérigraphie et l'interdisciplinarité qui ont nourri ma créativité. En 2010, à Rio de Janeiro, j'ai rencontré Deug qui m'a enseigné la sérigraphie artisanale. De retour à Paris, j'ai créé le collectif WEAR’T avec Charline Troutot et Louis Bottero, autour de collection de pièces uniques sérigraphiées. J’ai ensuite fait plusieurs créations dans l’univers de la mode, entre autre pour le styliste Xuly Bët. »

« À la fin de mon diplôme à l’ENSAD, j’ai dansé pour la chorégraphe Raphaëlle Delaunay dans Bitter Sugar et pour le chorégraphe Radhouane El Meddeb dans Heroes. Cela m’a donné envie de créer ma compagnie. En 2016, j'ai créé la compagnie Vivons pour explorer mes champs artistiques de prédilection.»

« J’ai choisi la danse car pour moi, c’est le seul moment où je me sens vivant dans le monde visible et invisible. »

« Je dialogue à la fois avec le public dans le monde visible mais aussi avec les énergies dans le monde invisible. Ce sont des moments magnifiques et uniques car je rentre en connexion avec l’univers. Je vis les choses avec le corps, des idées, des sensations, des émotions qui nous traversent et aussi la transmission d’énergie et d’émotions que je transmets aux partenaires ou au public. J’adore la transformation que la danse opère chez moi dans le corps, l’esprit, le regard, l’émotion et l’énergie. La danse, c’est la vie. » 

Témoigner à travers la danse

Jidust
Jidust en juin 2019 aux Ateliers Médicis

« En 2018, j’ai été invité à présenter ma pièce Les Actes du désert, parlant de l’histoire de ma famille au Mali, au festival activiste “Performing The World” à New York.

Avant d’y aller, je me suis intéressé aux violences liées aux armes à feu dans le quartier du Bronx et j’ai demandé à une amie de partager avec moi des témoignages sur ce sujet. J’ai eu l’idée de travailler sur un nouveau court métrage et de profiter de mon séjour pour le réaliser. J’ai écrit un scénario et une chorégraphie pour retracer ces témoignages comme une histoire qui part du fonctionnement du business d’armes à feu et arrive à la perte d’un proche lié à ce système. »

« J’avais envie de traiter un sujet social, avec des témoignages, à travers la danse. Ce fut une première et un tournant dans mon travail artistique. »

«Je me suis intéressé à la communauté afro-américaine à travers ces jeunes qui disparaissent soudainement. Le mouvement Black Live Matters m’a inspiré pour parler de ce sujet.  Arrivé à New York, nous avons donc tourné avec Henri Coutant, réalisateur du collectif Racine, les différentes scènes du court métrage Never Twenty One, rencontré quelques personnes d’un quartier du Bronx avant le tournage, pour comprendre leurs conditions de vie par rapport à cette violence.

Ça a été le meilleur tournage que j’ai vécu, c'était riche en rencontres, en énergies, et j’avais enfin le sentiment d’avoir réalisé ma mission à travers une création artistique : parler de la vie, raconter des vies à travers la danse et le graphisme. »

Du court métrage à la pièce dansée

Smaïl Kanouté

« En 2019, j’ai décidé d’approfondir le travail sur ce sujet en créant une pièce sur scène à partir du court métrage en extrapolant sur les villes de Rio et de Johannesbourg avec un trio de danseur. C’est ce projet de pièce chorégraphique de Never Twenty One que je développe aux Ateliers Médicis. Nous sommes trois sur scènes. Avec cette pièce je veux continuer à rendre hommage à ces jeunes victimes des armes à feu, à New York, Rio de Janeiro, Soweto... qui décèdent avant l'âge de vingt et un ans. »

« J'ai rencontré l’été dernier, aux Ateliers Médicis, Antoine Pinchaud, beatboxeur venu proposer des ateliers aux enfants de Clichy-sous-Bois et Montfermeil. J’ai aimé son travail et nous allons travailler ensemble sur un son pour le spectacle. »

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