Le travail du pain est un métier ancestral, physique et sensible. Clara Prioux propose d’explorer les manières dont le travail du pain rend compte des transformations du Grand Paris. Quelle place pour ce savoir-faire artisanal dans un territoire en pleine mutation ? Au vu du rôle central que le pain a joué à travers l’Histoire, de quels enjeux politiques, sociaux et culturels est-il aujourd’hui porteur ?
Les premières traces du travail du pain remontent à l’Égypte antique. Le métier de boulanger et ses outils se sont ensuite développés en Grèce antique, avant d’arriver jusqu’à Rome.
Le travail du pain est un métier ancestral, physique et sensible. Modelée par le corps de l’Homme ou par des outils, la pâte est une matière vivante. La patience est nécessaire à son développement, à l’expression de son caractère. Sa fabrication est à la fois un recommencement perpétuel et une continuité, le levain assurant le lien entre le pain d’hier et celui de demain.
Entre les années 60 et 70, une sur-industrialisation de la filière aura eu raison du goût et de l’identité du pain. Nombre d’amateurs et de spécialistes estiment que l’on paye encore à l’heure actuelle ce manque d’exigence commun, ce détachement qui s’est opéré entre le pain et le vivant.
Par conséquent, la boulangerie d’aujourd’hui est à la fois héritière d’un savoir-faire ancestral et des conséquences de son passé plus proche. À l’image des Jeux-Olympiques, comment cette tradition millénaire peut-elle répondre aux enjeux modernes ?
Au cours de l’Histoire, le pouvoir s’est à maintes reprises organisé autour de la fabrication et de l’obtention du pain. Dans l’un de ses ouvrages Steven Kaplan rapporte que “Pour les Parisiens du XVIIIe siècle, du mauvais pain au marché ou dans les boutiques est un affront et une menace intolérables”. Steven L. Kaplan, Le meilleur pain du monde, Fayard, 1996, p. 9. Aujourd’hui encore, les conflits internationaux et la crise climatique impactent directement le pain qui - s’il ne constitue plus notre seule alimentation - reste un symbole important.
Je propose d’explorer les manières dont le travail du pain rend compte des transformations du Grand Paris. Quelle place pour ce savoir-faire artisanal dans un territoire en pleine mutation ? Comment exerce-t-on aujourd’hui ce métier, à l’origine si proche du corps et du vivant ? Au vu du rôle central que le pain a joué à travers l’Histoire, de quels enjeux politiques, sociaux et culturels est-il aujourd’hui porteur ?
Il y a des siècles, certaines communes du Grand Paris brillaient déjà pour la qualité de leur pain. “Réputés pour fabriquer le pain le plus succulent de la région parisienne pendant le XVIIIe siècle, en raison principalement de la qualité de leur eau, prétendaient-ils, plusieurs dizaines de paysans-boulangers de Gonesse, petit bourg situé à seize kilomètres au nord-nord-est de Paris, fournissaient deux fois par semaine les douze marchés de pain de la capitale”. Steven L. Kaplan, Pour le Pain, Fayard, 2020, p. 186.
Aujourd’hui, la construction du Grand Paris dynamise des quartiers longtemps laissés à l’abandon. La Boulangerie Française rapporte : “Dans un quartier de Saint-Denis en pleine mutation en vue des Jeux-Olympiques de Paris 2024, une boulangerie a ouvert à l’été 2019 avec une forte ambition artisanale.” Le Syndicat des Boulangers du Grand Paris observe aussi de nombreuses créations d’entreprise au Pré-Saint-Gervais et à Saint-Ouen.
Je vais contribuer aux Regards du Grand Paris en abordant le projet à travers trois axes principaux : les démarches individuelles, les initiatives communes et les infrastructures.
J’irai à la rencontre des acteurs qui œuvrent dans et autour du pain : boulanger.e.s, apprenti.e.s, compagnons, minotier.e.s., etc. Sur un format similaire à mon projet Fruits du travail, je les photographierai dans l’exercice de leur métier. Au-delà de la documentation des gestes du travail, il s’agira aussi d’explorer la volonté derrière le geste et de représenter chaque parcours humain dans sa complexité. Pour m’aider dans ma démarche et faciliter les mises en relation, je bénéficie du soutien du Syndicat Patronal des Boulangers du Grand Paris et d’un Compagnon avec lesquels j’ai développé des collaborations photographiques et amicales depuis deux ans.
Je poursuivrai la documentation des Concours organisés par le Syndicat des Boulangers du Grand Paris et accompagnerai un candidat dans sa préparation à l’un de ces concours. Je tenterai de rendre compte d’initiatives communes telles que La Fête du Pain à Paris, la Fête des moissons à Vitry-sur-Seine ou l’ouverture du Lycée Agroécologique entre Sevran et Courances.
J’irai enfin à la recherche des infrastructures actuelles et historiques, comme les Grands Moulins de Paris situés à Genevilliers et tenterai de montrer de quelles manières la métropole elle-même rend son corps perméable au milieu agricole.