Papier plié, la mémoire de la peau

Le pli est universel. Toute enveloppe qui rencontre une action se plie. Comme la peau de notre corps lorsque l’on fait un geste. C’est un dialogue avec la matière, par une écriture sous forme de pliures, de rides, ou de froissements. Le papier est le support privilégié du pli. C’est un matériau d’équilibre, à échelle humaine, dans un accord entre solidité et fragilité, transparence et opacité, élasticité et plasticité…

Ainsi, plier du papier ensemble est un prétexte pour engager la conversation autour de ces trois thèmes : la mémoire, la peau et la fragilité. Le cœur du travail tient dans la relation avec des personnes âgées et de recueillir leur regard particulier sur ces questions, aussi bien émotionnelles et intimes que sensorielles et matérielles, suivant que l’on interroge soi-même ou le papier. C’est l’occasion de repenser les matières de travail, en interaction avec ce que vit une partie de la population, éloignée du quotidien de la plupart. Il est souhaitable d’avoir une écoute sensible de leur vécu, pour en donner une traduction poétique.

L’envie d’interroger des seniors est né au sein d’un projet de spectacle, PLI, (produit par les SUBS à Lyon), sur l’utilisation acrobatique du papier. Ces questions de force et fragilité sont au cœur de l’écriture du spectacle, actuellement en cours. Les résidents d’ehpad seraient une source d’inspiration, transmettant leur parole singulière et leur expérience riche, sans tabou, mais avec bienveillance. L’idée est d’avoir spontanément ces discussion lors des temps forts sur le papier, également lors d’entretiens volontaires.

Durant des ateliers autours du papier, il sera proposé de transmettre certains savoirs de plieur, en donnant les outils pour continuer de façon autonomes. L’animatrice de la résidence pourra être relai d'informations. Ces activités seront aussi l’occasion de partager ce qui constitue, pour certains, le fondement d’une pratique artistique quotidienne : une méditation, une interrogation sur nous-même, par ricochet de nos actions sur la matière travaillée.

Après avoir parlé de la mémoire, de la peau et de la fragilité, après avoir expérimenté ces notions via le papier, comment nous les mettre en espaces dépendra du consentement des résidents. Il est espéré pourvoir présenter une recherche esthétique, sur les plis de la peau et les cicatrices comme traces et marques de nos vécus. Cela pourrait s’exprimer par la photographie, par des œuvres papier qui leur répondent et par la diffusion de l’enregistrement de leurs voix, habitées, empreintes d’une sagesse, d’une fragilité et de la force du souvenir.