Nos histoires

Arrivée à Barcus. L’air y est lourd, l’humidité monte des herbes, les montagnes se devinent à peine. Je m’installe dans l’ancienne école du quartier de la Chapelle, au 1er étage d’une bâtisse qui date de la fin du 19ème siècle. Le quartier est à quelques kilomètres du bourg, isolé, loin des politiques publiques de la mairie qui semble l’avoir oublié. Même dans un si petit village, les politiques publiques oublient. Des aigles tournent.

Martin vit dans l’ancienne école, où il y fait du pain. Il y a des poules, des oies, des plantes médicinales et aromatiques en tous genres, sauge, mélisse, mauve, reine des prés, menthe, les noms s’égrènent. L’ancienne salle de classe a été scindée en deux : d’un côté le fournil, de l’autre un espace de partage, d’exposition, de rencontres. La notion de commun flotte entre ces murs où se mue la possibilité pour cette ancienne école de redevenir un lieu de partage, de rencontres, de création. Un jour, peut-être, la mairie, le bailleur actuel, décidera de réparer les fissures et d’entretenir un lieu qui pourrait alors retrouver sa superbe. Pour l’instant, Martin l’entretient comme il peut et cherche à y créer quelque chose de vertueux en y produisant ce qui nourrit l’humanité depuis la nuit des temps et les égyptiens : le pain.

Les notions de mémoire et de résilience font partie de mon cheminement de cinéaste documentariste depuis plusieurs années. En résidence pour quelques semaines au cœur de la Haute Soule pour le festival Transat, je navigue de rencontres en rencontres pour essayer de saisir, à ma manière et sans protocole, ce qui se niche dans ces vallons comme mémoire sensible et tangible, de celle qu’on nous a transmise, de celle qu’on cherche à transmettre – au risque parfois de la voir se perdre.

Au premier jour, Jean-Paul, Ashley, Emilie ou Martin, réunis autour de pieds de myrtilliers et d’un repas partagé, racontent un ailleurs, des horizons variés que l’on a quittés, quelque part, pour atterrir ici, où les mémoires se fondent dans la terre.