Meryem-Bahia Arfaoui est lauréate de la bourse Jeune création 2024
Meryem-Bahia Arfaoui © Val Fayet

Meryem-Bahia Arfaoui est lauréate de la bourse Jeune création 2024

Meryem-Bahia Arfaoui est lauréate de la Bourse Jeune création Atelier Médicis et Rubis Mécénat 2024 pour son projet « Al Thurya » !

Cette année, le projet Al Thurya de Meryem-Bahia Arfaoui a particulièrement retenu l’attention du jury, composé de Matthieu Potte-Bonneville, Amélie Galli (Centre Pompidou), de Lorraine Gobin, Juliette Le Bihan (Rubis Mécénat) et de Cathy Bouvard, Clément Postec (Ateliers Médicis). Ces derniers ont choisi de soutenir l’artiste dans la production de ce film.

Le jury a été marqué par la singularité de l’artiste et sa démarche introspective, intime et politique qui tord le récit familial de façade et la conduit à explorer l’histoire de sa mère. Meryem-Bahia Arfaoui avance avec un héritage sonore, d’un son à l’autre, d’une K7 des voix de l’exil à celle d’un poète égyptien, elle tisse un nouveau récit, avec sa mère au premier plan.  Meryem-Bahia Arfaoui a besoin « d’expérimenter la matière, et de l’attraper au moment où elle surgit – consciente du fait qu’un tiroir ouvert peut se refermer à tout moment ».

La Bourse Jeune création Ateliers Médicis et Rubis Mécénat 2024 - d’un montant de 10 000 € -  est un dispositif de soutien au développement du projet d’un artiste attribué à l’issue du Workshop Jeune création, une proposition de la Cinémathèque idéale des banlieues du monde, portée par les Ateliers Médicis, le Centre Pompidou, sur une idée originale d’Alice Diop, avec le soutien du CNC. Le workshop Jeune création reçoit également le soutien de Rubis Mécénat.

La Bourse Jeune création est portée par Rubis Mécénat et les Ateliers Médicis.

 

Portrait de Meryem-Bahia Arfaoui

Après avoir suivi des études de droit et de sciences politiques, Meryem-Bahia Arfaoui, originaire de Toulouse, s’intéresse à l’audiovisuel. Elle commence par coanimer une émission dans une radio locale avant de réaliser un premier court-métrage de fiction en juillet 2020. En février 2021, elle réalise Les Splendides, un court-métrage documentaire qui remporte le grand prix du jury du concours Arte, « Et pourtant elles tournent ». Elle rejoint la résidence d’écriture de scénario la Ruche Gindou Cinéma en 2021 où elle poursuit l’écriture d’un court-métrage de fiction, et en 2022, elle fait partie de la première promotion occitane de la Cité Européenne des Scénaristes. En parallèle, elle réalise une série documentaire avec des habitant·es des quartiers nord de Toulouse, Il revient à ma mémoire, produite par l’association Tactikollectif. Depuis et aujourd’hui, elle réalise le documentaire Camionneuse, co-produit par Arte et Les Batelières Productions ; développe une série de fiction, BLOQ ; et prépare un recueil poétique accompagnée par Les Editions Blast.

 

Le workshop Jeune Création 2024 à la plage du CNC lors du Festival de Cannes © CNC/Eric Bonté
Meryem-Bahia Arfaoui et le workshop Jeune création 2024 à la plage du CNC lors du Festival de Cannes © CNC/Eric Bonté

 

Présentation du projet Al Thurya de Meryem-Bahia Arfaoui

« Al Thurya, c’est le nom d’une constellation. Les Pléiades chez les occidentaux. Thouraya, c’est aussi le prénom de ma mère. Soraya chez les français. Je ne sais jamais par quels mots commencer pour parler de ma mère. Ce que je sais en revanche, c’est que ses mots à elle ont toujours commencé dans une voiture. Et se sont souvent arrêtés au claquement de la portière. Dans ce huis-clos en mouvement, elle m’a appris l’arabe, le français et le silence. En me racontant des histoires. En me montrant comment fixer la route droit dans les yeux du pare-brise. Et puis moi, j’ai appris à compter en comptant les lampadaires, du périph à la cité. Ma mère, elle, je ne sais pas sur quoi elle a appris à compter. Elle, ainée d’une famille immigrée tunisienne de six enfants. Elle, daronne seule d’une famille de six, puis sept enfants. Je me suis toujours demandée ce qu’il y a dans sa tête quand elle conduit. Qu’est-ce qu’elle peut bien dire à la route, droit dans les yeux de son pare-brise.
« D’où tu viens ? » - je crois que cette question a existé dans ma vie autant que, « comment tu t’appelles ». J’ai pioché des réponses imparfaites selon les circonstances. J’ai compris vite que cette question était d’abord une affirmation : tu n’es pas d’ici. Je me suis creusée le cœur et l’histoire à chercher quel point de départ je pouvais donner. Et j’ai grandis dans la conclusion latente que je n’ai pas de point – mes arrivées et départs se confondent – je viens d’un trajet. D’une constellation. De Thouraya. Ma mère ne sait pas encore qu’elle m’a aussi appris à répondre mieux à cette question : d’où on vient, c’est les paysages qu’on s’efforce de regarder avec tendresse par-delà la violence. Droit dans les yeux d’un pare-brise. Il me fallait bien un film pour le lui déclarer.
Ma mère est venue en France à 16 ans, dans un combi Volkswagen de 9 personnes. Un voyage sans fin de huit jours à travers la Tunisie, l’Algérie, le Maroc, la Méditerranée, l’Espagne et la France. Un voyage qui n’avait le sens que de ce qu’elle quitte – le pare-brise arrière.
J’ai 33 ans, je déteste la voiture, je n’ai toujours pas le permis et j’ai vécu la majeure partie de ma vie en voiture. Quand je dis « vécu », ça veut dire que la voiture a été une pièce adjacente et mobile de nos HLM. Avec les musiques qui s’y jouaient, les conversations qui s’y tenaient, les sommeils et les rêves qui s’y tissaient.
Ce projet est une intuition et une hypothèse de réponse : et si le « d’où tu viens » de ma mère était une voiture ? Et qu’à partir de là, on pouvait déployer la constellation qu’elle est, et qui brille phares allumés dans les constellations plus grande des histoires de l’immigration, de la colonisation, des quartiers populaires et du prolétariat. De celleux qui nous ont appris à inventer nos propres langues pour dire que ce n’était qu’à partir de là qu’on pouvait enfin espérer se raconter. Peut-être alors que quand je regarderais ma mère, je pourrais entendre ce qu’il y a dans sa tête quand elle conduit. »  Meryem-Bahia Arfaoui

 

Les Ateliers Médicis, le Centre Pompidou et Rubis Mécénat félicitent les participant-es au Workshop Jeune Création pour leur parcours et leurs projets.

Lors de sa 1ère édition en 2023, la Bourse Jeune création Ateliers Médicis et Rubis Mécénat a été attribuée à Rayane Mciridi pour son projet de court métrage Après le soleil, présenté à la Contemporaine – Triennale de Nîmes ainsi qu’au Festival de Cannes en sélection à la Quinzaine des cinéastes 2024.

La cinémathèque idéale des banlieues du monde
Centre Pompidou
Rubis Mécénat
Publié le 4 juin 2024