Prospectus pro remembrement sur plan du remembrement

Jour 6. La salle sous les tribunes

Publié par Marine Le Thellec

Journal du projet

Vendredi 12 avril


Lorsque je retrouve les enfants en début d’après-midi, j’accroche le plan cadastral de Gourlizon qui date de 2021 au tableau. « Qu’est ce que c’est ? Qu’est ce que ça représente ? ». Nous avons un petit quart d’heure pour apprivoiser deux notions importantes avant d’aller aux archives : les parcelles et les sections cadastrales. Après un petit temps où nous repérons l’école et les maisons de certain.es sur la carte, nous quittons la salle de classe et traversons la rue qui jouxte l’école. Toutes les archives ont été déplacées de la petite pièce mansardée de la mairie jusqu’à la salle sous les tribunes, près du stade.

Iels découvrent d’abord les plans cadastraux napoléoniens, vieux de 200 ans. Ces cartes immenses sont regroupées dans un grand recueil épais. Ils peuvent toucher le papier et observer ces cartes dessinées entièrement à la main. Avec quelques uns, nous essayons de retrouver les sections. Ce qui saute aux yeux, c’est la multitude de parcelles consciencieusement répertoriées. C’est une chance que les enfants puissent voir et manipuler ces archives aussi facilement, car d’ici cet été, elles vont quitter Gourlizon pour prendre place aux archives départementales. « Napoléon il a touché la carte ? C’est lui qui l’a dessinée ? ». Je ne sais pas pourquoi iels sont complètement obsédé.e.s par le fait qu’il y ait un lien avec Napoléon.

Iels découvrent ensuite les plans cadastraux conçus à la première moitié du XXe siècle, durant l’entre deux guerres. Cette fois-ci, les plans ne sont plus faits à la main, mais le jaune du papier ne trompe pas sur leur ancienneté, et la multitude de parcelles persistent. Nous repérons les indices qui parsèment les documents, les dates, les sources. Dans une autre partie de la pièce, iels découvrent les documents relatifs au remembrement à Gourlizon. Iels regardent donc les plans du remembrement qui datent des années 60, et qui sont représentés par section, ainsi que le registre dans lequel je me suis perdue la veille au matin. Je leur explique comment il se lit, comment il fonctionne et ce qu’il contient. Il répertorie par ordre alphabétique tous les propriétaires de terres agricoles sur Gourlizon. Chaque page contient donc : le/la propriétaire, son nom, sa date de naissance, sa profession. Sur la colonne de gauche le nombre de parcelles abandonnées en vue du remembrement, et pour chaque parcelle, sa localisation, sa superficie, sa nature de sol et sa classe. Puis sur la colonne de droite, les nouvelles parcelles (considérablement moins nombreuses donc) ainsi que leurs nouvelles superficies, natures de sol, classes, etc.

J’essaie de leur transmettre le goût de l’archive et l’excitation que peut procurer le déchiffrage de ces documents. Iels passent beaucoup de temps à exhumer ce registre, on essaye de trouver les noms de certains d’entre elleux, malheureusement la recherche n’est pas fructueuse. Nous découvrons aussi les procès verbaux du remembrement tapés à la machine, ainsi qu’un prospectus pro remembrement de l’époque. Nous prenons le temps ensemble de le lire et repérer l’argumentaire déployé afin de convaincre les paysans de se plier au remembrement. Ça commence à s’agiter, nous rentrons en classe.

En arrivant, je projette les plans cadastraux napoléoniens numérisés (que j’ai récupérés la veille sur le site des archives départementales) afin de les déchiffrer à nouveau ensemble. Pour terminer la séance, je leur montre l’outil « Remonter le temps » sur le site IGN, outil ludique qui permet de regarder n’importe quel village en vue aérienne, à plusieurs époques en même temps. Nous pouvons donc en parallèle, nous balader dans Gourlizon par vue aérienne en 1950 et en 2024, et constater les nouvelles constructions, le morcellement des parcelles ou leur remembrement. Cette séance se termine par un petit discours d'au revoir de Clara, qui déménage dès le lundi.